25 mai : les johanites d’Ephèse … le don d’affection filiale

Avant de commenter le 2° don du Saint Esprit, je ne résiste pas à vous dire un mot sur la 1° lecture. Le texte nous raconte la rencontre de Paul avec ceux qu’on appelle désormais les Johanites d’Ephèse. On les appelle ainsi parce qu’ils n’avaient reçu que le Baptême de Jean-Baptiste. Evidemment, je n’étais pas là quand ça s’est passé mais ce qui est intéressant, c’est de se demander pourquoi Paul leur pose cette question : « Lorsque vous êtes devenus croyants, avez-vous reçu l’Esprit Saint ? » Moi, je crois que Paul leur pose cette question parce qu’ils avaient un comportement étonnant. Ils étaient croyants, zélés animé de la ferveur de Jean-Baptiste dont ils avaient reçu le Baptême. Pourtant malgré ces belles qualités, Paul voit tout de suite qu’il y a un problème et tout de suite, il est capable de poser un diagnostic : votre problème vient du fait que vous n’avez pas reçu le St Esprit. Comment, il a pu s’en apercevoir ? Les gens très zélés qui n’agissent qu’à la force de leurs poignets, ces volontaristes deviennent très souvent très durs, ne supportant pas les lenteurs des autres. Et ça Paul avait dû le repérer, c’est pourquoi il leur demande : « « mais quand vous êtes devenus croyants, est-ce que vous avez vraiment reçu l’Esprit Saint ? » Et il a vu juste puisqu’ils répondent : « nous ne savions même pas qu’il y avait un Saint Esprit ! » Il y a encore beaucoup de johanites d’Ephèse parmi les croyants d’aujourd’hui, oh, ils ont reçu le Saint Esprit, mais ils vivent en fait comme s’ils ne l’avaient jamais reçu, c’est-à-dire sans s’appuyer sur lui.

Venons-en au don de piété ou d’affection filiale. C’est vrai que le mot de piété est un peu vieillot, doucereux, alors on a pris l’habitude de le compléter voire de le remplacer par l’expression « affection filiale. » Dans cette dénomination, il y a le mot filial, c’est à dire que c’est le don qui nous fait regarder Dieu comme Père et cela n’est pas rien. L’Esprit-Saint vient graver en moi le vrai visage de Dieu qui est celui du Père et il veut le graver de manière définitive. Que Dieu soit Père, on le sait intellectuellement, on le lit dans l’Evangile, par exemple dans la parabole du père et des deux fils. Mais il y a tout un tas de circonstances qui font que je vais en arriver à douter que Dieu est Père. 

Il y a d’abord ce qui m’arrive dans ma vie, les événements perturbants, dramatiques. On entend dire : « mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu ? » Sous-entendu, c’est Lui qui est en train de me faire payer quelque chose de mal que j’aurais fait. Au fond, j’habille le visage de Dieu en fonction des évènements qui traversent ma vie. Si je suis heureux, il est Père, si je ne suis plus heureux, il n’est plus Père. Jésus, Lui, le vrai Fils, même, au plus profond de sa souffrance, continuera à regarder Dieu comme un Père, à l’appeler Père : « Père entre tes mains, je remets mon esprit. »

Le don d’affection filiale va donc nous aider à croire que Dieu est toujours Père et qu’il l’est encore davantage quand nous traversons des épreuves. Il y a dans la Bible un signe qui a été donné aux hommes de l’amour indéfectible de Dieu à leur égard. Cet amour indéfectible, il porte un nom, c’est l’Alliance, Dieu est notre allié pour toujours. Et vous connaissez le signe de l’Alliance dans la Bible, ce signe que Dieu a donné à Noé : c’est l’arc-en-ciel. Un arc ça sert à tirer des flèches, mais vous avez remarqué comment est orienté l’arc-en-ciel : vers le haut, vers le ciel, les flèches qui sont tirées sont tirées vers le ciel, elles atteignent le cœur de Dieu. C’est le signe que Dieu a donné à Noé en lui disant que, désormais, l’homme ne sera plus seul à souffrir, il accepte que le mal, le péché vienne atteindre son cœur, il révèle sa compassion : il accepte de souffrir avec nous, pour que nous ne soyons plus jamais seuls dans la souffrance.

La souffrance, Dieu ne peut pas la supprimer parce qu’elle fait partie de la vie, elle est aussi parfois la conséquence de nos choix tordus ou des choix tordus des autres. Et alors, c’est extraordinaire parce que cette souffrance dont il n’est pas responsable, Dieu a choisi de se laisser atteindre par elle pour qu’elle ne nous abatte plus. Voilà ce que le don d’affection filiale nous aide à découvrir, à croire.

