29 juillet : jeudi 17° semaine. Fête Ste Marthe

Juste quelques mots sur la 1° lecture que nous avons entendue car j’aimerais garder du temps pour m’arrêter sur la figure de Marthe que nous fêtons aujourd’hui. De cette lecture de l’Exode, il me semble qu’il y a au moins deux points qui méritent d’être soulignés.

1/ D’abord nous étonner, nous émerveiller que Dieu, le Dieu tout-puissant qui a tout créé, le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent, l’univers visible et invisible, ce Dieu-là a accepté de loger sous la tente avec son peuple, j’allais dire comme son peuple. Bien sûr, je vous l’accorde, cette tente était particulière, mais quand même, il habitait sous une tente, comme les membres de son peuple, pour être proche de son peuple avec juste la distance et le décorum nécessaire pour manifester qu’il est Dieu. Dieu sous la tente, c’est inouï ! C’est sûr que ce que Dieu a ainsi voulu révéler de lui tranche avec la mythologie de l’époque qui présentait les hommes comme les larbins des dieux, ces dieux étant de redoutables potentats qui, n’ayant rien à faire et vivant dans l’opulence la plus scandaleuse, passaient tout leur temps à se battre, à monter des complots les uns contre les autres sans compter les orgies sexuelles qu’ils organisaient régulièrement. Dieu, en se révélant à Moïse et en acceptant de vivre sous la tente comme son peuple pour être proche de son peuple donne une image radicalement opposée. Nous pouvons déjà lire filigrane la manière dont St Jean présentera l’Incarnation dans son prologue : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. » Vous savez sans doute qu’en grec le verbe qui a été traduit par habiter parmi nous signifie littéralement : il a planté sa tente parmi nous. Ce que l’Exode laissait pressentir d’un Dieu habitant sous la tente comme son peuple pour être proche de son peuple trouve dans l’Incarnation du Fils de Dieu son accomplissement total : il a voulu prendre chair de notre chair pour nous être en tout point semblable excepté le péché afin de mieux pouvoir nous sauver. Émerveillons-nous devant cette manifestation de l’amour de Dieu qui a choisi de se faire proche et ne pensons pas lui faire honneur quand, pour mieux le révérer, nous mettons, entre lui et nous, toutes sortes de fossés, de barrières qui entretiennent une distance qu’il ne veut pas.

2/ Le 2° point que je voudrais souligner concerne cette mention qui nous était donnée : « À chaque étape, lorsque la nuée s’élevait et quittait la Demeure, les fils d’Israël levaient le camp. Si la nuée ne s’élevait pas, ils campaient jusqu’au jour où elle s’élevait. » Ça, j’ai envie de dire, c’est la version officielle donnée épater. Dans la réalité, nous savons que ça s’est passé tout autrement ! Le peuple n’en faisait qu’à sa tête, c’était tellement du n’importe quoi, qu’ils seront qualifiés de « peuple à la nuque raide. » L’image est expressive, vous savez, c’est ce que vous dit l’ostéopathe quand il veut que vous deveniez plus souples entre ses mains, que vous lui fassiez confiance pour qu’il puisse débloquer ce qui est bloqué. Eh bien, le peuple n’avait aucune souplesse, très peu de confiance, ils n’étaient pas dociles, ils ne se laissaient pas conduire comme ils auraient dû le faire alors même que Dieu avait montré qu’il était fiable : libération d’Egypte, passage de la mer à pieds secs, de l’eau jaillissait quand c’était nécessaire, avec la manne, chaque matin, il y avait une livraison gratuite de pain frais ! Oui, Dieu avait fait ses preuves eh bien, eux, malgré cela, ils n’en faisaient qu’à leur tête. Résultat cette traversée d’un tout petit désert rocailleux a duré 40 ans. Cette traversée était à peine plus longue que le chemin entre Le Puy et Compostelle que j’ai effectué en deux mois de marche. Oui, voilà ce qui arrive quand on refuse de se laisser conduire par Dieu, on finit par tourner en rond ! N’en faire qu’à sa tête ça finit par devenir très fatigant. C’est d’ailleurs ce que suggère la béatitude qui dit : « heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. » Le mot grec qui a été traduit par doux, il peut aussi être traduit par « docile » c’est-à-dire ceux qui se laissent conduire : « heureux les dociles qui se laissent conduire, car ils recevront la terre en héritage, ils parviendront plus facilement et rapidement au but ! C’est la leçon qu’on peut tirer de ces 40 ans d’errements dans le désert pour le peuple des hébreux, c’est la même leçon que nous pouvons tirer pour nous quand nous décidons de n’en faire qu’à notre tête ! 

