Comme je l’ai dit en introduction de la messe, la liturgie a élargi cette fête qui jadis n’était consacrée qu’à Marthe. Désormais, ce sont Marthe, Marie et Lazare qui sont fêtés ensemble. Quand le pape François a décidé de les fêter ensemble, il a expliqué que c’était chez eux que Jésus aimait aller, il n’aimait pas l’un ou l’autre, il aimait aller chez eux, à Béthanie. Et c’est très beau de penser que le Fils de Dieu a eu besoin de cette chaleur de l’amitié humaine d’une famille. Personnellement, j’ai une famille avec laquelle je suis très ami, j’étais à l’école avec le papa et je suis devenu un peu membre de leur famille, à tel point qu’ils m’ont donné la clé de leur maison. Cette clé, je l’ai accrochée à un porte-clé sur lequel j’ai écrit Béthanie ! Quel beau cadeau pour nous les prêtres d’avoir, comme Jésus, un Béthanie dans lequel nous nous savons accueilli de manière inconditionnelle !
Dans cette maison de Béthanie, ils étaient donc 3, Lazare, Marthe et Marie, regardons-les, l’un après l’autre, pour apprendre d’eux comment se comporter en ami à l’égard de Jésus, puisque, eux étaient les amis de Jésus.
Même si ce n’est pas très galant, je commence par l’homme, Lazare. Je commence par lui parce que ça va aller plus vite étant donné que de Lazare, nous ne savons pas grand-chose parce qu’on ne l ’entend jamais parler. Nous connaissons finalement 3 éléments de sa vie : 1/ Il n’a donc prononcé aucune parole 2/ Il est mort et Jésus l’a ressuscité mais avant de le ressusciter, devant son tombeau, Jésus a pleuré. 3/ Son nom était Lazare. Reprenons ces éléments.
- 1/ C’est vrai nous n’avons aucune parole de Lazare. On peut être ami de Jésus sans beaucoup parler, voilà qui va rassurer tous les taiseux ! Mais ce que je veux surtout retenir, c’est que lorsque nous sommes devant Jésus dans l’adoration, nous n’avons pas besoin de lui parler sans arrêt pour lui tenir compagnie ! Il appréciera notre silence comme il a apprécié le silence de Lazare si ce silence est un silence d’amitié bienveillante.
- 2/ Jésus a pleuré devant le tombeau de son ami et les juifs ne s’y sont pas trompés, ils en ont tiré la conclusion que Jésus aimait vraiment Lazare. Devant le tombeau de Lazare, Jésus ne s’est pas réjoui en disant : Lazare est dans la Gloire de Dieu, alléluia ! Non, il a pleuré, la mort de son ami a fait pleurer Jésus. Nous avons, nous aussi le droit de pleurer devant la mort de ceux que nous aimons, pleurer n’est pas le signe d’un manque de foi. Jésus n’était pas insensible et il ne demande pas à ses amis de l’être !
- 3/ Son nom était Lazare et il portait bien ce nom qui, en hébreu, signifie « Dieu a secouru » Si Jésus était l’ami de Lazare, c’était aussi parce qu’il était un homme de foi qui était tellement sûr de son Dieu que ça s’entendait dans son nom. Ce qui nous fait grandir dans l’amitié avec Jésus, c’est d’une part la reconnaissance de notre pauvreté et d’autre part de mettre sa confiance en Dieu qui est notre secours.
Venons-en maintenant aux deux sœurs : Marthe et Marie.
Commençons par Marthe ! La pauvre Marthe, elle est souvent invoquée par ceux qui veulent se justifier du peu de temps qu’ils accordent à la prière et ils le font habituellement en disant : « moi, vous savez, je suis plus Marthe que Marie ! » Mais, ce n’est pas juste de faire de Marthe la sainte patronne de ceux qui veulent rester dans la médiocrité spirituelle ! En effet ceux qui disent : « je suis plus Marthe que Marie ! » habituellement, c’est le signe qu’ils ou elles n’ont pas tellement envie de changer et se mettent à justifier cette médiocrité spirituelle en prétendant compenser par le service leur manque de prière. D’abord est-ce si sûr que ces personnes sont toutes données dans le service ? Et puis, faisons bien attention car nous ne connaissons rien de la vie spirituelle de Marthe. Ce n’est pas parce que, là, elle s’affaire, qu’il n’y a pas des moments où elle se revêt de son châle de prière pour vivre un cœur en cœur avec son Dieu alimenté par la prière des psaumes. Nous ne le savons pas donc ne faisons pas de Marthe la patronne de la médiocrité spirituelle, c’est une profonde injustice !
