Noël 2020 : homélie pour la messe de la nuit : est-ce la fin du monde ?

Vous l’avez sûrement entendu dire autour de vous, avec cette pandémie qui ne s’arrête pas et le virus qui est sans arrêt en train de muter, certains se demandent si ça ne serait pas la fin du monde qui se prépare. C’est vrai qu’il y a des sujets d’inquiétude puisque, malgré les mesures de confinement, les couvre-feux, on asphyxie l’économie mais pas le virus qui continue à se répandre ! C’est cette situation angoissante qui conduit bien des personnes à se demander si ça ne serait pas, l’expression est bizarre, mais on l’entend, le début de la fin du monde ! 

Ces derniers temps, j’ai reçu plusieurs messages qui me demandaient mon avis sur cette question. Evidemment, moi, je ne suis pas devin, donc je ne peux pas prédire ce qui va se passer. Et ceux qui essaient de le faire en annonçant la fin du monde pour telle et telle date sont des escrocs puisque Jésus lui-même a dit que, cette date, il ne la connaissait pas. « Quant au jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges des cieux, pas même le Fils, mais seulement le Père, et lui seul. » Mt 24,36 

Je ne suis pas devin, je n’ai donc pas grand-chose à dire à ceux qui m’interrogent pour savoir si ce n’est pas le début de la fin ! Par contre, je connais un peu la Bible et je peux essayer de dire ce que Dieu fait quand il voit les hommes qui se débattent dans des problèmes qui les dépassent et les angoissent. Et cette nuit est tout à fait appropriée pour que nous nous rappelions ce que Dieu fait quand il voit les hommes accablés.

En effet, c’est bien parce qu’il a vu les hommes se débattre avec des problèmes qui les dépassaient que Dieu a décidé de venir les rejoindre, de se faire l’Emmanuel, Dieu avec nous. Oui, parce qu’au moment où Dieu a envoyé son Fils, c’était un moment particulièrement troublé. Il faut se rappeler ce contexte pour ne pas faire de Noël une belle histoire mais complètement intemporelle. D’ailleurs les premiers mots de l’Evangile rappellent ce contexte dramatique que nous pouvons parfois oublier : « En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre. » Il y a deux points à retenir pour comprendre que le moment est particulièrement troublé.

  • D’abord, les juifs sont obligés de se soumettre à l’autorité de l’empereur, quand il décide de faire recensement ou tout autre chose, les juifs doivent se soumettre. Ce qui signifie qu’ils ont perdu leur indépendance, leur pays est occupé et ils sont soumis à la domination romaine. Les pays qui ont connu cette situation savent que cette situation est très compliquée à vivre. 
    La France, mon pays, a connu cela au cours de la dernière guerre mondiale, l’armée nazie occupait notre pays. Il vaut mieux dire nazi qu’allemand car les allemands étaient de bonnes personnes, mais pas les nazis ! Nous avions donc perdu toute notre indépendance. Il fallait travailler pour l’état nazi, lui obéir ce qui entrainait bien des humiliations, des restrictions de liberté mais aussi de nourriture parce que les produits de la terre étaient réservés en priorité pour nourrir l’armée nazie. Bref, c’était très compliqué. Eh bien c’était la situation que vivaient les habitants de Palestine, l’Evangile le rappelle en mentionnant le nom de l’empereur romain dès la 1° ligne !
  • Et, en plus de cette occupation, déjà bien difficile à vivre, il est question d’un recensement. Ce mot laisse entrevoir des perspectives encore plus compliquées. Pourquoi faisait-on un recensement à cette époque ? Pour deux raisons essentiellement : l’empereur voulait savoir de combien d’hommes il pourrait disposer en cas de guerre. On sait que l’empereur romain voulait conquérir le monde entier, s’il recensait, c’est qu’il prévoyait de lancer de nouvelles batailles pour lesquelles il aurait besoin de nouveaux soldats. Et puis, le recensement permettrait aussi de comptabiliser tout le monde afin de vérifier que tout le monde paie bien ses impôts. Quand vous faites la guerre, ça coûte très cher. L’empereur avait besoin, non seulement de soldats, mais aussi d’argent. Donc, vous voyez que l’annonce de ce recensement assombrit considérablement l’horizon. Ce recensement n’annonce rien de bon ! C’est pourquoi, à cette époque aussi, à cause de cette situation angoissante, les habitants de Palestine et d’ailleurs se posaient aussi bien des questions en se demandant si ça ne serait pas le début de la fin. On trouve bien des échos de ce questionnement dans la littérature de l’époque qu’on appelle justement la littérature apocalyptique.

Alors, puisque nous vivons, nous aussi, une période bien sombre et pleine de questions, il est intéressant de regarder ce que Dieu a fait quand il a vu les hommes se débattre avec tant de problèmes, tous plus terribles les uns que les autres. Comment Dieu a-t-il répondu ? La réponse de Dieu, elle est là ! (montrer l’enfant de la crèche ) C’est sûr que c’est une réponse étonnante, même déconcertante. Face à l’empereur qui recense parce qu’il veut s’affirmer comme le maître du monde, Dieu répond par un bébé, si fragile, comme tous les bébés et qui, en plus, nait dans le dénuement d’une étable ! C’est sûr que les hommes auraient préféré que Dieu réponde en envoyant un chef de guerre très puissant pour mettre l’occupant dehors et redonner une perspective d’indépendance et de prospérité à son peuple. Mais ce n’est pas ainsi que Dieu a répondu. D’ailleurs quand ce bébé, devenu grand, va mourir, la situation du pays n’a pas changé, l’occupant romain est toujours là ! Alors, est-ce que ça veut dire que Dieu s’est complètement trompé, qu’il a raté son coup en n’apportant pas la bonne réponse ?

