16 décembre jeudi 3° semaine de l’Avent. La démesure de l’amour !

La semaine dernière, en retournant dans ma région, j’ai eu la joie de voir à nouveau la neige. Il a pas mal neigé dans la nuit de jeudi à vendredi. Quand je vois la neige, je retrouve toujours un peu mon cœur d’enfant et me reviennent en mémoire plein de souvenirs d’enfance ! A l’époque de mon enfance, le dérèglement climatique n’avait pas encore fait de dégâts et il neigeait chaque année même dans la région lyonnaise. Et, quand ça neigeait, avec ma sœur jumelle, nous aimions bien sortir dehors et notre grand jeu, c’était d’ouvrir la bouche pour essayer d’avaler le plus grand possible de flocons ! Mais évidemment, nous étions toujours assez déçus car le nombre de flocons que nous pouvions avaler était tellement dérisoire par rapport au nombre de flocons qui étaient tombés !

Quand je lis des passages du livre d’Isaïe comme celui que nous avons entendu dans la 1° lecture, je repense toujours à ce souvenir. Dans le livre d’Isaïe, ce ne sont pas de flocons que Dieu fait tomber sur la terre, mais des promesses. Et, il en tombe vraiment autant que de flocons quand il neige ! Dans cette 1° lecture j’en ai compté une vingtaine ! Peut-être n’en avez-vous retenu que 2 ou 3, et je ne vous en fais pas le reproche parce que, finalement, vous êtes un peu comme moi qui ne pouvais avaler tous les flocons qui tombaient ! Nous ne pouvons pas retenir toutes les promesses que Dieu fait et en profiter à fond. Et, du coup, c’est ça qui est très beau, Dieu ne diminue pas le débit de ses promesses sous prétexte que nous ne sommes pas capables de toutes les retenir. Dieu est comme ça, il en fait toujours trop ! Dans la lettre aux Ephésiens, St Paul dira fort justement qu’il nous a aimés d’un excès d’amour. Dieu est dans la démesure, Dieu n’est jamais très raisonnable. Alors, si nous ne pouvons pas retenir toutes les promesses, retenons au moins ça : Dieu est dans la démesure, il nous aimera toujours d’un excès d’amour nous donnant tellement plus que ce que nous pouvons accueillir.

En méditant sur cette démesure de l’amour de Dieu, nous prenons conscience que, régulièrement, nous devons le faire souffrir parce que nous, nous sommes dans la mesure et une mesure souvent très mesurée … pour être plus directes, nous sommes radins en amour. Nous sommes radins dans l’amour que nous lui donnons : une petite prière de temps en temps, une petite pensée en cours de journée en espérant qu’il saura s’en contenter. Et quand nous lui demandons quelque chose, souvent, plus ou moins consciemment, nous marchandons : je ferai ceci ou cela si j’obtiens ce que je te demande ! Nous sommes radins dans l’amour que nous partageons entre nous jugeant que telle personne ne mérite pas ou ne mérite plus notre amour. Demandons-lui vraiment de venir casser en nous tout ce qu’il peut y avoir d’étroitesse, de radinerie, qu’il nous fasse partager, au fur et à mesure que nous le fréquentons, son sens de la démesure de l’amour. Pour y parvenir, finalement, il suffit que nous ouvrions nos cœurs pour nous régaler de toutes ses promesses d’amour qui sont bien plus nourrissantes que les flocons que je pouvais avaler quand il neigeait ! C’est bien à cette attitude que nous invitait l’une des promesses de la lecture d’Isaïe : « Élargis l’espace de ta tente, déploie sans hésiter la toile de ta demeure, allonge tes cordages, renforce tes piquets ! » Fais de la place, si tu veux accueillir tout l’amour que Dieu te promet autrement, tout va éclater.

Venons-en à l’Evangile. Vous aurez remarqué que Jésus parle de son cousin Jean-Baptiste de manière assez paradoxale : il est à la fois le plus grand et le plus petit. Comment s’est possible d’être les deux à la fois ?

