29 mars : mardi 4° semaine de carême. Quand Jésus voit celui qu’il fallait voir !

La guérison de cet homme impotent à la piscine de Bethzatha est un acte tellement important qu’elle va nous occuper durant 3 jours car, comme c’est souvent le cas dans l’Evangile de Jean, Jésus accompagne ses miracles de longs discours. Dans l’Evangile de Jean, il y a beaucoup moins de miracles que dans les autres Evangiles, il a choisi de n’en raconter que 7, chiffre hautement symbolique. Ces 7 miracles sont lus comme 7 signes forts, d’ailleurs l’Evangile de Jean est souvent appelé Evangile des signes puisque tout l’enseignement de Jésus s’articule autour de ces signes. 

Le signe d’aujourd’hui qui est donc la guérison du paralysé de Bethzatha est le 3° de ces signes, il vient après la guérison du fils de l’officier royal, c’était le signe qui nous était rapporté hier. Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte si riche. Je ne fais qu’évoquer le nom de cette piscine « Bethzatha » ou « Bethesda » qui, en hébreu, signifie maison de la tendresse, de la miséricorde. De fait, Jésus va manifester qu’il est miséricorde en s’occupant de cet homme infirme depuis 38 ans. Voilà encore un point sur lequel nous pourrions nous arrêter car 38, c’est 40 moins 2 et St Augustin a fait tout un développement très suggestif sur le sujet. Mais comme le temps dont dispose un prédicateur pour une homélie est limité, je vais aller à ce que je retiens comme l’essentiel, sachant que d’autres points pourraient légitimement être plus essentiels pour vous !

Je choisis donc d’abord de m’arrêter sur un détail qui m’a frappé. « Il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. Jésus, le voyant couché là, et apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps, lui adresse la parole. » Le texte nous apprend par la suite que cet homme n’était pas le seul infirme dans ce lieu, il y avait beaucoup d’autres qui étaient là, attendant le bouillonnement miraculeux de l’eau. De fait, il devait y avoir un phénomène étrange que les juifs attribuaient à la plongée d’un ange dans la piscine et que plus tard, les Grecs attribueront à l’action bienfaisante d’Asclépios, ce dieu guérisseur, fils d’Apollon. Les fouilles faites en ce lieu ont mis à jour les restes d’un Temple qui lui était dédié. Ceux qui sont allés en Terre Sainte ont sûrement vu ce lieu puisqu’il est sur le territoire de l’église Ste Anne, ce petit bout de territoire français en plein Israël et l’église Ste Anne est surtout connue pour son étonnante acoustique qui pousse tous les groupes à chanter. Il y avait donc pas mal de malades qui étaient là, attendant le bouillonnement de l’eau pour s’y plonger puisqu’il était dit que le 1° qui arrivait dans l’eau lors du bouillonnement serait guéri. Parmi tous ces infirmes, le regard de Jésus se pose sur un homme dont la situation est particulière et c’est précisément cette situation qui attire le regard de Jésus : cet homme est seul. Non seulement, il est infirme, mais en plus il est seul et c’est ce drame que Jésus perçoit. Bien sûr, puisqu’il est seul et infirme, il n’a aucune chance d’être guéri ! 

Les autres infirmes sont accompagnés et ceux qui les accompagnent se démènent dès que l’eau bouillonne pour que leur infirme soit le premier dans l’eau, personne ne s’occupera jamais de celui que Jésus a vu, mais ce n’est pas nouveau pour cet homme que personne ne s’occupe de lui, ça fait 38 ans que ça dure ! C’est cette détresse que Jésus voit, qui attire son regard : au milieu de tous ces infirmes accompagnés, il voit celui qui est seul. Du coup, il commence par demander depuis combien de temps cet homme est seul et quand il apprend que ça fait 38 ans que son handicap l’a plongé dans une situation d’isolement, cette détresse va toucher Jésus au cœur. Parce que, nous le savons, Jésus a un cœur étant directement relié à son regard : quand Jésus voit, il n’est pas comme nous, lui, il agit et il le fait sans tarder, sans se préoccuper de savoir si c’est le bon jour ou pas. Parvenu à ce point de notre méditation, nous pourrions déjà demander la grâce de voir la solitude de ceux qui n’en peuvent plus. Cette grâce, elle est à demander pour vous qui, par votre mission en en pastorale scolaire, êtes en contact avec des jeunes qui peuvent avoir 10.000 amis sur Facebook et pas une seule oreille capable de vraiment les écouter. Mais elle est aussi à demander pour vous dans vos relations avec vos collègues. Car on peut avoir beaucoup de collègues et se retrouver seuls ou voir des collègues très seuls.

