24 octobre : lundi 30° semaine ordinaire. Quand Jésus redresse les accablés.

24 octobre 2022 3 Par Père Roger Hébert

Hier, le prédicateur qui animait le week-end de récollection pour les jeunes pros et les étudiants a commencé son homélie en disant que l’Evangile que nous venions d’entendre était parfait pour une fin de récollection. Eh bien, je peux dire la même chose pour l’Evangile d’aujourd’hui : il est vraiment parfait pour un début de retraite ! Cette femme courbée, ne cherchez pas à vous la représenter, ne cherchez pas à quoi elle pouvait ressembler, comment elle pouvait être habillée. Parce que, cette femme, elle a votre visage, elle a vos vêtements, cette femme, c’est chacun de vous qui êtes venus participer à cette retraite, c’est peut-être aussi vous, membre du Foyer ou amis qui participez à cette messe, cette femme, c’est vous, même si vous êtes un homme ! Et si ce n’est pas vous aujourd’hui, c’était vous, il y a quelques temps ou ça sera vous dans quelques temps. En effet, tous, nous traversons des moments d’épreuves où ce que nous devons porter est trop lourd pour nous et finit par nous courber au moins moralement. Cette femme courbée, ça peut aussi être tel ou tel membre de votre famille, tel ou tel de vos amis, qui, sachant que vous veniez en retraite vous a demandé de prier pour lui ou pour elle parce que son fardeau est bien lourd en ce moment.

Essayons d’imaginer la scène, et regardons d’abord Jésus puisque c’est pour lui que nous sommes là, c’est lui que nous sommes venus rencontrer en venant à cette retraite. Regarder comment Jésus agit, c’est nous préparer à mieux accueillir son action pour nous. Il nous est dit que Jésus est en train d’enseigner dans la synagogue. Comme tout bon prédicateur, il n’a pas les yeux rivés sur le texte de l’Ecriture qu’il commentait, il balaie régulièrement l’assemblée de son regard. Et c’est ainsi qu’il va repérer cette femme, sûrement un peu à l’écart, vous allez comprendre pourquoi.

En effet, les femmes n’étaient pas obligées d’aller à la synagogue. C’est ce qui explique qu’il y avait surtout des hommes qui participaient à la liturgie du sabbat, eux, ils étaient obligés d’y aller. Les femmes n’étaient pas obligées d’aller à la synagogue pour le sabbat parce que, pour le judaïsme, la femme est considérée comme naturellement religieuse, donc, si elle reste chez elle, ce n’est pas un problème, elle priera aussi bien à la maison qu’à la synagogue. Les hommes, eux, par contre, si on ne les oblige pas à aller à la synagogue, ils risquent d’aller au bistrot, ou de s’avachir sur le canapé avec une bière … J’extrapole à peine !

Jésus n’a donc pas de mal à repérer cette femme, à l’écart des hommes. En plus, à cause de son handicap, elle ne pouvait pas passer inaperçue. Je me rappelle ce moine dans une abbaye de mon diocèse qui avait ce genre de handicap, il marchait, plié en deux, en ne voyant que le bout de ses chaussures. Quand on l’avait vu une fois, on ne pouvait plus l’oublier tellement il nous faisait de la peine. Eh bien, cette femme, Jésus l’a forcément vite repérée. Elle n’a pas eu besoin de se manifester pour que Jésus s’intéresse à elle. Comme c’est bon d’entendre ça ! Jésus vous a déjà repéré vous qui êtes venus en portant un poids trop lourd. Et comme le regard de Jésus est directement relié à son cœur, nul doute qu’il va s’occuper de vous au cours de ces jours.

Et, qu’est-ce qu’il voit Jésus quand il regarde cette femme ? Il me semble qu’il voit deux réalités.

  • La 1° réalité, c’est évidemment son handicap : n’avoir comme seul horizon, le bout de ses chaussures, ça doit être terrible ! Bien sûr, il y a la souffrance physique de cette colonne vertébrale qui ne peut plus se déplier mais il y a aussi la souffrance morale de ne plus pouvoir regarder le ciel, la nature et surtout les visages des autres. Cette femme, elle vit donc un profond enfermement. C’est souvent ce qui nous arrive quand on en porte trop lourd, on a l’impression de se retrouver bien seul.
  • La 2° réalité que Jésus voit en regardant cette femme, c’est sa fidélité héroïque dans la prière. Comme je l’ai dit, elle n’était pas obligée d’aller à la synagogue, elle aurait pu prétexter son handicap comme une excuse pour rester tranquille chez elle, mais non, elle est là, fidèlement présente à l’office du sabbat. Et si elle est venue, ce n’est pas parce qu’elle savait que Jésus allait venir. Jésus n’avait pas l’habitude de faire placarder des affiches annonçant les lieux, jours et heures de sa présence dans les villes et villages et dans leurs synagogues !

