Avec un peu d’avance, l’homélie de demain que je donnerai au Foyer de Charité de Tressaint où je terminerai un temps de vacances !
Je commence par une petite précision parce que, si jamais, vous vouliez relire le texte de la 1° lecture dans votre Bible, vous pouvez être confrontés à une difficulté. En effet le titre de ce livre peut varier selon les Bibles. Le lectionnaire dit que c’est le livre de Qohéleth, certaines Bibles lui ont donné le titre de livre de l’Ecclésiaste. Et là, il faut faire attention parce qu’il ne faut pas confondre l’Ecclésiaste avec le livre de l’Ecclésiastique appelé aussi le livre de Ben Sirac ou le Siracide ! Je résume Qohéleth est aussi appelé l’Ecclésiaste et Ben Sirac le Sage, l’Ecclésiastique ou le Siracide, c’est un même livre mais différent du précédent ! Bien sûr, on peut tout à fait vivre sans savoir cela par cœur, mais parfois, avoir quelques idées plus claires, ça peut aider pour s’y retrouver dans sa Bible !
La lecture du livre de Qohèleth et particulièrement le passage que nous venons d’entendre ne semble pas une lecture très tonifiante. C’est sûr que ce n’est pas le livre à conseiller à une personne particulièrement déprimée ! Vanité des vanités, tout est vanité ! Oui, à première lecture, c’est assez déprimant d’entendre qu’il est inutile de se décarcasser, puisqu’au bout du compte, il nous faudra laisser notre place à quelqu’un qui profitera sans reconnaissance de tout ce que nous avons pu réaliser et enfanter dans la douleur. Pas très réjouissant d’entendre qu’il n’y aura jamais rien de nouveau sous le soleil et que nous sommes condamnés à vivre dans une répétition routinière et mortifère.
Oui, mais ça, c’est l’impression que laisse une première lecture et il faut demander au Saint Esprit de nous aider à dépasser cette impression. En effet, si ce livre a été retenu pour faire partie de la Parole de Dieu, c’est parce qu’il contient une Parole que Dieu nous adresse aujourd’hui pour notre croissance spirituelle. Dieu ne parle jamais pour nous déprimer mais pour nous faire grandir. Alors comment pouvons-nous entendre cette Parole que le Seigneur nous adresse aujourd’hui, à vous qui êtes en retraite et à nous membres de Foyer ?
Il y a des traductions de la Bible qui essaient de rendre au plus juste le sens des mots hébreux, la Bible du juif Chouraqui en est un bon exemple. La lecture n’est pas toujours limpide mais elle peut être éclairante pour certains passages difficiles. Et là, c’est bien le cas. Quand on lit les premiers mots du texte dans la Bible de Chouraqui on ne lit pas « Vanité des vanités, tout est vanité » mais « Buée de buée tout n’est que buée. » Le mot hébreu traduit par Vanité dans nos bibles désigne la buée.
Pour comprendre comment on passe de la buée à la vanité, il est bon de savoir savoir que l’hébreu est une langue très concrète qui ne connait pas beaucoup de mots abstraits. Ce sont des mots imagés, réalistes qui vont définir des attitudes, des qualités, des concepts. On connait tous un très bel exemple de cette règle avec le mot pitié ou miséricorde qui, en hébreu, désigne les entrailles maternelles. Quand Dieu ou Jésus sont pris de pitié, on pourrait traduire qu’ils sont pris aux tripes, c’est une réaction viscérale, incontrôlée comme la réaction d’une mère qui défend et va toujours au secours de son enfant même quand il s’est mis dans une situation difficile à cause de ses mauvais choix.
Le texte hébreu qui ne manie donc pas aisément les concepts dit : buée de buées, tout n’est que buée ! Et ce mot est très suggestif parce qu’il évoque à la fois ce qui est éphémère, la buée disparait assez vite et ce mot désigne aussi ce qui nous empêche de voir. Quand vous avez de la buée sur vos lunettes ou sur votre pare-brise, il faut vite intervenir parce que vous risquez d’aller dans le mur !
Eh bien, voilà en quoi ce texte est une parole d’amour que Dieu nous adresse aujourd’hui : le Seigneur veut nous éviter de foncer droit dans le mur, il nous met en garde sur la buée qui risque de troubler notre vision. Par son style volontairement provoquant, cette Parole vient nous réveiller pour que nous réagissions pendant qu’il est encore temps. Finalement, cette Parole nous invite à nous interroger lucidement : ce à quoi je tiens, est-ce que c’est vraiment solide ou est-ce que, telle la buée, ça disparaitra sans laisser de traces en ayant considérablement perturbé ma vision de la réalité ? On peut formuler cela de manière un peu plus percutante encore : est-ce que ce à quoi je tiens vraiment, c’est vraiment ce qui me fait tenir ?
