8 février : Mardi 5° semaine temps ordinaire. Dieu n’est pas confiné en un lieu …. et ce qui peut indigner Jésus.

Hier, dans la première lecture, nous avions un premier récit de ce qu’on pourrait presque appeler la prise de possession par Dieu du Temple qui lui a été construit. Nous avions assisté à ces sacrifices si nombreux qu’on ne pouvait les compter, à l’installation de l’Arche d’Alliance dans le Saint des Saints et, au final, à la venue de Dieu lui-même signifiée par cette nuée qui a empli la totalité de la maison. Et cette mention était intéressante car, elle montrait bien que se donnerait à rencontrer dans la totalité de l’espace. Certes, le Saint des Saints allait être l’espace le plus sacré, mais Dieu refusait d’être confiné exclusivement dans cet espace sacré, il voulait se donner à rencontrer par tout le monde. Or le Temple était un espace construit comme une série d’ensembles qui finissaient par filtrer la présence des personnes : d’abord une vaste cour où tout le monde pouvait entrer, puis un espace réservé aux juifs, puis un espace réservé aux hommes, puis un espace réservé aux prêtres et enfin, le fameux Saint des Saints. En nous laissant contempler la nuée qui envahit la totalité de l’espace, il était donc clair que Dieu se donnerait à rencontrer par tous. Vous vous rappelez que Dieu n’avait pas été très chaud face à ce projet de construction du Temple quand David lui avait fait part de cette formidable idée qui lui était venue. Dieu avait peur qu’on l’enferme dans un espace. Il a fini par accepter, mais il ne sera pas enfermé !

Aujourd’hui, nous assistons à la suite, maintenant que tout est en place dans le Temple, maintenant que Dieu lui-même habite cet espace, la consécration du Temple peut être menée à son achèvement. Intervenant dans cette cérémonie, le roi Salomon va avoir une très belle prière qu’il nous a été donné d’entendre dans la 1° lecture. Dans cette prière, le roi, de manière très inspirée, va reconnaître que si Dieu est présent ici, il n’est pas qu’ici, je cite : « Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! » Non seulement Dieu refuse d’être confiné dans un espace particulier du Temple, mais Salomon a compris que nul ne pourrait prétendre assigner Dieu à résidence, oui, il est là, présent dans le Temple, mais il est aussi présent ailleurs, notamment dans la création dont il est le maître.

Vous comprenez que si j’insiste tant, c’est parce que nous sommes confrontés à la même problématique avec nos églises. Bon des églises, il y en a partout, dans chaque village, même le plus petit, alors que de Temple, il n’y en avait qu’un pour le monde entier et il était à Jérusalem. Mais ça ne fait rien, n’allons pas enfermer Dieu dans nos églises. Il a accepté de s’y rendre présent parce qu’il connait nos besoins d’êtres humains, nous avons besoin de lieux qui nous aideront à le rencontrer. Nous pouvons donc reprendre la prière que Salomon adressait au Seigneur dans la lecture en l’élargissant un peu : « Écoute donc la prière que tes serviteurs feront en ces lieux. » Oui, par délicatesse à notre égard, Dieu a accepté de se rendre présent dans les maisons que nous avons construites en son honneur, mais ne l’enfermons pas dans ces lieux. Quand il m’arrivait, par exemple, de célébrer la messe en pleine nature, j’aimais bien commencer en expliquant que nous nous retrouvions dans la plus belle des cathédrales puisque celle-là, elle a été construite par Dieu lui-même. Il n’y a donc pas de lieux qui ne me permettrait pas de rencontrer le Seigneur. Où que je sois, je peux le rejoindre puisqu’il habite principalement les cieux, or le ciel, c’est ce qui remplit l’espace dès qu’on s’élève d’un millimètre au-dessus de la terre ! Du coup, où que nous soyons, nous pouvons lui adresser ces demandes si fondamentales qui concluaient la prière de Salomon : « Toi, dans les cieux où tu habites, écoute et pardonne. » Ecoute et pardonne ! Ecoute parce que ma vie n’a plus de sens si elle n’est plus nourrie par ce dialogue qui nous unit. Et pardonne, parce que je me connais trop bien !

