24 mai : 7° dimanche de Pâques : bien plus que des guilis-guilis spirituels !

Les messes sont à nouveau ouvertes au public ! Bonne nouvelle ! Du coup, en urgence, nous avons revu le planning de nos messes, ici, à Chateauneuf … et je ne serai pas de service ce matin … mais mon homélie était déjà prête ! Donc je vous l’envoie, elle n’aura pas été faite pour rien !J’ai la joie tous ces jours de prêcher par Skype la préparation à la Pentecôte pour la communauté du Foyer à Bujumbura au Burundi. Chaque jour je fais une ou deux interventions (selon mes disponibilités) quelle joie de revoir ces visages aimés ! La technique a vraiment du bon !Je vous souhaite une belle semaine !

Vous avez sans doute entendu cette expression qui parle de l’imagination comme de la « folle du logis. » En cherchant l’origine de cette expression, je suis tombé sur un article très intéressant qui expliquait que régulièrement on proposait aux Terminales dans une dissertation philosophique de commenter cette expression en l’attribuant à Malbranche, ce prêtre-philosophe du 17°-18° siècle. L’article très documenté invitait les étudiants à expliquer à leur professeur que Malbranche n’a jamais écrit cela … je ne suis pas sûr que ce soit en agissant ainsi qu’ils auraient une très bonne note, même si ça semble être vrai et que la philosophie a justement comme mission première de chercher et d’exposer la vérité. Peu importe à qui attribuer la paternité de cette expression ! Ce qui est clair, c’est qu’elle est assez juste, l’imagination nous joue souvent des tours et nous fait souvent nous égarer. C’est particulièrement vrai quand nous prions. Pas plutôt devant le Saint-Sacrement que nous nous voyons dans telle ou telle situation agréable dont nous rêvons et si nous n’y prenons pas garde, nous risquons de passer pas mal de temps à laisser la « folle du logis » nous entrainer dans ses divagations ! 

St Ignace avait bien compris cela et il avait aussi compris qu’il était très difficile de séquestrer la folle du logis, de l’empêcher de nous entrainer dans sa folie, alors, il a mis au point une méthode de méditation des textes de l’Ecriture qui chercherait à faire de l’imagination une partenaire plutôt qu’une adversaire. Je sais qu’au cours de la retraite communautaire de l’année dernière, retraite animée par la communauté du Chemin Neuf, communauté de tradition ignatienne, vous avez été initiées à cette méthode ignatienne de lecture des Ecritures… mais peut-être aviez-vous déjà été initiée avant et pratiquiez-vous déjà cette méthode. Vous savez qu’Ignace insiste beaucoup sur ce qu’il appelle la composition du récit, ce temps qu’il faut prendre pour se représenter les lieux, pour voir les personnages, reconstituer l’ambiance et même entendre les bruits, sentir les odeurs … Bref, il faut mobiliser notre imagination pour la mettre au service de la méditation des Ecritures.

Je vous propose que nous utilisions cette méthode pour méditer la 1° lecture que nous avons entendue, ce récit très court qui nous conduit au Cénacle, cette chambre haute dans laquelle les apôtres ont décidé de se confiner pour attendre le don promis par Jésus au moment de son ascension. Parfois, le fait d’être allé en Terre Sainte peut être une aide pour faire cette composition du récit, mais là, ce n’est vraiment pas le cas, car ce que nous visitons ne nous aide pas tellement à imaginer ce lieu qui sera pourtant l’un des plus hauts lieux du christianisme puisqu’il est à la fois le lieu de l’institution de l’Eucharistie et le lieu de l’attente et de la réception du Saint-Esprit. Ce que Marthe en dit dans ses récits de la passion est beaucoup plus suggestif !

Je vous laisserai vous-mêmes faire la composition des lieux, ce qui m’intéresse, c’est de m’arrêter sur les personnes. Ce n’est pas pour rien que le livre des Actes prend la peine de nous redonner tous les noms de ceux qui étaient présents. « Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques ainsi que Marie la mère de Jésus, avec ses frères. » Oui, s’ils sont nommés, chacun à leur tour, je crois que c’est précisément pour que nous essayons de les imaginer présents au Cénacle. Et c’est là que la méthode de St Ignace est très riche car nous pouvons les imaginer de façon très différente sans que personne n’ait faux ! En fonction de l’image que nous avons de chaque apôtre, des textes qui les concernent et que nous aimons retenir, nous allons les imaginer de manière différente. Et puis, il y a tous ceux dont on ne sait absolument rien qu’on pourra imaginer avec la plus grande liberté ! C’est ça qui est vraiment intéressant et bon à se partager !

Je vais faire le travail avec 3 des personnages cités et si le cœur vous en dit, vous le continuerez pour les autres sachant que je prends les 3 plus faciles !

