Comme je le disais en vous accueillant au début de la messe, c’est une grande grâce pour nous de commencer cette retraite avec Marie, en cette fête de Marie, mère de l’Eglise. Dans les Foyers de Charité, Marie est un peu comme la maitresse de maison, on se confie beaucoup à elle, on lui confie beaucoup d’intentions, de personnes. Si vous êtes des habitués des Foyers, vous savez que, dans tous les Foyers du monde, nous commençons notre journée en remettant nos vies entre ses mains. C’est donc un beau clin Dieu de la Providence d’avoir permis que cette retraite de réouverture après le temps de confinement commence sous le patronage de Marie, mère de l’Eglise.
Et vous savez peut-être que ce n’est que la 3° année que nous célébrons cette fête de Marie, mère de l’Eglise. C’est le pape François qui l’a voulue et inscrite au calendrier liturgique. Mais, attention, ça ne veut pas dire que c’est le pape François qui a inventé ce titre de Marie, mère de l’Eglise. Dans l’Eglise ancienne, il y avait déjà eu des expressions qui étaient proches de ce titre et qu’on trouve chez Ambroise de Milan, St Augustin ou St Léon le Grand et par la suite chez un certain nombre d’autres papes. Mais, de manière explicite, ce titre nous vient du concile Vatican II qui l’a mis en valeur sous l’impulsion du pape Paul VI. Et le pape François a décidé d’en faire une fête qu’il a fixée au lundi de Pentecôte … évidemment, le choix de cette date n’est pas dû au hasard !
Comme la 1° lecture nous l’a rappelé, nous savons qu’au cénacle, Marie accompagnait la prière des disciples. A l’Ascension, Jésus leur avait dit de retourner à Jérusalem et d’y attendre cette force d’en haut qui leur permettrait de semer l’Evangile jusqu’aux extrémités du monde. J’imagine volontiers que les apôtres n’ont pas eu beaucoup à se forcer pour rester au cénacle, ils étaient même contents de rester enfermés parce que d’une part, ils avaient peur qu’on leur fasse subir le même sort qu’à Jésus et d’autre part, ils se demandaient bien ce qu’ils auraient pu dire si Jésus les avait envoyés tout de suite évangéliser. Ils étaient donc bien contents de pouvoir rester encore au frais et à l’abri pendant un certain temps !
Marie était là avec eux et elle devait prier très fort pour qu’ils puissent être, comme elle l’avait été au jour de l’Annonciation, revêtus du Saint-Esprit. Vous savez à l’Annonciation, l’ange lui avait dit que l’Esprit-Saint la couvrirait de son ombre, j’aime bien traduire en disant que l’ange lui a promis que l’Esprit-Saint la suivrait comme son ombre ! Eh bien, Marie devait prier ardemment pour que cette bande de dégonflés puisse faire la même expérience qu’elle. Remarquez, on ne peut pas reprocher aux apôtres d’être dégonflés tant qu’ils n’ont pas reçu l’Esprit-Saint, car c’est lui, puisqu’il est le souffle de Dieu qui va nous gonfler à bloc, nous rendre audacieux. Marie était là, priant, intercédant pour eux, afin que chacun se laisse visiter et croit en la puissance de l’Esprit qui allait le visiter. Et ça a marché !
C’est donc pour fêter celle qui a si bien accompagné les apôtres dans l’attente du Saint-Esprit que cette fête a été instituée le lundi de Pentecôte. La pape Benoît XVI avait dit dans une audience : « S’il n’y a pas d’Église sans Pentecôte, il n’y a pas non plus de Pentecôte sans la mère de Jésus, parce qu’elle a vécu de manière unique ce dont l’Église fait l’expérience chaque jour sous l’action de l’Esprit-Saint. » Quelle belle formule : « pas d’Eglise sans Pentecôte et pas de Pentecôte sans Marie. » Prier Marie, ce n’est donc pas nous détourner de la centralité du mystère pascal comme le craignent nos frères protestants, c’est au contraire demander d’être plongés dans le feu de l’Esprit qui est l’amour qui unit, au sein de la Trinité, le Père et le Fils. Nul doute que, tout au long de cette semaine, elle intercédera pour nous pour que cette retraite soit comme une nouvelle Pentecôte pour nous car nous aurons toujours besoin de renouveler le don du Saint-Esprit qui ne cesse de nous être fait. Nous le recevons sans cesse, il nous gonfle à bloc, mais nous devons avoir des fuites pour devenir si vite des dégonflés ! Soyons en sûr, Marie va intercéder pour que nous repartions gonflés à bloc !
