26 octobre : mercredi 30° semaine ordinaire. Paul cautionne-t-il l’esclavage ?

Hier, j’évoquais la différence chrétienne, la nouveauté chrétienne que Paul introduisait dans les relations hommes/femmes notamment en introduisant le principe de réciprocité. C’est-à-dire qu’il ne demandait rien aux femmes sans exiger immédiatement une attitude semblable de la part des hommes. Ce principe de réciprocité, nous le voyons encore à l’œuvre aujourd’hui et Paul l’énonce pour deux types de relations : les relations parents/enfants et les relations maitres/esclaves. Là encore il y a de la nouveauté, une belle différence chrétienne qui est énoncée. Regardons successivement ces deux types de relation.

Je ne vais pas m’arrêter trop longtemps sur la relation parents/enfants parce que ce que dit Paul n’est pas trop difficile à comprendre. Aux enfants, il demande la soumission à l’autorité parentale en citant le commandement de la Bible qui demande d’honorer son père et sa mère. Il n’y a rien de très original dans cette demande de Paul. La nouveauté chrétienne va, là encore, se situer dans la réciprocité : Et vous, les parents, ne poussez pas vos enfants à la colère, mais élevez-les en leur donnant une éducation et des avertissements inspirés par le Seigneur. C’est comme si Paul disait aux parents : vous vous plaignez souvent de l’attitude de vos enfants, mais vérifiez si ce n’est pas votre comportement, vos décisions qui sont à l’origine de ce comportement que vous ne supportez pas. Vous aurez d’ailleurs remarqué que Paul utilise une expression forte : vous leur donnerez une éducation et des avertissements inspirés par le Seigneur. C’est-à-dire que les parents ne sont pas tout-puissants par rapport à leurs enfants comme les hommes ne sont pas tout-puissants par rapport à leur femme. Au-dessus des parents, au-dessus des hommes, il y a le Seigneur et l’attitude de chacun doit être en cohérence avec sa foi en Dieu. Nous ne pouvons revendiquer l’autonomie pour aucun secteur de notre vie, tout doit être vécu sous le regard du Seigneur, en cohérence avec notre foi. C’est seulement si nous vivons de cette manière que notre vie sera belle et bonne.

Maintenant venons-en à ce que Paul dit de la relation maitre-esclave. Là, c’est plus compliqué, peut-être plus choquant pour nos mentalités modernes parce que, bien évidemment, Paul ne remet pas en cause l’esclavage. Quand j’étais au Sénégal, je suis allé visiter l’île de Gorée qui était le lieu où l’on réunissait tous les esclaves raflés sur le territoire africain et qui, de ce lieu, partiraient dans différents pays qui avaient besoin de main d’œuvre. Quand on est là-bas, on ne peut qu’être profondément choqué de voir dans quelles conditions ils étaient stockés avant leur départ et j’utilise volontairement le mot stocké car ils étaient considérés comme de la marchandise. Et ensuite on découvre dans quelles conditions ils voyageaient dans la soute des bateaux. Oui, en découvrant cela, on se demande comment des hommes pouvaient faire subir cela à d’autres hommes. 

Alors, c’est vrai qu’on aurait attendu de Paul qu’il remette en cause cet état de fait. Bien sûr, Gorée c’est largement après Paul mais à son époque, l’esclavage n’était guère plus humain si on s’en réfère à ce que nous dit la 1° épitre aux Corinthiens et aux recherches des historiens concernant la vie des esclaves à Corinthe, par exemple. On aurait aimé qu’au nom de l’Evangile, Paul s’engage clairement à lutter pour l’éradication de l’esclavage, il ne le fera pas ni dans ce passage de la lettre aux Ephésiens ni même dans le billet à Philémon qui est centré sur cet unique sujet du comportement d’un chrétien, en l’occurrence Philémon, à l’égard d’un esclave devenu chrétien, Onésime. Quand on lit le magnifique petit livre du frère Adrien Candiard sur cette lettre à Philémon, on découvre que Paul a finalement fait plus et mieux que de s’engager dans une croisade sur l’abolition de l’esclavage et je crois que nous avons déjà un écho de sa réflexion dans ce passage de la lettre aux Ephésiens.

Paul commence par rappeler les devoirs des esclaves et vous avez remarqué qu’il n’y va pas avec le dos de la cuiller ! Il réclame des esclaves une soumission, une obéissance totale vis-à-vis de leurs maîtres. Mais comme pour les femmes, hier, il rajoute la référence au Christ qui change déjà pas mal de choses. Il demande finalement aux esclaves de regarder leurs maitres comme ils regardent le Christ, de se comporter vis-à-vis de leurs maîtres comme ils se comportent vis-à-vis du Christ, avec la même loyauté, le même dévouement. Et c’est la suite qui va opérer une vraie révolution dans la relation maitre/esclave puisque Paul va oser parler de réciprocité des devoirs mutuels.

