28 mai : Dimanche de Pentecôte Le Saint-Esprit, l’essayer, c’est l’adopter !

Je ne dirai rien sur la 2° lecture car je parlerai de ce texte dans mon enseignement de cet après-midi. Il y aura donc deux parties dans mon homélie, une première partie pour commenter un point de la 1° lecture et une 2° partie pour commenter un verbe de l’Evangile.

Ceux qui entendent la 1° lecture et qui sont des connaisseurs du Premier Testament reconnaissent sans peine deux épisodes de ce Premier Testament qu’on peut lire comme en filigrane. 

Le premier épisode, c’est celui du don de la Loi au Sinaï. Rien d’étonnant à cela puisque je vous ai dit que Pentecôte avant d’être la fête chrétienne dans laquelle on célèbre le don du Saint-Esprit était une fête juive dans laquelle on faisait mémoire du don de la Loi. Il y a un certain nombre de mots qui reviennent dans le texte des Actes et dans le texte de l’Exode. Ce rapprochement peut être très intéressant. J’aime bien prêcher sur ce point en mentionnant que les signes théophaniques, c’est-à-dire les signes qui évoquent la manifestation de Dieu au Cénacle et au Sinaï évoquent un orage et que, donc, le Saint-Esprit foudroie et ce mot vous pourrez l’écrire de deux manières différentes. Il fout-droit, c’est-à-dire, en langage un peu trivial, il remet droit ceux qui sont tordus et il foudroie, c’est-à-dire qu’il donne le coup de foudre, il renouvelle l’amour chez ceux qui sont devenus tièdes. Mais cette année, ce n’est pas sur ce rapprochement que je voudrais insister, il ne faudrait pas, chaque année raconter les mêmes choses !

Le deuxième épisode du Premier Testament qu’on peut lire comme en filigrane dans le texte des Actes, c’est celui de Babel. Manifestement, Luc a voulu raconter cet événement du don du Saint-Esprit pour dire que la Pentecôte chrétienne était l’anti-Babel. Et c’est sur ce rapprochement très suggestif et surtout d’une grande actualité que j’aimerais m’arrêter.

A Babel, les hommes ont élaboré un projet finalement assez diabolique. Avec la construction de cette tour, ils ont voulu partir à l’assaut du ciel. Pour eux, Dieu n’est pas celui qui donne et se donne, c’est celui qu’on prend, qu’on annexe pour donner de la force à ses projets. Quand j’étais en Afrique, on avait en 1° lecture, ces récits de la Genèse et comme j’avais un peu de temps, pour préparer mes homélies, j’ai pris le temps de bien les étudier avec, comme guide, un exégète belge qui m’inspire souvent, André Wenin. Il montre bien et je le l’avais jamais lu ainsi que le texte de Babel peut être lu comme l’apparition du totalitarisme. Chaque homme est réquisitionné pour travailler à un projet, peu importe s’il adhère à ce projet. Tout le monde devra faire la même chose, des briques, tout le monde parlera le même langage, aucune dissidence n’est tolérée. Et le projet final est bien explicité : faisons-nous un nom, montrons à Dieu et au monde que nous sommes les plus forts. De fait, c’est ce qu’aiment bien montrer les états totalitaires et pour y parvenir, ils rêvent d’une population de clones dans laquelle tout le monde pense pareil, parle en disant la même chose et travail en mettant toute son énergie au projet élaboré par les chefs. Evidemment, Dieu a vite mis un holà à un tel projet et c’est pour cela qu’il a dispersé les hommes et brouillé les langues.

Vous aurez remarqué, je pense que c’est exactement l’inverse qui se passe à la Pentecôte. D’abord, ce ne sont pas les hommes qui partent à la conquête du ciel, mais le ciel qui leur tombe sur la tête ! Voilà qui aurait pu rassurer les gaulois car, quand le ciel tombe sur la tête des hommes, ce n’est pas une catastrophe, au contraire, c’est une source de bienfaits !

Et puis, il y a le fameux miracle des langues qui est évoqué. Les exégètes hésitent pour savoir s’il s’agit de glossolalie ou de xénoglossie. Vous n’aurez pas perdu votre temps en venant à ce week-end, vous aurez appris deux mots barbares. La glossolalie, c’est le fait de parler « en langues », c’est un des signes les plus souvent mentionnés dans le livre des Actes pour dire que des personnes ont reçu le Saint-Esprit. On ne comprend pas ce qu’elles disent mais le langage est très harmonieux. Vous entendrez sûrement un chant en langues, ce soir, c’est souvent très beau, enfin quand c’est le Saint-Esprit qui l’inspire. Et la xénoglossie, c’est le fait, pour une personne de parler une langue étrangère qu’elle ne connait pas. Ça arrive aussi, mais beaucoup plus rarement dans des rassemblements charismatiques. 