Venons-en à l’Evangile, ce très beau passage de Marie au pied de la Croix. Nous sommes invités à recueillir les dernières paroles de Jésus. Les dernières paroles de ceux que nous aimons, nous les recueillons avec un infini respect. Je me rappellerai toujours les dernières paroles de ma mère que je veillais à l’hôpital. Dans la nuit, elle ouvre les yeux et me voit à ses côtés, elle réunit ses forces et me dit : rentre dans ta paroisse, demain tu auras du travail… et elle est morte 3 heures après ! Ses dernières paroles me renvoyaient à mon ministère, à me donner entièrement dans mon ministère, je ne l’oublierai jamais !
Les dernières paroles de Jésus, nous avons le devoir moral de les garder encore plus précieusement que toutes les autres ! Nous le savons, il y a eu 7 paroles de Jésus sur la croix, elles sont toutes importantes, l’Evangile d’aujourd’hui nous en a fait entendre 3. Et sur les 3, il y a cette parole adressée à Marie et concernant Marie. C’est celle que je veux commenter en cette fête, même si encore une fois, les autres dernières paroles de Jésus sont toutes à recueillir avec un grand respect.
Ce qui me frappe dans cette parole que nous connaissons si bien, c’est l’ordre dans lequel Jésus dit les choses : Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Je trouve cet ordre absolument extraordinaire parce que Jésus commence par s’occuper de sa mère. Parfois dans certaines scènes d’Evangile, on a l’impression que Jésus n’a pas beaucoup d’égard pour sa mère, eh bien, ici, ce n’est pas le cas. Jésus commence par s’occuper de sa mère à qui il donne un fils. Cette parole a une très grande portée.
- Bien sûr, il peut y avoir une dimension affective et ça serait ridicule de chercher à minimiser cette portée affective. Jésus comprend que sa mère a le cœur brisé par sa mort qui arrive. C’est la mort du fils unique, la mort du fils bien-aimé de cette mère qui a renoncé à tout pour Lui. En lui donnant Jean comme fils, Jésus cherche sûrement à apaiser le chagrin de sa mère qui ne restera pas seule.
- Mais je crois qu’il y a aussi une dimension théologique qui révèle le sens profond de la fête que nous célébrons. Cette mère, elle est faite pour avoir des enfants, elle a un cœur tellement grand qu’il lui faut des enfants. Ce n’est pas de se retrouver seule qui serait un drame pour elle, c‘est de n’avoir plus d’amour à donner qui la tuerait. C’est une mère, que voulez-vous, alors Jésus l’institue Mère éternelle, éternellement Mère de l’Eglise. Elle aura éternellement des enfants. Le curé d’Ars, mon compatriote qui avait un très grand amour de la Sainte Vierge disait avec humour, je cite de mémoire : il faudra attendre la fin des temps pour que la Vierge Marie puisse se reposer, tant qu’il y aura des hommes sur terre, il y en a toujours un qui, tel un enfant, tirera son manteau en la suppliant de s’occuper de lui ! Mais ça ne fatigue pas Marie que chacun des hommes lui tire son manteau en la suppliant de s’occuper de lui ou d’elle. Elle est Mère, ce qui la fatiguerait, c’est que plus personne ne s’adresse à elle ! Tout cela donne de la chair à la fête que nous célébrons.
Enfin je termine avec l’autre partie de la parole de Jésus qui dit à Saint Jean et à travers Saint Jean : Voici ta Mère !Comme vous le voyez, ce ne sont pas les catholiques qui ont inventé la dévotion mariale, c’est Jésus qui nous demande de nous occuper de Marie. Et comment pouvons-nous nous occuper de Marie ? Eh bien, je l’ai dit, puisqu’elle est Mère, nous ne pouvons pas la rendre plus heureuse qu’en la sollicitant dans son rôle de Mère. Et c’est bien ce que nous sommes invités à faire tout au long de cette semaine en n’hésitant pas à lui tirer son manteau. Ô oui, Marie, dès ce soir et tout au long de cette semaine, prends nos prières, purifie-les, complète-les, et présente-les à ton Fils.