Il est le plus grand parmi les hommes qui ont vécu jusqu’au moment où Jésus prononce ces paroles et cela pour deux raisons

  • Il est le plus grand parce qu’il est celui qui a le plus pris au sérieux l’appel à la conversion si souvent répété par les prophètes de la part de Dieu. Les évangiles nous le présentent comme quelqu’un qui ne faisait pas dans la demi-mesure : vêtu de poils de chameaux, mangeant des sauterelles, vivant au désert, plus austère que lui, tu meurs ! Et Jésus salue la radicalité dans laquelle il a voulu vivre pour prendre au sérieux l’appel à la conversion.
  • Il est le plus grand aussi parce qu’il a eu la chance d’être le dernier prophète. Tous les autres ont annoncé la venue du Messie, lui, il a eu le privilège non plus de l’annoncer mais de le montrer.

Voilà en quoi Jean-Baptiste est le plus grand des hommes, il l’est dans sa radicalité et dans sa proximité avec Jésus le Messie annoncé.

Mais ça n’empêche pas qu’il soit aussi le plus petit dans le Royaume et cela pour une raison extrêmement simple : il appartient encore à l’Ancien Testament. Il a vu Jésus, il l’a désigné comme Celui qui venait accomplir la grande promesse de Dieu de sauver les hommes. Mais il est mort avant d’avoir vu se réaliser tout cela. Jean-Baptiste fera partie de ceux que Jésus ira chercher dans sa descente aux enfers pour les entrainer dans sa victoire. Et cela est bien représenté dans nombre d’icônes qui nous montrent Jésus tenant par la main tous ceux qui ont vécu avant lui et qu’il est allé chercher pour qu’ils puissent, eux aussi, bénéficier du Salut. On le voit tenir par la main Adam et Eve qui tiennent, eux-mêmes par la main tous ceux qui les ont suivis dans l’histoire jusqu’à Jean-Baptiste. Ainsi s’accomplit la grande promesse de Salut.

Du coup, cette mise en scène nous permet aussi de comprendre en quoi Jean-Baptiste reste petit et pourquoi le plus petit du Royaume est plus grand que lui. Jean-Baptiste prêchait, avec force, la conversion en donnant l’exemple d’une vie vécue dans la plus grande radicalité. Mais il ne pouvait qu’inviter tous ceux qui l’écoutaient à avoir du courage, beaucoup de courage pour essayer de l’imiter.

Oui, mais le drame, c’est que la plupart des gens n’avaient pas le courage de Jean-Baptiste, ils n’avaient pas la trempe de Jean-Baptiste pour faire des choix radicaux. Ils n’avaient d’ailleurs aucune envie de s’habiller comme lui, de manger comme lui, de vivre comme lui, dans le même inconfort. Jean-Baptiste montrait un beau chemin, mais en même temps, il devait faire déprimer pas mal de monde qui se disaient : nous n’aurons jamais la force d’emprunter ce chemin jusqu’au bout. Du coup, la plupart, après un grand élan d’enthousiasme, qui avaient suivi leur baptême retombait dans ce que j’aime appeler la « moyenneté » ce n’est pas de la médiocrité, mais ce n’est pas très glorieux non plus !

Si vous voulez, c’est un peu comme quelqu’un qui m’expliquerait comment gravir le Mont Blanc, il me ferait baver d’envie mais avec mes kilos en trop et mes genoux en mauvais état, je sais que je ne pourrai plus y monter ! Eh bien, Jésus, lui, il ne s’est pas contenté de montrer le chemin. En donnant sa vie et en nous donnant le St Esprit, il nous donne aussi la force de marcher sur ce chemin de conversion qui, à certains moments peut être assez raide.

Et, à chaque fois que nous venons à la messe, c’est cette force que nous recevons. En effet, en participant à la messe c’est Jésus, lui-même, que nous accueillons. Il se donne à nous pour que nous ne soyons pas de ceux qui regardent les sommets de la vie chrétienne comme je regarde le sommet du Mont Blanc en disant : dommage que ça ne soit pas pour moi ! Il se donne à nous pour que nous puissions monter toujours plus haut et quand nous n’en pouvons plus, non seulement il nous encourage, mais il nous porte. Je vous le disais Dieu est dans la démesure de l’amour et vous savez ce qu’on dit : tel Père, tel Fils, eh bien, celui que nous allons recevoir va nous entrainer dans cette démesure. Qu’il soit béni !

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