Il vient de rappeler les devoirs des esclaves, il veut maintenant ouvrir un chapitre tout nouveau, jamais ouvert par personne, les devoirs des maîtres à l’égard des esclaves. Et c’est là qu’éclate la différence chrétienne. Et vous, les maîtres, agissez de même avec vos esclaves, laissez de côté les menaces. Car vous savez bien que, pour eux comme pour vous, le Maître est dans le ciel, et il est impartial envers les personnes. Les esclaves n’étaient plus considérés comme des personnes, ils étaient la chose, la propriété de leur maître qui se croyait donc tout permis. Paul commence par rappeler l’interdiction de la violence à leur égard et ce n’était pas rien d’oser le dire. Et puis, il va surtout situer le maître comme l’esclave sous le regard du Christ en rappelant que sous le regard du Christ, il n’y en a pas un qui est supérieur à l’autre.

On imagine bien que les maîtres, quand ils étaient chrétiens et qu’ils entendaient ces paroles devaient se poser bien des questions, notamment celle-là : si Jésus était là et qu’il me voit agir de telle et telle manière à l’égard de mes esclaves, qu’est-ce qu’il penserait de moi ? Le frère Adrien Candiard, dans son petit livre, montre comment Paul, en s’adressant à la conscience des chrétiens, va très loin dans l’interpellation. Et nous le voyons bien dans ce passage de la lettre aux Ephésiens, Paul ne dit pas ce qu’un chrétien doit faire, mais il dit : mets-toi sous le regard du Christ et demande-toi ce qu’il pense de ton comportement. Du coup, l’interpellation de Paul peut nous rejoindre, tous et chacun, même si nous ne sommes heureusement plus dans ces problématiques. Nous pourrions assez régulièrement nous poser cette question à propos de nos relations : si Jésus était là et qu’il me voyait agir maintenant, s’il m’entendait proférer cette parole que je suis en train d’envoyer à la figure de cette personne avec qui j’ai des relations difficiles, s’il me voyait porter tel regard, qu’est-ce qu’il penserait de moi ? Qu’est-ce qu’il me dirait et qu’est-ce que j’aurais besoin d’entendre pour grandir concrètement dans ma foi ?

Et nous avons plutôt intérêt à prendre au sérieux ce questionnement car, nous l’avons entendu, dans l’Evangile, l’avertissement de Jésus est sérieux. Jésus est venu accomplir la mission que le Père lui a donné et cette mission est clairement énoncée dans l’Evangile de St Jean : il doit faire en sorte qu’aucun de ses frères qu’il est venu sauver ne se perde. Alors, il nous prévient que ce qui sera le plus déterminant, ce n’est pas le temps que nous avons passé avec lui, un temps peut-être réel mais s’il n’a rien transformé dans nos vies, c’est un temps complètement vain. A ceux qui chercheront à se rappeler à son bon souvenir en lui remémorant les heures d’adoration, de chapelet, d’oraison, de messe en lui disant : Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places. Si ces heures passées n’ont eu aucun impact sur notre vie parce que nous estimions que, dans le cadre de notre vie privée, de nos relations, nous sommes bien libres de faire ce que nous voulons, Jésus dira : Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.

La seule porte qui permet de le rejoindre, il nous le dit, c’est une porte étroite. Pour la passer, il est donc nécessaire de se désencombrer. Alors, oui, il peut y avoir, comme il le dit par ailleurs, des richesses non-partagées qui nous encombrent. Mais, souvent, ce qui nous encombre le plus, c’est notre moi envahissant, le souci de nous-mêmes qui nous fait oublier les autres. Cette sale habitude de toujours vouloir avoir raison qui nous rend imbuvable, à chacun de compléter la liste. Ceci dit, Jésus ne prononce pas toutes ces paroles pour nous faire peur. J’ai rappelé sa mission : ne perdre aucun de ceux qu’il était venu sauver, ça signifie donc que, jusqu’au bout, il nous offrira les moyens de nous convertir, de nous purifier, c’est le sens du mot purgatoire mais ça serait tellement mieux qu’on lui facilite la tâche en commençant ce désencombrement dès maintenant. Et puis, la vie serait tellement meilleure pour les autres si nous nous y mettions le plus vite possible. Et même nous, nous avons tout à y gagner puisque c’est en agissant ainsi que nous répondrons le mieux à notre vocation et il ne peut pas y avoir de plus grand bonheur que de vivre en correspondant le mieux possible à ce que Dieu attend de nous !

Cet article a 2 commentaires

  1. Franchellin Jean Marc et Agnès

    il ne peut pas y avoir de plus grand bonheur que de vivre en correspondant le mieux possible à ce que Dieu attend de nous !

    Comme c’est bien vrai !

    1. Adéline

      Amen ! 🙂

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