C’est la fameuse distinction popularisée par le Renouveau charismatique qui nous invite à faire la différence entre « les œuvres pour Dieu » et l’œuvre de Dieu. » Nous pouvons être extrêmement généreux mais, comme nous n’en faisons qu’à notre tête, ce que nous entreprenons nous épuise et ne porte pas beaucoup de fruits en tout cas bien peu de fruits par rapport à l’investissement ! Il en va toujours ainsi quand on fait des œuvres pour Dieu sans se préoccuper suffisamment de ce que Dieu voudrait. Se rendre disponible pour participer à l’œuvre que Dieu veut réaliser en nous y associant, c’est toujours moins fatiguant, plus fécond et surtout ça ne conduit pas à l’orgueil !

Venons-en à Marthe ! Elle est souvent invoquée, la pauvre Ste Marthe, par ceux qui veulent se justifier du peu de temps qu’ils accordent à la prière et ils le font habituellement en disant : « moi, vous savez, je suis plus Marthe que Marie ! » Marthe, telle qu’elle nous est présentée dans ce passage d’Evangile, est justement l’illustration parfaite de celle qui fait des œuvres pour Dieu ! Ce qu’elle fait n’est pas mauvais, loin de là, c’est même plutôt admirable, mais ce n’est pas ce que Jésus attend d’elle dans le moment ! Qu’il soit bien clair, j’ai envie de dire, une fois pour toutes, que Jésus, dans ses paroles, ne privilégie pas la vie contemplative au détriment de la vie active. Il ne manquerait plus que ça que Jésus dévalorise le service ! Comment serait-ce possible de la part de celui qui définira justement sa mission comme un service avec ces paroles qui sont si fortes : « je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir. » Ce que Jésus reproche à Marthe, c’est de ne pas être présent à la rencontre. Si Jésus avait voulu venir manger et faire un bon repas qui refasse ses forces, il aurait envoyé en avant un ou deux disciples pour prévenir cette famille amie de sa venue. Mais on peut imaginer qu’il passait par juste par là et que passant, il a décidé de s’arrêter parce qu’il avait faim de rencontrer ses amis. Ce que je dis là est largement suggéré par la formule qui est utilisée dans le texte et que le lectionnaire n’a pas retenu, il est dit : « Chemin faisant, Jésus entra dans un village, une femme nommée Marthe le reçut. » Oui, si Jésus avait eu faim d’un repas, il l’aurait dit, mais il avait plutôt faim de rencontrer ses amis. Seulement voilà, Marthe n’est pas à l’écoute de la faim de Jésus, elle va suivre sa propre idée et faire ce qu’elle croit qui fera plaisir à Jésus. 

C’est pour cela que je dis qu’elle est l’illustration parfaite de ceux qui font des œuvres pour Dieu. Jésus la reprend donc pour la remettre à la place qu’il aimerait lui voir tenir : celle que Marthe a choisie. Quand Jésus est là, il n’y a rien d’autre à faire que d’être là pour lui, avec lui. Toute ressemblance avec des situations existantes ou ayant existé n’est pas fortuite ! Que faisons-nous quand nous venons à l’adoration ? Vous avez remarqué que je parle en disant « nous » c’est-à-dire que ce que je dis me concerne en 1° lieu ! Sommes-nous vraiment présents à sa présence ? Profitons-nous de ce temps pour préparer ceci ou cela ? Passons-nous tout notre temps à expliquer à Jésus tout ce que nous allons faire pour lui, en lui demandant par avance de bénir tous ces projets sans jamais lui demander ce que, Lui, il aimerait faire avec nous, par nous ? Quand nous sommes dans cet état d’esprit, entendons-le nous dire ce qu’il disait à Marthe et que chacun mette son prénom à la place de celui de Marthe : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. » Une seule chose est nécessaire : être présent à ma présence, te rendre disponible pour m’écouter, accepter de devenir docile, arrêter de croire que tu me fais plaisir avec tous tes plans qui, en fait, me fatiguent et surtout te fatiguent, toi sans porter des fruits à la mesure de ton investissement.

Puisque Marthe est devenue sainte, c’est qu’elle a dû retenir la leçon ! Alors puisqu’elle a retenu la leçon et qu’elle est sainte, qu’elle intercède pour nous afin que nous aussi nous retenions la leçon et soyons enfin disposés à nous laisser conduire pour ne pas passer notre vie à tourner en rond !

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    AMEN !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    Merci, P. Hébert.

  2. Wilhelm Richard

    C’est toujours avec une grande faim que j’aime vous lire….. Pour avoir une plus grande soif de Dieu. !!!!!!!!!

    1. Père Roger Hébert

      Merci Richard … que le Saint Esprit garde en nous bien vive cette faim et cette soif !

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