Quel est le problème de Marthe ? Elle a vu arriver Jésus qui n’avait pas dû prévenir de sa visite, ce qui, au passage dit son intimité avec cette famille, il sait qu’il peut passer quand il veut, sans prévenir. Alors Marthe est paniquée, il n’y a rien à manger ! Vous voyez tout de suite le problème. Marthe ne cherche pas un seul instant à savoir ce qui a poussé Jésus à venir faire une halte chez eux, elle va lui donner ce que, elle, elle pense être bon pour lui, alors elle s’affaire en cuisine pour mijoter le plus vite possible un bon repas ! Mais Jésus n’était sans doute pas venu poussé par la faim, si ça avait été le cas, il aurait eu la délicatesse de prévenir la famille, car Jésus était infiniment délicat. Le père Cantalamessa, dans son témoignage le disait de manière si belle, il disait : on n’imagine pas à quel point Jésus est gentil ! S’il avait voulu manger, il aurait donc prévenu pour ne pas mettre les femmes de la maison en situation délicate.
Vous voyez le reproche que Jésus va adresser à Marthe nous apprend comment devenir de vrais amis de Jésus et plus largement comment nous devons nous comporter à l’égard des autres. Parce que, bien évidemment, Jésus ne reproche pas à Marthe de se donner dans le service. Jésus, lui-même est venu pour servir, il connait donc la valeur inestimable du service. Mais, là, dans le cas présent, il veut nous faire comprendre que nous n’aimons pas vraiment les autres quand c’est nous qui décidons de ce qui est bon pour eux. Marthe n’a pas cherché un seul instant à savoir pourquoi Jésus était venu, elle a décidé qu’il avait faim, elle se met aux fourneaux ! Et pire encore, peut-être, elle reproche à sa sœur de ne pas faire comme elle ! Faisons très attention ! Nous n’aimons pas les autres quand nous décidons pour eux, quand nous ne sommes pas à l’écoute de leurs attentes. Et nous aimons encore moins les autres quand nous rêvons secrètement qu’ils deviennent comme nous ! Dans cette situation, Marthe ne montre de véritable amour, ni à l’égard de Jésus, ni à l’égard de sa sœur Marie. Devenir ami de Jésus, c’est donc être dans la perpétuelle recherche de ce que Jésus attend de moi, de ce qu’il espère que je vais lui offrir. Ce n’est pas à moi de décider de ce qui fera plaisir à Jésus, ni aux autres. C’est cela la marque du véritable amour, de la véritable délicatesse. Et elle sera accompagnée d’une autre attitude, j’accepte que les autres ne soient pas comme moi et j’accepte de reconnaître qu’ils peuvent faire du bien quand ils ne font pas ce que, moi, j’aimerais qu’ils fassent.
Quant à Marie, elle n’est pas forcément exemplaire en tout dans sa vie ou du moins, elle ne l’a pas forcément toujours été. En effet, vous savez qu’il y a une incertitude pour savoir si cette Marie de Béthanie qui va faire cette onction pour Jésus avec un parfum de grand prix juste avant sa mort ne serait pas aussi Marie de Magdala, la femme pécheresse. Jésus ne la donne pas en exemple parce qu’elle serait exemplaire en tout. Non ! Mais il la donne en exemple parce que, dans la situation présente, elle a fait ce qu’il était bon de faire. Et ce qu’il était bon de faire, c’était de rester avec Jésus. Imaginez un seul instant qu’elle ait agi comme Marthe, Jésus serait resté seul, car dans ce passage, Lazare ne semble pas être présent à la maison. Laisser Jésus seul, alors que Jésus était venu dans la maison de ses amis vivre un moment d’amitié, mendier un moment d’amitié, ça aurait été vraiment inconvenant ! Marie a perçu ce qu’était le désir de Jésus, c’est pour quoi elle reste avec lui. Et elle, elle ne fait aucun reproche à sa sœur, elle ne lui fait pas de leçon en lui disant : tu n’as rien compris, tu es mal élevée, fais comme moi et tout ira bien ! Non, elle suit l’élan de son cœur et elle accepte que l’élan du cœur de sa sœur soit autre. C’est ainsi que l’on devient ami de Jésus, quand on suit l’élan de son cœur, pas quand on suit ses caprices, mais quand on suit l’élan de son cœur profond. Que de fois, l’élan de notre cœur profond nous pousse à prendre un moment d’intimité avec Jésus et nous ne le suivons pas en faisant autre chose ! Suivre l’élan de notre cœur et ne pas juger ceux qui font autrement que nous, voilà le secret que nous révèle Marie dans ce texte.
Merci Seigneur, pour ces 3 belles figures qui nous sont données aujourd’hui pour nous faire grandir dans l’Amitié avec toi ! Esprit-Saint aide-nous à changer en nous ce qui n’est pas accordé avec notre désir profond de devenir des amis véritables pour Jésus.