En tous les cas, quoiqu’il en soit, on nous dit qu’il y avait des gens qui venaient de tout le monde connu de l’époque et que chacun comprenait les apôtres, chacun entendait les merveilles de Dieu proclamées dans sa propre langue. Ce qui a été défait à Babel est refait, restauré, retissé à Pentecôte. A Babel, les hommes avaient été dispersés et ne se comprenaient plus, à Pentecôte, ils sont rassemblés et se comprennent à nouveau mais tout en respectant la diversité, la richesse de chacun. L’unité que réalise l’Esprit-Saint n’est pas une uniformité, c’est une unité symphonique, qui sait comment tisser harmonieusement les diversités.

Je disais que le rapprochement entre Babel et Pentecôte pouvait être d’une grande actualité car il est clair que nous vivons un moment de grandes tensions entre les peuples au niveau mondial où des super-puissances cherchent à montrer leurs muscles pour impressionner afin de mieux annexer tous ceux dont elles ont besoin pour réaliser leurs projets complètement fous qui, finalement, visent à prendre la place de Dieu pour décider de tout et édicter un nouvel ordre, une nouvelle morale. Mais il n’y a pas qu’entre les peuples que la communication est brouillée, on le voit aussi à l’intérieur de notre peuple où l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuse, où le monde des banlieues semble un monde tellement éloigné de celui dans lequel nous vivons. C’est clair, nous avons besoin d’une Pentecôte dans ce monde qui a perdu l’Esprit ! Bien sûr, j’écris Esprit avec un E majuscule ! Mais pour que le monde qui a perdu l’Esprit puisse le retrouver, ça suppose que, nous-mêmes, nous puissions retrouver l’Esprit que nous perdons, nous aussi, si souvent. Et c’est bien ce que nous vivrons dans la veillée de ce soir !

J’en viens à l’Evangile. Dans ce texte de St Jean, au cours de sa première apparition de ressuscité aux apôtres, Jésus leur donne un acompte d’Esprit-Saint avant la grande Pentecôte. Je relis : Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : Recevez l’Esprit Saint. Mais alors, là, c’est très dommage parce que les traducteurs n’ont pas bien fait leur travail. Le verbe grec qui a été traduit par recevez ne veut pas dire recevez ! C’est le même verbe que dans le récit de l’institution de l’Eucharistie quand Jésus dit Prenez et mangez. Ce qui aurait donc dû être écrit, c’est : Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : Prenez l’Esprit Saint.

Pourquoi j’insiste tant ? Jésus, en soufflant sur les apôtres fait ce qu’il faut pour que l’Esprit-Saint soit répandu, mais après, il y aura une part active des hommes : si tu le veux, il faut que tu le prennes ! Il ne viendra pas tout cuit sur toi sans que tu ne manifestes que tu le veux, sans que tu te bouges pour le prendre. Quand je méditais sur ces paroles, il m’est venu une image un peu particulière. Vous savez quand on était enfant, on allait à la fête foraine, à Lyon, on dit à la vogue ! Et, à la vogue, il y avait des manèges avec des chevaux, des voitures, des fusées, chacun choisissait ce qui le faisait rêver pendant quelques tours. Et puis il y avait la patronne du manège qui agitait un ballon qui se terminait par un pompon et celui qui attrapait le pompon avait gagné un tour gratuit. Je ne sais pas si ça passait comme ça en Bretagne, mais dans la région lyonnaise, c’était ainsi ! Eh bien, je peux vous dire qu’on se bougeait pour l’attraper le pompon ! C’est exactement ça : prenez le Saint-Esprit, si vous le voulez, bougez-vous ! Mais la différence, c’est qu’il n’y avait qu’un seul pompon et donc beaucoup de déçus alors qu’avec le Saint-Esprit, tous ceux qui se bougent le recevront, personne ne sera frustré.

Qu’est-ce que ça veut dire : se bouger pour prendre le Saint-Esprit ? Eh bien, ça signifie que tu ne peux pas désirer le Saint-Esprit et vouloir que rien ne bouge dans ta vie. Tu ne peux pas désirer le Saint-Esprit et ne pas bouger, c’est-à-dire accepter de laisser ce qui t’encombre. Tu ne peux pas désirer le Saint-Esprit sans laisser tomber un certain nombre de choses auxquelles tu tiens et qui, en fait, ne te font pas tenir. Si tu tiens à Dieu, oui, Lui te fait tenir, mais il y a tant de choses auxquelles on tient et qui ne nous font pas tenir. Vous pourrez compléter ce que ça peut vouloir dire, pour vous, bouger pour prendre le Saint-Esprit. Mais si vous vous bougez et si vous le prenez, alors vous vivrez une expérience tellement bienfaisante que vous ne voudrez plus jamais revenir en arrière. Oh, oui, vraiment, le Saint-Esprit, l’essayer c’est l’adopter !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Que je me bouge pour prendre le Saint-Esprit, pour le laisser me prendre. Amen!

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