Le chapitre 4 marque un tournant dans la lettre aux Ephésiens. Les 3 premiers chapitres nous ont permis de contempler le dessein de Dieu, l’immense dessein bienveillant de Dieu. Cette contemplation, nous l’avons entendu, hier, faisait tomber Paul à genoux et nous avec lui, tant ce que nous contemplons est grand ! C’est presque vertigineux d’être plongés dans la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur de l’amour de Dieu.
Avec le chapitre 4, c’est quelque chose d’autre qui commence, nous avons bien entendu que le ton n’était plus le même ! Paul va donner une série de conseils aux chrétiens d’Ephèse. Mais c’est très important de repérer l’ordre dans lequel Paul dit les choses. D’abord, il invite à contempler le mystère de Dieu et ensuite seulement, il donne des orientations de vie. C’est exactement le même mouvement que dans l’épitre aux Romains, cette épitre que je propose de méditer dans les retraites fondamentales que je donne.
Pourquoi c’est si important de souligner cela ? Eh bien, parce que c’est ainsi que Paul honore ce qu’il aime appeler l’Evangile de la grâce. C’est-à-dire que Paul n’invite pas les chrétiens à faire des efforts, toujours plus d’efforts, ça c’est la religion de la transpiration ! Non, Paul, sur le chemin de Damas a expérimenté que ce qui lui avait permis de changer radicalement de vie, ce n’était pas des résolutions suivies d’efforts plus ou moins constants. C’est la rencontre du Christ qui a fait basculer sa vie et ensuite c’est l’amour du Christ qui a été le moteur puissant qui lui a permis de mener une vie digne de l’appel qu’il avait reçu. Je reprends là les mots que nous avons entendu au début de la lecture. J’ai déjà souvent cité cette belle pgrase de synthèse que propose St Augustin : Dieu donne ce qu’il ordonne. Si Dieu t’appelle à mener une vie digne de l’appel que tu as reçu, alors il t’en donne les moyens et ça s’appelle la grâce. Dieu donne ce qu’il ordonne.
C’était tellement bien exprimé dans la fin de la lecture d’hier, ces mots qui justement opéraient le basculement entre la partie contemplation et la partie exhortation. Gloire à Celui qui peut réaliser, par la puissance qu’il met à l’œuvre en nous, infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même concevoir. Dieu peut encore bien plus que tout ce que nous pouvons lui demander et même imaginer pouvoir lui demander un jour, quelle parole ! Peut-être n’est-il quand même pas inutile de préciser que Dieu peut cela si nous lui demandons ce qui convient de lui demander, c’est-à-dire de vivre dans l’amour, amour pour Lui, notre Seigneur et amour pour les autres.
Ayant précisé cela, Paul peut mettre la barre assez haute dans ce qu’il va demander aux chrétiens. Puisque Dieu donne ce qu’il ordonne, pas de risque à mettre la barre très haute. Puisqu’il peut réaliser en nous infiniment plus que tout ce que nous pouvons lui demander ou imaginer, ce n’est pas une vie au rabais que Paul va proposer. Avec lui, aucun risque de vivre dans la moyenneté ! Alors reprenons rapidement ce qu’il demande dans ces premiers versets de la partie exhortation de l’épitre.
Avant de commenter les attitudes concrètes que Paul nous invite à vivre, j’aimerais revenir sur son invitation à mener une vie digne de l’appel reçu en développant deux petits points.
- 1° point, c’est parce que tu as été appelé par Le Seigneur que tu dois mener une vie cohérente et cette vie cohérente, c’est H 24 qu’il t’est demandé de la mener ! Quand tu es employé d’une entreprise, tu dois être exemplaire sur ton lieu de travail, après, c’est ta vie privée ! Evidemment, avec l’appel du Seigneur, il ne peut pas en aller de même !
- 2° point. Revenir aussi souvent que nécessaire à l’appel reçu, c’est sans doute une bonne attitude, une attitude féconde quand nous sommes en conflit avec une personne dans la communauté ou la paroisse. Se rappeler de notre appel et se redire que l’autre a reçu le même appel que nous et qu’il ou elle y a répondu aussi généreusement que nous devrait nous aider à trouver le chemin pour sortir de ce conflit. Nul n’est là pour chercher à tirer son épingle du jeu. Mais, ensemble, nous sommes là parce que nous avons répondu au même appel, nous avons bénéficié de la même confiance du Seigneur et c’est ce qui nous tiendra dans l’unité comme il le dit à la fin de la lecture.
