17 avril : samedi 2° semaine de Pâques. Conflits, problèmes en Eglise ? Résolution, mode d’emploi !

Le texte que nous avons entendu dans la 1° lecture est très intéressant à plus d’un titre. 

D’abord parce qu’il nous rapporte l’institution des premiers diacres, un ministère qui connaîtra un long sommeil avant une résurrection opérée par le Concile Vatican II mais qui sera surtout présent dans les Eglises de l’hémisphère Nord. Ces premiers diacres, en fait, on ne sait pas bien quelle sera leur mission. Certes, le texte définit cette mission en parlant du service des tables pour les veuves d’origine grecque, cette catégorie de personnes en difficulté dans la communauté. Pourtant, je dis qu’on ne sait pas bien quelle sera la mission des sept premiers, car, à chaque fois qu’il sera question d’un diacre dans les Actes, on le verra en train de faire autre chose que cette mission définie lors de leur institution. Par exemple, jeudi dans le partage que nous avons eu sur les Actes, il était question de l’un d’eux chez qui Paul a séjourné au cours de son voyage vers Jérusalem, il s’agissait de Philippe qui avait reçu le titre d’évangéliste. S’il a reçu ce titre, c’est le signe que le service des tables était loin d’être son occupation prioritaire ! Ce n’est donc pas à partir de ce texte qu’on pourra élaborer une théologie du diaconat même s’il y a un élément qui reste important qui est l’attention que doivent porter les diacres à ceux qui risqueraient de ne pas trouver leur place dans la communauté ou de se retrouver marginalisés. Et cela reste toujours une composante essentielle de la mission confiée aux diacres d’aujourd’hui qui exercent ce qu’on a pris l’habitude d’appeler un ministère du seuil pour parler de l’Eglise et de l’Evangile à ceux qui en sont loin et pour parler de ceux qui sont loin à ceux qui sont dedans. 

Au-delà du diaconat, ce texte est surtout intéressant parce qu’il nous donne comme un mode d’emploi pour régler des problèmes, des conflits quand on est chrétien. Et je veux retenir d’abord 4 attitudes fondamentales.

  • La 1° attitude consiste à ne pas nier les problèmes quand il y en a. « Les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien. » C’est un vrai problème, inutile de faire l’autruche ! Or, en Eglise, mais il n’y a pas qu’en Eglise, comme on aimerait vivre dans un monde de Bisounours, on a souvent tendance à minimiser les problèmes tant qu’on le peut : oh ce n’est pas si grave que tu le dis, tu verras avec de la bonne volonté ça va s’arranger ! Serre les dents et offre, tu grandiras en sainteté ! Cette pseudo-attitude spirituelle a laissé pas mal de blessés sur nos champs de bataille qui s’en sortent comme ils peuvent ! 
  • La 2° attitude fondamentale que nous livre ce récit c’est une invitation à ne pas faire de leçon de morale ou du prechi-precha pour étouffer le problème : quand on est chrétien, il ne devrait pas y avoir de problème ! S’il y a un problème, c’est que vous n’êtes pas assez chrétiens, convertissez-vous et les problèmes seront réglés ! Oui, mais en attendant que tout le monde soit converti, on fait quoi ?
  • La 3° attitude consiste à oser nommer clairement le problème même si ce n’est pas glorieux et là, ce n’est pas glorieux du tout ! Il y a du racisme dans la première communauté, il faut oser appeler un chat un chat. Manifestement, le texte des Actes le fait en reconnaissant la discrimination dont sont victimes des femmes déjà fragilisées par leur veuvage et cette discrimination s’opère sur une base ethnique. Les responsables n’ont pas fait taire ceux qui dénonçaient cette discrimination en leur disant que leur dénonciation risquerait de salir la communauté ! Il y a un problème, il est nommé clairement et il est pris en charge.
  • Enfin la 4° attitude consiste à reconnaître qu’il n’y a pas que des problèmes. C’est aussi important de le reconnaître et de le dire parce que, souvent, les conflits nous donnent un regard étriqué sur les événements qui ne rend plus compte de la réalité. Car, si j’ose m’exprimer ainsi, le problème relaté dans cet épisode des Actes est un problème de riches ! C’est parce que le nombre des disciples augmentait qu’il y a eu ces problèmes. Bienheureuses communautés qui ont ce genre de problèmes à régler ! En tout cas, c’est une attitude qu’il faudra toujours développer pour replacer le problème dans l’ensemble de la vie communautaire à l’intérieur de laquelle, même quand il y a de vrais problèmes, tout n’est pas non plus problématique. Evidemment, ce n’est pas une stratégie pour minimiser ou encore moins étouffer le problème, mais cette prise de recul permet d’éviter de confondre un verre d’eau ou même une baignoire quand le problème est plus compliqué avec l’océan atlantique ! 