Elle est venue parce qu’elle vient chaque semaine. Et si elle vient chaque semaine, c’est parce qu’elle n’a jamais rendu Dieu responsable de sa misère. Elle vient fidèlement parce qu’elle sait que Dieu, puisqu’il est infiniment miséricorde est de son côté, il est son allié le plus précieux. En effet, la plus belle définition de ce mot miséricorde, c’est que Dieu a choisi de tenir résolument son cœur près de ceux qui ont des misères, qui sont dans la misère. Cette femme, elle est dans la misère, alors elle sait qu’elle ne peut pas être mieux que près de Dieu, c’est sa présence, sa consolation qu’elle vient chercher dans cette synagogue.

C’est sa présence et sa consolation que vous êtes venus chercher en participant à cette retraite. C’est près de Lui que vous voulez vous tenir parce que, vous aussi, vous croyez que Dieu est miséricorde et qu’il tiendra donc son cœur près de vous qui êtes venus lui confier tout à la fois votre misère et la misère de ceux que vous aimez mais aussi votre désir d’aimer toujours plus et toujours mieux.Tel Père, tel fils ! Parce que Dieu est miséricorde et que Jésus est la parfaite image de son Père, dès qu’il voit cette femme, il va s’occuper d’elle comme il s’occupera de vous si vous acceptez de le laisser faire, de vous laisser faire.

La réaction de Jésus ne va pas plaire à tout le monde, en effet, c’est le jour du sabbat. Il y a dans la synagogue, toute une tribu de bienpensants qui ne s’occupe guère de Dieu, de ce qu’il pense, de ce qu’il aime, eux ils sont là pour défendre la Loi. Jésus va souvent s’affronter à eux. Le pape François aime dire : L’Eglise n’est pas un refuge pour les saints mais un hôpital pour les blessés. Jésus aurait pu signer des deux mains. Il va donc s’occuper de cette femme et tant pis pour ceux qui sont choqués. L’Eglise n’est pas un refuge pour les saints mais un hôpital pour les blessés ! Je pense qu’il en va de même pour nos Foyers de Charité, ils ne sont pas des refuges pour les saints, des réserves dans lesquelles se réfugient les dernières personnes très bien de la société, ils sont des hôpitaux pour les blessés. Et le pape François, en filant la métaphore, aime dire que ces hôpitaux ne sont pas des cliniques de chirurgie esthétique où l’on viendrait épousseter les ailes de ceux qui seraient déjà comme des anges, non, il aime dire que nos lieux d’Eglise doivent être des hôpitaux de campagne, ces hôpitaux qu’on installe en urgence pour prendre en charge les plus grands blessés. 

Voyons maintenant comment Jésus va s’occuper de cette femme ? Par une parole et par un geste.

  • La Parole, elle est tellement belle : « Femme, te voici délivrée de ton infirmité. » Vous avez entendu, il l’appelle « femme », il lui redonne son identité, sa dignité. Dans le village, on devait l’appeler « l’handicapée » ou « la tordue », lui, Jésus, il l’appelle : « Femme. » C’est le même nom qu’il donnera à plusieurs reprises à sa mère. Sous le regard de Jésus, quoique nous ayons subi, quoique nous ayons souffert, nous pouvons tous nous remettre à exister.
  • Le geste, lui aussi, il est puissant : Jésus lui impose les mains. C’est le geste traditionnel par lequel l’Esprit-Saint est transmis. A votre confirmation, l’évêque vous a imposé les mains. A mon ordination, l’évêque m’a imposé les mains. Quand vous recevrez le pardon, le prêtre qui priera pour vous, vous imposera les pains. Ayant reçu l’Esprit-Saint, cette femme se redresse immédiatement. C’est toujours Lui, l’Esprit-Saint qui nous donne la force de porter ce qui est trop lourd pour nous. Il n’allège pas forcément la charge, c’est-à-dire qu’à la fin de la retraite, nos problèmes n’auront pas forcément été miraculeusement résolus. Mais, dans cette retraite, nous serons renouvelés par la douce puissance du Saint-Esprit qui nous donnera la force de porter ce qui pourrait nous écraser si nous devions le porter seuls.

Enfin, je termine en disant que c’est aussi, Lui, l’Esprit-Saint qui nous donnera la force de vivre tout ce que Paul demandait aux chrétiens d’Ephèse dans la 1° lecture. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Comment serions-nous capables de vivre cela si nous devions compter sur nos seules forces ? Paul met la barre très haute en disant qu’il nous faut imiter Dieu, comment est-ce possible d’imiter Dieu ? Il n’y a que le Saint-Esprit qui puisse nous permettre de le réaliser. Puisqu’il est l’amour qui unit le Père et le Fils, quand il vient en nous, selon la belle parole de l’épitre aux Romains, c’est l’amour qui est répandu dans nos cœurs, l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs pour que nous puissions aimer de l’amour même dont le Père et le Fils s’aiment dans la Trinité. C’est vertigineux ! C’est ce qui vous est promis au cours de cette retraite à vous les retraitants et à nous qui vous accompagnons !