Vous les avez sans doute retenues, les 3 attitudes concrètes auxquelles Paul nous appelle sont l’humilité, la douceur, la patience. Je vous fais d’abord remarquer que douceur et patience sont deux fruits de l’Esprit parmi la liste qu’il énonce en Ga 5, 22-23. Ce qui revient à souligner ce que je disais à propos de l’Evangile de la grâce. Paul ne nous dit pas : faites des efforts pour devenir plus doux et plus patients entre vous. Non ! C’est plutôt comme s’il nous disait : efforcez-vous de rester branchés sur le Saint-Esprit, alors, naturellement vous produirez ces fruits de douceur et de patience. Ainsi donc, quand nous manquons de douceur et de patience, ce n’est pas d’abord le signe que nous avons mauvais caractère, c’est plutôt le signe que nous avons lâché le Saint-Esprit. Du coup, ce qui serait le plus profitable, dans ces moments-là, ce n’est pas que les frères et sœurs nous disent : on en a marre de ton mauvais caractère ! Ce qui serait le plus profitable, c’est qu’ils nous disent ce que Paul disait à Timothée : je t’invite à renouveler le don du Saint-Esprit que tu as reçu ! 2Tm 1,6. Voilà ce que serait une correction fraternelle féconde.
J’ai parlé de la douceur et de la patience, mais Paul commence par nous parler de l’humilité. De fait, je crois que c’est bien vu. Parce que sans humilité, je ne resterai jamais branché sur le Saint-Esprit. Si je ne suis pas capable de reconnaitre ma pauvreté, si je pense que je réussis tout bien mieux que les autres, alors, je ne peux pas m’ouvrir au Saint-Esprit et rester branché sur lui et du coup, il n’y aura aucune douceur et aucune patience dans mes réactions. Ainsi donc quand nous nous retrouvons en situation de devoir faire preuve de douceur et de patience, c’est avec grande humilité qu’il faut vite appeler le Saint-Esprit à l’aide. C’est sûr que si nous le faisions plus régulièrement, il y aurait bien des égratignures qui seraient évitées.
Enfin, Paul nous invite à nous supporter les uns les autres. Beau réalisme de sa part parce que, de fait, ça ne devait pas être facile de le supporter tous les jours. Marc en aura un jour sa claque et il quittera Paul, puis c’est Barnabé qui, un peu plus tard en aura sa claque et partira à son tour ! Mais vous aurez remarqué que Paul rajoute quand même une petite mention, il s’agit de se supporter avec amour. C’est pour cela que je crois que nous pourrions lire le texte autrement en disant : devenez supporter les uns des autres avec amour.
Avec tout ça, je crois qu’en collant bout à bout tout ce que nous avons recueilli dans ces versets, nous pouvons offrir une belle définition de la vie communautaire, qu’il s’agisse de la vie communautaire au sens strict ou au sens élargi, donc dans une paroisse et bien sûr dans une famille : une communauté, c’est un groupe de femmes et d’hommes qui ont reçu le même appel et qui y ont tous répondu avec la même générosité ; conscients de leur pauvreté, avec humilité, ils font sans cesse l’appel à l’Esprit-Saint pour devenir supporter les uns des autres en déployant à l’égard de chacun des trésors de douceur et de patience. C’est ainsi qu’ils arrivent à vivre dans l’unité malgré ou grâce à leurs différences.
Quant à l’Evangile, vous aurez remarqué que Jésus nous secoue un peu parce que nous pouvons nous reconnaitre dans les hypocrites dont il dénonce le comportement. Jésus regrette que nous soyons si perspicaces pour prévoir la météo extérieure (et c’est vrai que nous en parlons souvent !) et si peu perspicaces en ce qui concerne la météo intérieure. Nous connaissons les signes qui annoncent la pluie et la chaleur et nous en tenons compte pour nous habiller, pour programmer nos activités. Par contre les signes qui annoncent une météo intérieure bouleversée ne nous mobilisent pas plus que ça ! J’ai déjà évoqué deux de ces signes à partir de la lecture de Paul : quand nous perdons patience et douceur, c’est le signe que nous avons lâché le St Esprit et c’est forcément annonciateur de mauvais temps intérieur. Nous pourrions reprendre comme ça tous les fruits de l’Esprit énoncés par Paul et vérifier s’ils sont bien à l’œuvre en nous. Et, s’ils ne le sont pas être très vigilants et mettre en place ce qu’il faut pour que la mauvaise météo intérieure ne d’éclanche pas des catastrophes personnelles qui ont forcément des répercussions communautaires comme le souligne Jésus dans l’histoire du conflit non résolu qui conduit finalement à la prison et au désordre. Que l’Esprit-Saint affine le sens de notre discernement pour que nous soyons toujours plus décidés à mettre en place quand c’est encore temps les moyens qui nous permettront d’éviter la tempête.