27 octobre : jeudi 30° semaine ordinaire. Leçon d’histoire et leçon de vie !

Je vais surtout commenter l’Evangile pour ne pas couper l’herbe sous les pieds de Monique qui doit parler vendredi du combat spirituel. Et la 1° lecture est justement le texte emblématique pour développer une réflexion sur le combat spirituel.

Dans cet Evangile, le 1° point que je veux souligner, il est, j’en conviens, un peu anecdotique, mais il peut quand même nous parler. Vous avez remarqué que ce sont des pharisiens qui viennent trouver Jésus pour le prévenir qu’Hérode veut le faire mourir. On a plutôt l’habitude de voir les pharisiens en opposition assez frontale à Jésus or là, ils viennent le prévenir pour qu’il puisse échapper au piège que s’apprête à lui tendre Hérode. Comment comprendre cela ? Ça tombe bien parce qu’en ce moment je suis justement en train de lire deux livres simultanément, un sur Hérode et l’autre sur les Pharisiens, et ce sont précisément les personnages que ce texte d’Evangile met au au premier plan. C’est dommage parce que je ne suis pas encore assez avancé dans la lecture pour vous faire bénéficier de toutes mes découvertes, mais, avec ce que j’ai lu, je peux souligner deux points importants.

  • D’abord, il faut savoir que les juifs détestaient Hérode, ce roi de pacotille qui avait été installé avec la connivence du pouvoir romain. Ils étaient donc assez contents de pouvoir contrarier ses plans en prévenant Jésus du complot qui se tramait. Si ce n’est pas par amour de Jésus qu’ils l’ont fait, c’est par haine d’Hérode. Cette haine remonte à bien des années, elle existait déjà du temps de son père, Hérode le Grand. Il avait cherché à s’attirer les bonnes grâces du peuple juif en agrandissant et embellissant le Temple de Jérusalem. Rien n’y avait fait. Les juifs ne lui pardonneront jamais ses origines douteuses, il vient du Royaume d’Edom. Et surtout, ils ne lui pardonneront pas sa collusion avec le pouvoir romain qui l’avait installé comme un homme de paille pour avoir le contrôle sur Israël, ce peuple rebelle à qui la religion donnait une force de résistance étonnante. Le Fils d’Hérode le Grand, Hérode Antipas ne vaudra pas mieux que son père. Voilà une première raison qui peut expliquer la démarche des pharisiens qui cherchent à sauver Jésus. On peut la résumer avec le dicton bien connu : les ennemis de mes ennemis sont mes amis !
  • Il y a une 2° raison qui peut expliquer leur démarche, c’est qu’il ne faut pas mettre tous les pharisiens dans le même sac. J’ai déjà évoqué une fois ou l’autre l’origine de ce courant religieux. J’en saurai plus en avançant dans ma lecture, mais je peux quand même rappeler que ce courant est né au milieu du 2° siècle avant Jésus-Christ. Il est né comme un mouvement de protestation, un mouvement de renouveau religieux. A cette époque, les prêtres vivaient dans un grand relâchement, profitant des avantages financiers de leurs fonctions sans en assumer les exigences, c’est en réaction à ce laisser-aller que sont nés les pharisiens. Ils ont voulu retrouver la pureté de la foi en remettant la Loi à l’honneur, toute la loi et rien que la Loi. Comme souvent, ce mouvement de réveil qui part avec de très bonnes intentions va se radicaliser. 

Mais, sur le fond, Jésus est plutôt proche des pharisiens, ce qu’il ne supporte pas, c’est leur rigorisme qui exclue et qui les rend orgueilleux. Toutes les recherches exégétiques actuelles tendant à montrer la proximité de Jésus avec eux, en tout cas dans leurs intuitions premières. Si l’Evangile nous montre Jésus ferraillant avec eux, c’est que, après la chute de Jérusalem, les pharisiens seront le seul courant qui restera, tous les autres ont été massacrés. C’est donc à ce courant que l’Eglise primitive sera confrontée. Et c’est justement le moment où se rédigent les Evangiles. On peut sans peine imaginer que les attaques violentes des pharisiens à l’égard de la 1° communauté chrétienne influençaient la rédaction des Evangiles. Les Evangélistes se sont rappelés des difficultés que Jésus avait déjà pu avoir avec eux. 

Cependant tous les pharisiens, à l’époque de Jésus, n’étaient pas contre lui. Cet épisode le montre bien et rappelons-nous de Nicodème, ce personnage si bien mis en valeur dans la série « The Chosen » qui va bientôt reprendre. Il y a eu de très bons pharsiens ! On peut encore citer Joseph d’Arimathie qui, avec Nicodème, recueillera le corps de Jésus et encore Gamaliel et ce fameux jugement qu’il énonce dans le livre des Actes qui sauve les apôtres.