Elle est aussi à demander pour nous, en communauté, on peut avoir « officiellement » des dizaines de frères et sœurs et traverser de terribles moments de solitude. Et puis, dans cette maison, nous accueillons chaque semaine des personnes parmi lesquelles, il y en a pas mal qui sont en situation de détresse en partie à cause de la solitude à laquelle ils se voient condamnés, solitude affective, solitude spirituelle, solitude sociale. Oui, demandons la grâce d’avoir un regard semblable au regard de Jésus qui sache voir les solitudes et les frames qu’elles entrainent.

Son regard s’étant posé sur cet homme infirme et seul, Jésus va le guérir par une simple parole. Parce que sa Parole est une source de vie et de guérison bien plus féconde qu’une eau bouillonnant plus ou moins par magie. C’est sûrement parce que nous avons fait l’expérience de la puissance de la Parole de Jésus que nous avons voulu nous mettre à son service, vous dans votre mission et nous, ici. C’est parce que nous connaissons sa puissance que nous devons nous former pour toujours mieux la transmettre. C’est parce que nous connaissons sa puissance que nous aimons nous en nourrir chaque jour dans notre méditation et dans l’Eucharistie. Et la Parole que Jésus va prononcer pour cet homme est une parole étonnante.

Lève-toi ! Quelle parole pour cet homme qui git sur son brancard depuis 38 ans ! Ça fait 38 ans qu’il ne s’est pas levé ! Jésus ne lui dit pas : je vais te lever et ensuite, tu marcheras ! Non ! « Lève-toi, et marche. » C’est-à-dire qu’il s’adresse à la foi de cet homme. Si tu crois en ma puissance, alors pose un geste qui manifeste ta foi : « Lève-toi, et marche. » Tout devient possible pour celui qui se met à croire. Le miracle n’est possible que pour celui qui croit et qui le montre par une attitude extrêmement concrète. Et Jésus ne dit pas seulement : « Lève-toi, et marche. » Il lui dit : « Lève-toi, prends ton brancard, et marche. » Ce brancard qui a été son fidèle compagnon d’infortune depuis 38 ans, on peut imaginer que cet homme aurait eu envie de le larguer pour ne plus jamais le voir ! Mais Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton brancard, et marche. » C’est d’ailleurs ce qui va profondément chiffonner les bien-pensants témoins de la scène qui, bien loin de se réjouir expliquent que ce n’était pas le bon jour pour se faire guérir. Ça faisait 38 ans qu’il attendait et ça ne serait pas le bon jour, réaction terrible. Le pape ne cesse de condamner cette attitude qu’il appelle l’attitude des douaniers qui veulent tout contrôler !

La célèbre psychanalyste, Françoise Dolto s’est beaucoup intéressée à la force symbolique de cette parole de Jésus : prends ton brancard. Elle explique que la guérison que Jésus veut nous accorder, c’est la force de porter ce qui nous paralysait auparavant. Oui, certains sont guéris dans des miracles étonnants qui les débarrassent à tout jamais de leur handicap, mais ceux-là ne sont pas nombreux et c’est finalement un grand mystère. Cependant, c’est à tous et à chacun que Jésus veut donner la force de porter ce qui peut nous paralyser, ce qui peut, à certains moments de notre vie, nous écraser. Ce miracle, il est pour tous, à condition que nous croyons vraiment, que nous osions le demander et dans ce contexte la prière des frères que vous avez expérimentée hier soir peut accomplir des merveilles. 

Enfin, je souligne que Jésus dit : Lève-toi. C’est le verbe de la résurrection. Ce n’est pas une simple guérison que Jésus apporte, mais une résurrection, l’entrée dans une vie nouvelle. C’est pour cela qu’il dira à cet homme quand il le retrouvera : « Te voilà guéri. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver quelque chose de pire. » Autrement dit, par cette guérison, tu es entré dans une vie nouvelle, nouvelle parce que tu peux marcher, mais nouvelle surtout parce que tu as été visité par mon amour. Alors, reste dans cette vie nouvelle, savoure-la, vis ta vie nouvelle sans retomber dans le péché qui est une paralysie au moins aussi handicapante que celle qui te tenait couchée. C’est pour cela que nous aimons recourir au sacrement de la réconciliation qui, à chaque fois, actualise pour nous ce qui s’est passé lors du miracle de la piscine de Bethesda. 

Dans ce sacrement, nous recueillons l’amour miséricordieux qui jaillit du côté transpercé de Jésus. La 1° lecture nous laissait entrevoir toutes les vertus de cette eau. Ce sont tous ces bienfaits que nous recevons à chaque fois que nous nous nous mettons sous la fontaine de sa miséricorde.

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