L’Evangile nous a fait entendre l’une des nombreuses controverses qui nous présente Jésus ferraillant avec les bien-pensants de son époque qui s’estiment garants de l’intégrité de la Loi. Souvent, c’est la question du sabbat et de son respect qui sera au cœur de ces polémiques ; là, il s’agit du respect des règles de pureté et de purification. Alors, il est bien clair que Jésus n’est pas contre le respect des règles élémentaires d’hygiène qui veulent qu’on se lave les mains avant de manger. Pour bien comprendre ce qui énerve Jésus, il faut revenir au texte, mais là, on ne peut que regretter que la version liturgique ait fait sauter quelques mots. Quand Marc rapporte les traditions que les juifs respectent, il dit : Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains, jusqu’au coude, avant de manger, par attachement à la tradition des anciens. » Il manque le « jusqu’au coude. » Et cette petite mention nous aide à comprendre l’une des choses qui pouvait énerver Jésus et nous verrons qu’il en est une autre qui, elle ne l’énervait pas mais le scandalisait !

« Jusqu’aux coudes. » Cette petite mention, elle permet de voir à la fois le côté pointilleux des prescriptions et leur caractère excessif. Jusqu’aux coudes, mais pourquoi faut-il remonter jusque-là ? Et les coudes sont-ils compris ou pas ? Quand on commence comme ça, il n’y a plus de raison de s’arrêter ! Et c’est bien ce qui va alimenter les débats entre spécialistes qui vont débattre des heures et des heures sur coude compris ou pas ! Mais on s’en fiche et Dieu s’en fiche encore plus que nous ! On peut passer des heures à débattre sur ces questions oiseuses et pendant ce temps-là, il y a des pauvres qui meurent de faim, des personnes qui souffrent d’exclusion … Méfions-nous bien de ne pas retomber dans ces travers et c’est sans doute ce sur quoi le pape François a voulu attirer l’attention de ceux qui prétendent célébrer dans le respect de la Tradition. Hier, comme aujourd’hui, ce côté pointilleux et excessif des prescriptions exaspère Jésus car il détourne l’attention de ce qui devrait nous mobiliser totalement, à savoir le respect du frère, de tous les frères en humanité. C’est sans doute ce que voulait dire Jésus en prononçant ces paroles si fortes : « Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes. » Les commandements, Jésus les a résumés en plusieurs endroits, il s’agit d’aimer, Dieu et les frères et tous les frères. Ne nous laissons pas détourner de ce qui est vraiment important.

Mais il y a plus grave, dans l’énoncé des prescriptions rituelles que nous avons entendues. Et j’imagine qu’avec cet énoncé, Jésus était plus qu’agacé, il devait entrer dans une profonde indignation. Il était rappelé que les bien-pensants, au retour du marché, ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau. Le marché, pour un juif pointilleux, c’était un lieu terrible car on y côtoyait toutes sortes de personnes, comme des étrangers, par exemple, qui étaient totalement impurs. Alors, les bien-pensant avaient tellement peur, ne serait-ce que les avoir frôlés qu’ils vont su purifier en rentrant en s’aspergeant généreusement d’eau pour faire disparaître toute impureté éventuellement contractée. Vous vous rendez compte : des personnes peuvent se souiller en rencontrant des personnes qui ne sont pas aussi bien qu’elles. Oui, j’imagine bien volontiers que ça devait scandaliser Jésus. En tout cas, lui, il donnera sa vie pour chaque être humain en n’excluant personne. Et cela, nous le rappelons dans chaque messe avec les paroles de la consécration : ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle qui sera versé pour vous ET POUR LA MULTITUDE. Nul ne peut être déclaré infréquentable puisque Jésus a versé son sang pour lui. C’est ce que Pierre qui a reçu le ministère des clés devra comprendre pour ouvrir les portes de l’Eglise aux païens en la personne de Corneille. Les portes ont été ouvertes et le successeur de Pierre, exerçant ce ministère des clés, veille avec ardeur et souvent même avec passion à ce que personne ne s’arroge le droit de fermer la porte à certaines catégories de personnes en les excluant. Que celui qui a des oreilles entende !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Amen !!!
    Ce commentaire rassasie: nous en avons « jusqu’au coude » ! 😉 😉 😉

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