Ainsi donc, quand j’accueille ce don d’affection filiale que l’Esprit-Saint me fait, je reçois ce cadeau d’une image constante de Dieu gravée dans mon cœur : Dieu sera toujours Père, je serai toujours son enfant quelles que soient les circonstances de ma vie. Mais il n’y a pas que les tuiles qui peuvent me faire douter que Dieu est Père, il y a aussi mon péché : avec ce que j’ai fait comment Dieu pourrait-il m’aimer encore ? Par le don d’affection filiale, je reçois cette certitude de foi que Dieu reste mon Père et que moi je reste son enfant quoique je fasse. Moi je peux me détourner, mais lui, restera toujours fidèle. Le Malin va se servir de mon péché pour essayer de me détourner de Dieu. Et il est fort parce que c’est vrai que le péché me détourne de Dieu, m’éloigne de Dieu. Mais là où le Malin intervient, c’est pour qu’après avoir commis le péché, je sois envahi par la honte et la culpabilité et non pas le repentir. J’ai honte, je culpabilise, donc je me cache cf. le premier péché, ils ont honte et se cachent. 

Cette honte va m’empêcher de me jeter dans les bras de Dieu, le péché m’a éloigné de lui, la honte m’empêche de revenir à lui … le Malin a bien réussi son coup ! Ayant commis le péché … et nous en commettrons toute notre vie, nous devons demander au St Esprit que, par le don d’affection filiale, il nous aide à nous jeter le plus vite possible dans les bras du Seigneur. Le pape François aime dire que Dieu ne se lassera jamais de nous pardonner. Cf. le curé d’Ars qui disait que, lorsqu’il venait de commettre un péché, il courait devant le St Sacrement … ça c’est l’œuvre du St Esprit en nous qui vient anéantir le plan du malin qui voulait nous plonger dans la honte, la culpabilité et ainsi nous éloigner des bras miséricordieux du Seigneur.

Ce don, d’affection filiale, on peut en mesurer l’impact quand on pense à la foi des musulmans. Vous savez que dans l’Islam, il y a les 99 noms de Dieu qu’ils égrainent sur leurs chapelets. 99, c’est un peu étonnant comme nombre, pourquoi pas 100 carrément ? De fait, il y a 100 noms de Dieu dans l’Islam, mais ils disent qu’ils n’en connaissent que 99, le 100° leur sera révélé au paradis. Eh bien, ce 100° nom, nous le connaissons, nous les chrétiens, pas parce que nous serions meilleurs ou plus intelligents, mais parce que Jésus nous l’a révélé. En Jn 17,6 Jésus dit qu’il a révélé le nom de Dieu aux hommes et il le dit dans cette très belle prière qu’on appelle sacerdotale et qui commence justement par ce nom de Père. Par le don d’affection filiale, l’Esprit Saint grave en nos cœurs ce beau nom de Père et nous redit notre identité filiale. « L’Esprit-Saint atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » Rm 8,16

Du coup, on peut comprendre pourquoi on a donné à ce don le nom de piété parce que c’est lui qui va nous entrainer dans la prière. Puisque Dieu est Père, ce Père plein d’amour et que je suis son enfant bien-aimé, puisqu’il m’aime gratuitement, alors, je veux demeurer en lui. C’est donc l’Esprit-Saint, par ce don de piété, d’affection filiale qui va m’aider à prier sans me lasser, sans rabâcher. On ne devrait jamais commencer à prier sans invoquer le St Esprit pour qu’il soit notre guide. Après ce que sera notre prière ne nous appartient plus, nous le laissons faire, nous nous laissons faire. 

Et puis, vous savez, il n’est pas bon de se regarder prier … c’est comme ceux qui s’écoutent parler, ce n’est jamais très bon ! Si j’ai invoqué le St Esprit et si, dès que mon esprit s’évade, je le ré-invoque, après il ne faut plus que je juge ma prière. Un enfant quand il fait un dessin et qu’il l’offre à ses parents, s’ils sont des parents aimants, jamais ils ne vont lui dire : c’est moche … alors que, objectivement, ce n’est pas toujours une œuvre d’art ! Mais ce dessin est l’expression de son amour même s’il est très pauvre d’un point de vue artistique. Eh bien, il en va ainsi de notre prière, jamais Dieu ne va nous dire : ton temps de prière était raté ! Si j’y ai mis tout mon cœur, il l’accueille comme l’expression de mon amour. 

D’ailleurs, je peux lui dire : si tu veux que ça se passe autrement, si tu n’y trouves pas ton compte, c’est à toi de te débrouiller pour que ça soit mieux en m’envoyant le St Esprit pour que, par le don d’affection filiale, je puisse entrer dans une relation plus belle et plus juste avec toi. Mais de toutes façons, ce qui donne le plus de bonheur à Dieu, ce ne sont pas les paroles de ma prière ou la qualité de mon recueillement. Ce qui lui donne le plus de bonheur, c’est ma présence parce que ce que Dieu aime, ce n’est pas d’abord ce que je fais, mais ce que je suis. Il n’aime pas ma prière, il m’aime, moi, quand je le prie même si ma prière n’atteint pas les sommets de la vie mystique.

Viens St Esprit, viens et emplis-nous de ce don d’affection filiale !

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