15 février : jeudi après les cendres : choisis la vie … même dans la souffrance !

Une lecture un peu rapide des textes d’aujourd’hui pourrait nous laisser croire qu’ils se contredisent et que, pour une fois, la lecture du Premier Testament serait plus cool que l’Evangile ! En effet, la 1° lecture parlait de choisir la vie et l’Evangile de renoncement, de croix. Evidemment, il n’en est rien ! Elles se complètent merveilleusement bien et elles nous ouvrent de belles perspectives pour ce carême qui ne fait que commencer.

Je le disais dans mon enseignement introductif au carême : il n’y a pas de vrais « oui » qui ne soient accompagnés de vrais « non ». Eh bien, partage, prière et pénitence (jeûne, maitrise de soi ), ces 3 grands moyens du carême qui nous étaient proposés, hier, vont nous aider à dire un certain nombre de « non » pour que nos « oui » à l’amour de Dieu, à l’amour des autres et de nous-mêmes soient de vrais « oui ». 

  • Rajouter plus de prière, c’est renoncer à d’autres occupations qui pourraient, pourtant nous sembler urgentes.  
  • Rajouter quelques privations, c’est renoncer à du plaisir immédiat. 
  • Rajouter plus de partage, c’est renoncer à garder, à profiter. 

Entendre, aujourd’hui, ces deux lectures comme en stéréo, c’est accueillir une belle occasion qui nous est donnée de donner leur vrai sens à ces privations. C’est un peu comme si la Parole de Dieu nous lançait aujourd’hui cette invitation solennelle : engage-toi résolument sur le chemin du renoncement mais pour plus de vie, autrement ça ne sert à rien. J’espère que nul d’entre nous n’envisage encore le carême comme un championnat de mortification dont le but serait uniquement de souffrir ! Il nous faut donc accueillir avec reconnaissance le message des lectures d’aujourd’hui : Tous nos renoncements doivent nous conduire à choisir la vie, à mieux accueillir la vie que le Seigneur ne cesse de nous offrir et aussi à donner la vie de manière plus généreuse autour de nous. 

Cela signifie donc que pour trouver les résolutions que nous voulons prendre, il nous faut vraiment demander la lumière du Saint-Esprit. Qu’il nous aide à discerner toujours plus clairement les domaines dans lesquels, en nous, il n’y a pas assez de vie, les domaines dans lesquels nous laissons la vie s’étioler, les domaines dans lesquels nous ne sommes pas assez généreux pour aider les autres à devenir plus vivants. Et quand nous aurons discerné, c’est là qu’il nous faudra mettre en œuvre nos résolutions si nous voulons vivre un carême fécond. 

C’est d’ailleurs le sens des paroles de Jésus. Quand Jésus nous invite à renoncer à nous-mêmes, il ne nous invite pas à la mortification juste pour nous faire mal comme si c’était la souffrance qui sauve ! Non, il nous invite à renoncer à ce qui, devenu trop envahissant, nous empêche de vivre. Un peu comme ces herbes envahissantes qui étouffent tout dans le carré où elles se développent. Ceux qui sont victimes d’addictions, quelles que soient ces addictions savent que cet envahissement est mortifère. Ce qui pousse à renoncer, ce n’est donc pas le désir de souffrir, mais c’est au contraire le désir de vivre, c’est l’impérieuse nécessité de choisir la vie pour ne pas devenir des morts-vivants.  

Pour y parvenir, il faudra un effort de notre volonté, mais il faudra aussi la grâce, sachant que la grâce ne remplacera jamais l’impulsion initiale de notre volonté. J’aime bien cette expression de St Paul qui dit que l’Esprit-Saint se joint à notre esprit. (Rm 8,16) Paul ne dit pas que l’Esprit-Saint va tout faire à notre place, il se joint à nous pour décupler nos forces. Il en va de même avec notre volonté, l’Esprit-Saint est capable de décupler la puissance de notre volonté, mais si notre volonté est nulle, 10 fois 0, ça fait encore zéro !

Et, pour choisir la vie, Jésus continue en disant que non seulement, il nous faut renoncer, renoncer à nous-mêmes, mais en plus, il faut prendre sa croix. Pour Jésus, il est donc clair que prendre sa croix, c’est encore et toujours choisir la vie. 

Mais qu’est-ce que ça veut dire « prendre sa croix » ? Il ne s’agit pas de chercher comment rajouter des souffrances supplémentaires dans notre vie. La vie se chargent de nous en donner suffisamment, qu’il s’agisse de souffrances morales, de souffrances physiques ou même spirituelles. Quand nous traversons des moments où il n’y en a pas trop, bénissons le Seigneur au lieu de chercher à en rajouter ! Mais, quand les souffrances sont là, prendre sa croix, c’est décider de vivre ces souffrances dans l’amour. Avant on aimait parler d’offrir ses souffrances, en fait, il serait sans doute plus juste et plus fécond, surtout pour notre mentalité moderne, de dire que prendre sa croix, c’est choisir de vivre ces souffrances dans l’amour. Et ce qui est à offrir, c’est l’amour que nous décidons de vivre même quand la souffrance est là.

Nous la savons bien, la croix n’est pas arrivée dans la vie de Jésus parce qu’il aurait décidé de souffrir beaucoup pour sauver les hommes ! La croix, elle lui a été imposée, mais, lui, Jésus, il a décidé de continuer à aimer même sur la croix, dans une fidélité absolue, amour pour Dieu, son Père, amour pour tous ses frères les hommes, quel que soit le prix à payer. Prendre notre croix, ça sera donc, pour nous aussi, à la manière de la petite Thérèse, faire le choix, quelles que soient les circonstances, de remplir chaque instant de nos vies du maximum d’amour, de remplir chaque relation du maximum d’amour. Pour prendre sa croix, il n’y a donc pas besoin de rajouter de la souffrance, il est préférable de décider de remplir chaque instant, chaque relation du maximum d’amour, ça suffit amplement et ça nous amènera d’ailleurs à poser des choix, très souvent crucifiants !

Même si ça n’a rien d’évident au départ, même si le monde a de la difficulté à le comprendre, la croix est intrinsèquement liée à la vie. Il faut le redire avec force : le carême n’a pas comme objectif de nous conduire au Golgotha, mais au matin de Pâques ! Même si, bien sûr, le chemin passe par le Golgotha, mais il ne s’y arrête pas. Et Jésus Jésus nous prévient : nous serons toujours déçus par tous nos petits arrangements, nos choix pas très clairs. « Celui qui veut préserver sa vie, celui qui veut vivre tranquillement dans son petit cocon, finira par perdre sa vie. » Le chemin qui mène à plus de vie est le chemin qui passe par plus d’amour, le choisir exigera toujours des renoncements.

Que Notre Dame de Laghet nous aide à choisir l’amour, en toutes circonstances, quel que soit le prix à payer, c’est ainsi que nous choisirons la vie et que nous deviendrons semeurs de vie.

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