  • Tout d’abord Pierre. Ils étaient assidus à la prière, nous dit le texte des Actes, oui, c’est vrai, ils étaient tous dans ce lieu qui s’est transformé en lieu de prière, à tel point d’ailleurs que, désormais, parler de cénacle, c’est justement évoquer un lieu ou un moment de prière intense, alors qu’à l’origine, cœnaculum, désigne une pièce où l’on mange, cena, c’est le repas. Mais, dans ce lieu, devenu, lieu de prière, Pierre, moi, je l’imagine ne tenant pas trop en place ! D’abord parce que c’est un pêcheur du lac et qu’il est sûrement plus à l’aise dans les grands espaces extérieurs que dans un lieu de confinement ! Mais aussi parce qu’il est en train de réaliser ce qui lui est demandé, il doit être Pierre, cette pierre sur laquelle sera bâtie l’Eglise. Or, il se connait très bien, maintenant, il ne se fait plus illusion ni sur lui, ni sur ses capacités. Alors, il devait transpirer, aller à la fenêtre, revenir à sa place et reprendre la prière en appelant ardemment la venue du Saint Esprit pour qu’il ne trahisse plus Jésus.
  • Jean, lui, il était sûrement plus calme. Oh, il n’était pas calme de nature, il avait été fougueux en bon pêcheur du lac qu’il était lui aussi. Il devait se rappeler qu’il avait demandé un jour que le feu du ciel détruise un village qui avait refusé de les accueillir ! Mais, voilà, son compagnonnage avec Jésus lui avait faire du chemin, il avait beaucoup changé puisqu’on le sait, à la dernière Cène, il reposait sur le cœur de Jésus. Alors, lui, il devait moins bouger que Pierre et demander avec ardeur que cette grâce de transformation qu’il avait déjà commencé de recevoir, le Seigneur la lui donne en plénitude et qu’il la donne aux 10 autres apôtres réunis avec lui car il sentait bien que certains étaient en difficulté.
  • Venons-en à Marie, elle, elle devait être un peu à l’écart et devait prier pour que ce qui s’était passé pour elle à l’Annonciation se passe pour les apôtres au moment où le Seigneur leur enverrait son Esprit. Elle avait dit à l’ange qu’elle ne voyait pas bien comment ce qui lui était demandé pourrait devenir possible et elle avait entendu l’Ange lui répondre : l’Esprit-Saint te prendra sous son ombre, j’aime bien comprendre cette parole en la traduisant ainsi : l’Esprit-Saint te suivra comme ton ombre. Et c’est vrai, l’Esprit-Saint l’avait suivie comme son ombre et avait rendu possible tout ce qui était impossible depuis la conception de Jésus en son sein jusqu’à sa mort sur la croix et sa mise au tombeau. Jamais elle n’aurait pu imaginer être capable de porter de telles choses … mais avec l’Esprit-Saint qui la suivait comme son ombre, tout a été possible. Alors, elle devait prier très fort que la promesse de Jésus s’accomplisse le plus vite possible et que l’Esprit-Saint suive les apôtres comme leur ombre pour rendre possible tout ce qui leur semblait impossible.

Je m’arrête, vous continuerez ou reprendrez cette méditation en mettant à la place de mes idées, ce que votre imagination éclairée par le St Esprit vous suggérera. Mais ce que je voudrais que nous retenions, c’est que ceux qui étaient réunis au Cénacle ne priaient pas pour que le Saint Esprit vienne leur faire des petits guili-guilis spirituels ! Je fais une parenthèse pour dire que ça explique pourquoi tant de chrétiens sont si peu attirés par le St Esprit, c’est parce qu’ils estiment ne pas avoir besoin de ces guli-guilis spirituels, parfois même, ils craignent carrément les chatouilles et s’en éloigne donc ! 

Alors, bien sûr, le St Esprit, il sait en faire des guili-guilis spirituels, mais il est capable de tellement plus, de tellement mieux ! D’ailleurs, ce ne sont pas les guili-guilis qu’il préfère, ce qu’il préfère c’est intervenir pour les grandes missions ! Et à la Pentecôte, c’était une grosse mission, c’était presque une question de vie ou de mort … si ce n’était pas une question de vie ou de mort physique, c’était assurément une question de vie ou de mort spirituelle pour les apôtres et derrière eux pour l’Eglise naissante.

Eh bien, avec tout ce que nous avons vécu ces derniers temps qui continue à nous poser tant de questions, nous nous retrouvons dans la même situation que les apôtres au Cénacle. Ce n’est plus de guili-guilis spirituels dont nous rêvons ! Mais nous avons besoin que le Saint Esprit vienne encore nous visiter au cœur de ce que nous vivons. Pour nous aussi et peut-être pour les Foyers, c’est une question de vie ou de mort spirituelle. Alors que Marie qui veillait et priait avec et pour les apôtres, le fasse pour nous aujourd’hui, pour les Foyers qu’elle nous obtienne d’accueillir le Saint Esprit qui veut nous suivre comme notre ombre pour rendre à nouveau possible ce qui aujourd’hui nous parait tellement impossible ou cassé. 

Cet article a 2 commentaires

  1. Marie-Anne Labois

    Merci Père d’avoir écrit cette homélie ! Non, ce n’est vraiment pas du temps perdu…

  2. wilhelm richard

    sans l’ombre d’un doute, Marie devait tirer et prier plus vite que tous les hommes de la terre. c’est pourquoi elle est devenue et appelée la Mère de Dieu. Ce n’est pas de la chance mais plutôt l’Esprit-Saint qui l’a enveloppée : Marie a fait long feu mais sans artifice ni fumée mais avec grande humilité.

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