Evidemment non ! Parce que la venue de ce bébé, en apparence si fragile, aura considérablement changé le cours de l’histoire. La preuve, c’est que désormais, on compte les années avant sa venue et après sa venue. Signe que sa venue a été un événement à la portée considérable. C’est vrai, on n’y réfléchit pas assez, mais sa venue a tellement changé de choses.

Regardez : peu à peu les chrétiens et l’Eglise qui les réunit vont comprendre que c’est leur responsabilité que de s’occuper des pauvres et des malades. Et c’est ainsi que les premiers hôpitaux vont être construits, on les appellera d’ailleurs « Hôtels-Dieu » pour bien montrer que c’est Dieu qui exige qu’on y accueille les pauvres et les malades. Et, dans ces « Hôtels-Dieu » on n’accueillera pas que les chrétiens, ils seront ouverts à toutes les détresses sans distinction de races, de religion, de situation sociale. 

A la suite, ces mêmes chrétiens comprendront qu’il faut donner une bonne éducation à tous les enfants, y compris les enfants de familles pauvres et non-chrétiennes. Vous le savez très bien ici, vous qui avez accueilli les sœurs de St Joseph de Cluny dès 1819 avec la célèbre mère Javouhey. Il y aura encore les missionnaires du Saint-Cœur de Marie, les spiritains, les sœurs de l’Immaculée Conception, les fameuses sœurs bleues, les frères de Saint Gabriel et d’autres. 

Les colons étaient partis en espérant gagner de l’argent pour eux-mêmes et pour les pays qui les envoyaient, mais les missionnaires, eux, ils sont partis pour bien d’autres raisons. Ils voulaient uniquement faire du bien, d’abord en évangélisant parce que l’Evangile est le plus grand des cadeaux que l’on puisse faire. Mais à quoi bon s’occuper de l’âme de quelqu’un si on ne s’occupe pas en même temps de son corps et de son intelligence ? Beaucoup de ces missionnaires sont morts quelques semaines ou quelques mois après leur arrivée, parfois-même sur le bateau qui les emmenait et n’auront jamais connu le pays pour lequel ils partaient ! Oui, bien sûr, je sais qu’il y a eu aussi des dérapages dans l’évangélisation, mais il y en a surtout eu dans la colonisation.

Voilà le bouleversement apporté par le bébé de Bethléem. Il était venu allumer le feu de l’amour dans les cœurs, un feu tellement puissant que désormais, des chrétiens allaient se dire que leur confort, leur vie comptaient moins que l’épanouissement spirituel et le soin de personnes à l’autre bout du monde qu’ils ne connaissaient pas mais dont ils ne pouvaient plus ignorer les besoins puisque, en Jésus, ils étaient devenus leurs frères. Comme vous le voyez, Dieu n’a pas raté son coup ! En envoyant cet enfant si fragile, né dans le dénuement d’une étable, il a apporté la réponse la plus pertinente à tous ceux qui lui criaient leur détresse. Cet enfant est venu allumer un feu d’amour qui n’est pas près de s’éteindre.

Alors, à ceux qui, aujourd’hui encore, crient vers Lui en ayant peur que ce soit le début de la fin, Dieu n’apporte pas d’autre réponse. Il nous invite encore à accueillir l’enfant de Bethléem, à accueillir le feu de l’amour qu’il veut et peut toujours allumer dans les cœurs. Cette pandémie ne doit pas nous renfermer sur nous, la menace qui plane sur chacun doit nous aider à retrouver et à donner de l’importance à ce qui compte le plus. Et ce qui compte le plus, ce n’est pas l’argent que nous amassons, les maisons que nous construisons, tout cela, le virus peut nous l’enlever du jour au lendemain. Ce qui compte le plus, c’est l’amour que nous partageons, ça, il ne nous l’enlèvera jamais parce que l’amour est éternel. Au ciel, aucun coffre-fort ne pourra passer, il n’y a que des cœurs remplis d’amour qui pourront y entrer. Alors, quand l’horizon s’assombrit, il vaut mieux s’intéresser à ce qui a promesse d’éternité. 

Ah si tous les hommes pouvaient, en cette nuit, accueillir l’enfant de Bethléem et l’amour qu’il vient ranimer dans les cœurs, tout ce que nous vivons de difficile en ce moment n’aurait pas été vain. Et alors, au lieu de nous angoisser, nous nous réjouirions que ce soit le début de la fin du vieux monde, ce vieux monde marqué par l’égoïsme parce que cet effondrement permettrait l’avènement d’un monde d’amour dans lequel tous les hommes vivraient enfin comme des frères.

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    « Le début de la fin » dans ce sens, je prends !!! 🙂

  2. Wilhelm Richard

    Que ce temps de la Nativité remplisse votre cœur de paix, de joie et ne cesse de vous éclairer.
    Un très grand merci.

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