Que de problèmes enterrés et qui sont ressortis comme des bombes parce qu’on avait refusé de les voir, parce qu’on avait cru qu’une leçon de morale ou quelques considérations spirituelles règleraient tout, ou parce qu’on avait refusé de les nommer clairement tellement ils faisaient honte. Les scandales à répétition auront au moins eu cet effet positif de nous obliger à soulever tous les tapis pour en faire sortir tout ce qu’on avait pu y cacher ! Ceci dit, il ne faudra jamais oublier la 4° attitude fondamentale qui consiste à resituer ces problèmes, ces scandales dans un contexte plus large et même dans le déroulé de l’histoire pour garder l’espérance.

Voilà pour les attitudes fondamentales. Maintenant, voyons rapidement, comment s’est réglé le problème.

  • Les priorités ont été redéfinies : les apôtres doivent rester concentrés sur le cœur de leur mission si on veut que l’Evangile continue à se propager. Ça ne veut pas dire qu’ils n’aient jamais à servir la soupe ou faire la vaisselle, ils doivent en effet rester fidèles à l’exemple du maître qui a pris le tablier de service pour leur laver les pieds. Mais ce n’est pas le cœur de leur mission et ils auront d’autres occasions de se mettre au service en annonçant l’Evangile et en assurant le service de la prière puisque ce sont ces deux missions qui ont été définies comme prioritaires.
  • Le problème était grave, des personnes avaient été blessées par ce comportement si peu évangélique qui consistait à servir en premier ses semblables. Il fallait donc trouver une solution à la hauteur, c’est pourquoi, on ne fait pas passer une petite annonce avec une fiche de poste, on cherche d’abord « des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse. » Pour ceux qui connaissent ces catégories, l’insistance est mise sur le savoir-être, le savoir-faire peut toujours s’acquérir !
  • Et puis on met déjà en œuvre ce qui deviendra une grande intuition de l’Action Catholique : l’évangélisation du semblable par le semblable. Ce sont sept hommes dont les noms sont tous à consonance grecque qui sont choisis pour s’occuper de ces veuves d’origine grecque. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de constituer une Eglise dans l’Eglise. Non, puisque les 7 diacres sont des hommes estimés de tous, ils pourront peu à peu réintégrer dans la communauté celles qui avaient été marginalisées. Mais elles trouveront dans ces 7 hommes, proches de leur culture, des personnes capables de vraiment les comprendre.
  • Enfin, il ne faudrait pas oublier l’acteur essentiel, le Saint-Esprit, présent au départ dans le discernement des personnes estimées de tous et qui intervient encore à la fin puisque c’est lui qui, par l’imposition des mains des apôtres, habitera désormais le cœur de ces hommes et les ajustera sans cesse à la mission qu’ils ont reçu. Mais vous aurez remarqué que s’il intervient au début et à la fin, il ne se substitue pas à tout le travail que doit faire la communauté. Bien sûr, il accompagne ce travail, mais il ne le fera jamais à notre place, ni à la place des responsables avec qui il faudra toujours rester bienveillants car, bien évidemment, ce ne sont pas eux qui ont caché les problèmes sous le tapis, par contre, ce sont eux qui doivent mettre en route ce processus onéreux pour les régler.

Quand la démarche est vécue jusqu’au bout, le résultat est merveilleux puisque le texte se concluait par ces mots : « La parole de Dieu était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs parvenaient à l’obéissance de la foi. » On peut dire que c’est un très bel exemple de résilience ! Courage, donc, lorsque la barque est chahutée, quand on n’en peut plus de ramer, il finit toujours par nous rejoindre Celui qui nous dit : « C’est moi n’ayez plus peur ! » Et quand nous nous sommes laissé rejoindre, alors ce qui semblait bloqué se débloque et on arrive plus vite à bon port. 

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    « Que de problèmes enterrés et qui sont ressortis comme des bombes parce qu’on avait refusé de les voir, parce qu’on avait cru qu’une leçon de morale ou quelques considérations spirituelles règleraient tout, ou parce qu’on avait refusé de les nommer clairement tellement ils faisaient honte »

    => cf. allocution guérisseuse d’Eric de Moulins-Beaufort pour clore l’ass. plénière des évêques de France le mois dernier !!!

    Quand on refuse de voir des choses, elles nous reviennent en pleine tronche, et l’Eglise en fait l’amère expérience. Mais comme elle travaille BIEN à prendre soin de « l’homme laissé à demi-mort sur le bord du chemin » !!!

    Merci Seigneur pour tous les bons samaritains!

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