Demandons d’abord au St Esprit de projeter sa douce lumière de vérité pour que nous puissions devenir très lucides sur ce à quoi nous tenons, mais attention pas ce à quoi nous tenons et que nous formulons dans de belles paroles, non ! Ce sont mes choix concrets qui manifestent ce à quoi je tiens vraiment, à quoi je donne du temps ? Pour le découvrir, je peux encore me poser la question : est-ce qu’il y a des choses dans ma vie pour lesquelles je dis au Seigneur et aux autres : ça, pas touche ! Oui, mais ce qui me semble si précieux, est-ce que ça l’est vraiment ou est-ce que c’est de la buée éphémère et dangereuse ? Est-ce que ce à quoi je tiens le plus, c’est vraiment ce qui me fait tenir dans la vie ?
Mais entendons-nous bien, le Seigneur ne nous invite pas à cette opération vérité pour nous culpabiliser, pour nous faire honte en disant : tu parles beaucoup de moi, mais finalement tu es hypocrite et ingrat car tu ne tiens pas tant que ça à moi, alors que c’est moi qui te fais tenir ! Non, si le Seigneur nous invite à cette opération vérité, c’est pour nous libérer, nous libérer de la tyrannie de certaines idoles auxquelles nous sommes trop attachés, nous libérer de déceptions qui pourraient, pour le coup, nous plonger vraiment dans la déprime, au moins la déprime spirituelle qui se traduira par une médiocrité acceptée.
Parce que les idoles sont toujours tyranniques et décevantes. Tyranniques, c’est sûr tous ceux qui ne peuvent se sortir de leurs addictions peuvent en témoigner. Décevantes, elles le sont aussi, parce que, lorsque nous avons été attirés par ce qu’elles faisaient miroiter, nous découvrons qu’elles ne peuvent pas tenir leurs promesses. Ce qu’elles promettent, c’est bien de la buée ! Interrogeons-nous donc aujourd’hui pour savoir si ce à quoi nous tenons le plus, c’est bien ce qui nous fait tenir dans la vie.
Et quand le Saint-Esprit nous aura permis de devenir lucides, prenons les décisions qui s’imposent pour ne pas devenir comme Hérode dont il était question dans l’Evangile qui cherchait à voir Jésus. Il cherchait, mais il n’a jamais pris les moyens d’aller plus loin. Quelques temps auparavant, il aimait entendre Jean-Baptiste, mais il n’est pas allé plus loin. La vanité, la buée du prestige, des fêtes bien arrosées, le charme des femmes l’emporteront. Ne soyons pas comme Hérode, quand nous aurons identifié tout ce qui est buée, prenons les décisions qui s’imposent et qui nous feront avancer sur un chemin de vérité et donc de liberté.
Je termine en soulignant qu’il y a tant de gens qui ont soif de liberté mais qui sont aveuglés par cette buée permanente qu’ils entretiennent en courant après leurs idoles tyranniques qu’il devient de plus en plus urgent que, nous, les chrétiens, nous puissions donner le témoignage clair d’une vie qui atteste du bonheur offert à ceux qui tiennent à Celui qui, seul, a la capacité de les faire tenir en donnant une vraie consistance à leurs vies.
merci père Roger. Bonne journée !
Quel bonheur cher père Hébert, de pouvoir être à nouveau nourris par chacune de vos homélies unique..si nourissante et percutante… « Oui Seigneur,à qui irions nous en suivant ces idoles vides, éphémères ,décevantes,embuantes…TU AS LES PAROLES DE LA VIE ETERNELLE… Que Saint Padre Pio au coeur brûlant entraîne chacun de nous à sa suite par son ardente intercession …. Bonne et joyeuse fin de vacances cher père Hebert!
« Ne soyons pas comme Hérode, quand nous aurons identifié tout ce qui est buée, prenons les décisions qui s’imposent et qui nous feront avancer sur un chemin de vérité et donc de liberté.
Je termine en soulignant qu’il y a tant de gens qui ont soif de liberté mais qui sont aveuglés par cette buée permanente qu’ils entretiennent en courant après leurs idoles tyranniques qu’il devient de plus en plus urgent que, nous, les chrétiens, nous puissions donner le témoignage clair d’une vie qui atteste du bonheur offert à ceux qui tiennent à Celui qui, seul, a la capacité de les faire tenir en donnant une vraie consistance à leurs vies »
AMEN !