Tout cela pourrait sembler de l’ordre de la culture générale, après tout, ce n’est pas mauvais d’en avoir un peu ! Mais je pense aussi que ça nous interroge sur cette sale habitude que nous avons de coller des étiquettes pré-imprimées sur la tête des gens : pharisiens=mauvais. Eh bien, non, nos généralisations sont toujours des approximations et même encore plus souvent des calomnies. Demandons au Seigneur de nous faire cette grâce de pouvoir, aujourd’hui, décoller quelques étiquettes pour retrouver une relation plus ajustée avec certaines personnes que nous avons peut-être un peu vite classé dans les infréquentables !

L’autre point que je voudrais souligner dans cet Evangile, c’est la liberté de Jésus. De fait, il va bien quitter la Galilée pour se rendre à Jérusalem et il sait très bien ce qui va lui arriver, la 2° partie de l’Evangile le dit assez explicitement dans cette plainte si douloureuse que Jésus partage : Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Jésus quitte la Galilée mais, nous le voyons bien avec ces paroles, ce n’est pas parce qu’il a peur d’Hérode, ce n’est pas parce qu’il a peur de la mort. Et ça lui parait tellement important qu’il envoie les pharisiens l’expliquer à Hérode qu’il qualifie au passage de renard. Le renard, à l’époque, il était considéré comme le prédateur le plus chétif, eh bien, voilà ce qu’est Hérode pour Jésus. Ça n’a pas dû lui faire plaisir à Hérode d’apprendre comment Jésus le traitait parce que lui, il se considérait comme un lion puissant et fort ! Jésus ne le méprise pas, il le remet juste à sa place, il n’est qu’une marionnette du pouvoir romain. Et en le traitant de renard, c’est à dire de prédateur, peut-être aussi que Jésus espère un sursaut de sa conscience. Face à cette impitoyable vérité qui qualifie son comportement, Hérode pourrait se réveiller et se convertir. Hélas, il ne le fera pas.

Jésus part à Jérusalem, mais pas comme un fuyard qui devra se cacher pour échapper à son destin, il part comme un homme libre qui choisit lui-même d’affronter sa mort. Cette liberté de Jésus, elle est exprimée de manière assez paradoxale par ces paroles : il me faut continuer ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem. Il me faut continuer ma route. Ce « il faut », associé à la souffrance de Jésus, on le rencontre plusieurs fois dans les Evangiles, notamment dans le passage des disciples d’Emmaüs : ne fallait-il pas que le messie souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire ? Lc 24,26 Nous, quand nous entendons ce « il faut » nous pourrions avoir l’impression que c’est l’expression d’une fatalité. C’est comme si Jésus nous disait : pas moyen d’échapper aux souffrances. En fait, ce « il faut » n’exprime aucune fatalité mais plutôt la fidélité de Jésus à la mission reçue du Père. Ce « il faut » signifie que rien ni personne ne l’arrêtera, Jésus restera souverainement libre jusqu’au bout. Comment ? C’est tout simple, enfin simple à énoncer, pas simple à vivre : ce qu’on lui fait subir, il choisit de le vivre dans l’amour. C’est finalement ce que l’on veut dire quand on parle consentir. C’est ce qu’il exprimera si bien dans la dernière Cène : ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ! Jn 10,18. Quand on a voulu lui prendre sa vie en le clouant sur la croix, il n’y avait plus rien à prendre, il avait déjà tout donné par amour !

J’ai déjà cité, une fois ou l’autre, cette parole de Marie de Hennezel, cette psychologie spécialiste de l’accompagnement en fin de vie qui disait : La mort ne nous prendra que ce que nous n’avons pas su donner ! Jésus, dans sa souveraine liberté, avait tout donné. Demandons cette grâce, pour nous aussi de suivre Jésus sur ce chemin de liberté : ce qu’on nous fait subir, ce que la vie nous inflige, choisissons de le vivre dans l’amour. Et pour qu’ultimement, la mort n’ait plus rien à nous prendre, choisissons de nous donner chaque jour un peu plus, un peu mieux. Evidemment, tout cela, nous ne pourrons pas le vivre sans la force du Saint-Esprit qui veut nous accompagner si nous le lui demandons, si nous lui faisons de la place en reconnaissant notre pauvreté. Puisqu’il est l’Amour qui unit le Père et le Fils, quand nous le laissons travailler en nous, quand nous comptons vraiment sur lui, il nous apprend peu à peu à tout vivre dans l’amour, même ce qu’on nous fait subir et même ce que la vie nous inflige de plus difficile.

Cet article a 2 commentaires

  1. wilhelm richard

    AD HOC cette homélie, mon cher capitaine. euh pardon, mon cher père !
    Ah … ces étiquettes que nous collons à nos frères et soeurs, c’est comme le sparadrap d’un grand ami de Tintin.
    Mille milliards de mille sabords jurerait notre chère HADDOCK

  2. Adéline

    Amen !

    Merci pour l’explication de l’image du renard… Moi j’en ai une autre: « Approvoise-moi! » 😉

    Belle journée, bonne fête des saints Jude et Simon!

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