Avant de conclure l’année jubilaire de la miséricorde, en 2016, le pape François a décidé de poser un acte fort, comme il sait le faire. Il a institué la journée mondiale des pauvres et demandé qu’elle ait lieu, chaque année, le dimanche avant la fête du Christ-Roi, c’est donc précisément ce dimanche. Et le thème de cette année, c’est « tends ta main au pauvre. » Si vous le pouvez, je vous invite vraiment à lire le message que le pape a écrit pour cette occasion, vous le trouverez très facilement sur internet, ce message est très stimulant. Le pape souligne la beauté de tant de mains tendues, particulièrement en ces temps de pandémie mais il souhaite aussi interroger tous ceux qui gardent leurs mains fermées dans leurs poches, crispées sur la défense de leurs intérêts sans se laisser émouvoir par la situation des plus pauvres.
Alors dans cette perspective, il y a un détail de cet évangile que nous connaissons bien qui peut nous faire poser beaucoup de questions : comment se fait-il que le maître quand il retire le talent à celui qui ne méritait pas sa confiance le donne à celui qui en a déjà 10 ? Pourquoi ne le donne-t-il pas plutôt à celui qui n’en a que 4, ça aurait pu rétablir la justice ? Et, en posant cette question, nous pouvons tout de suite en poser une autre : pourquoi y a-t-il eu une répartition aussi inégale ? Le texte nous dit qu’il donne à chacun ses capacités, peut-être, mais cette répartition de « 5, 2 et un » ne semble quand même pas très juste. Et comme chacun de nous a bien compris que le maitre de la parabole, c’est le Seigneur, tout cela nous fait poser bien des questions ! En répartissant si inégalement, en prenant ce talent à celui qui avait reçu le moins pour le donner à celui qui avait le plus, le Seigneur serait-il injuste ? Refuserait-il, comme l’indique le thème de la journée des pauvres, de tendre la main vers le pauvre ?
Pour essayer de comprendre, il est tout d’abord essentiel de rappeler ce qu’est un talent. Pour nous, le mot talent est l’équivalent du mot qualité et c’est peut-être à cause de cela que nous avons du mal à comprendre ce texte. Nous nous demandons pourquoi le Seigneur aurait donné beaucoup de qualités à certains et très peu à d’autres. Mais, quand Jésus raconte cette parabole, à son époque, le mot talent n’évoque pas du tout une qualité, c’est une somme d’argent, et un seul talent, c’est une très grosse somme d’argent. Tenez-vous bien, un talent, c’est 26 kg d’argent, vous entendez 26 kg d’argent ! Ça représente l’équivalent de 6 000 journées de travail soit à peu près 20 ans de travail. Avec l’espérance de vie de l’époque, un talent c’est pratiquement le salaire de toute une vie. Quand on sait cela, ça change tout, ça change complètement notre regard sur le maître, il n’est plus injuste ce maitre, il est au contraire extrêmement généreux puisque celui à qui il donne le moins, il lui donne pratiquement tout ce dont il a besoin pour vivre toute sa vie sans avoir besoin de travailler ! Et vous avez bien entendu, c’est à ses serviteurs qu’il fait un tel cadeau, pas à ses fils … c’est dire si sa générosité est immense !
Ce maître, il est tellement bon qu’il veut que personne, même parmi ses serviteurs, ne soit dans le besoin et n’ait à se faire du souci. Oui, quelle générosité chez ce maitre ! Alors, c’est vrai, certains ont plus que d’autres, mais cette générosité du maître à leur égard n’est pas scandaleuse puisque ceux qui ont le moins ont déjà largement assez empêchent un grand nombre d’avoir le nécessaire. Vous connaissez sans doute ces chiffres honteux qu’il est bon de rappeler en cette journée mondiale des pauvres tellement ils sont scandaleux.
Savez-vous que 1% des personnes de la terre, les plus riches, en se partageant 80 milliards de milliards et attention, je ne parle pas en francs CFA, mais en dollars, ces 1% ont deux fois plus de ressources que 6,9 milliards d’êtres humains les moins privilégiés. Je peux encore continuer en disant que les 26 personnes les plus riches de la terre détiennent à elles seules la moitié des richesses de la terre ou encore que les 22 hommes les plus riches de la terre, à eux seuls, possèdent plus que toutes les femmes africaines réunies ! On comprend que le pape ait lancé cette journée des pauvres pour toucher le cœur des riches et les inviter à tendre leur main vers les pauvres. Oui, ce qui se vit dans notre monde est particulièrement scandaleux et les plus riches qui, au lieu de tendre leurs mains vers les pauvres les gardent serrer dans leurs poches devront un jour rendre des comptes.
Mais, là, dans la parabole que raconte Jésus, il n’y a rien de scandaleux puisque, je le redis, celui qui a le moins, il ne lui manque rien pour vivre, il est même déjà très à l’aise avec ce qui lui a été donné. On ne pourra donc jamais invoquer ce texte pour justifier une répartition inégalitaire des biens de la terre en prétextant que le Seigneur, lui-même, agit de manière inégalitaire. Non, le Seigneur, ce qui le caractérise, c’est sa générosité qui lui fait avoir souci même du dernier de ses serviteurs à qui il donnera largement ce qui lui sera nécessaire pour vivre.
Mais alors se pose une question : quel est ce don qui a été fait à ces serviteurs et, vous avez déjà compris que, derrière la figure de ces serviteurs, c’est de nous que Jésus veut parler. Oui quel est-il ce don qui nous a été fait, ce don qui vaut de l’or ? Pour le comprendre, il faut se rappeler que, dans cette parabole, la distribution a eu lieu avant le départ du maitre. Les dons reçus permettront donc aux serviteurs de vivre paisiblement l’éloignement de leur maître ou peut-être encore mieux, ces dons leur permettront de vivre en son absence comme s’il était bien présent. Alors, quel est-il ce don ? Eh bien, ce don, c’est la foi, tout le contexte de la parabole le confirme. Oui, la foi, c’est vraiment un cadeau qui vaut de l’or ! La foi, c’est bien elle qui permet aux croyants de reconnaître la présence de Celui qui semble si loin pour les incroyants. Si nous remplaçons le mot talent par celui de Foi, alors tout devient lumineux dans cette parabole. C’est vrai que ceux qui ont une très grande foi la font fructifier à l’infini : de fait, plus on croit en Dieu et plus on compte sur lui ; et plus on compte sur lui, plus on se rend compte qu’il est fiable et du coup, on a encore plus envie de compter sur lui. A celui qui a, sous-entendu la foi, il sera donné toujours plus sous-entendu de confiance et d’énergie pour entreprendre, pour réussir.
Vous aurez remarqué que la parabole insiste particulièrement sur le 3° homme. De fait, c’est bien lui qui fait problème. Et c’est en m’arrêtant sur lui que je veux terminer. Aujourd’hui encore, plus qu’hier, il y en a trop qui enfouissent ce don de la foi, particulièrement chez nous en Europe. La foi, elle leur a été donnée au Baptême et ils l’ont reçu en quantité suffisante, un seul talent de foi suffit largement pour toute la vie. Mais ils ont enfoui ce don qui, du coup, ne produit rien dans leur vie. Remarquez dans la parabole, il y a comme des circonstances atténuantes à leur égard. Celui qui a enfoui le don, il a eu cette attitude parce qu’il croyait que Dieu était terrible. Où est-ce qu’il a trouvé ça ? Celui qui fréquente Dieu sait bien qu’il n’en est rien. Mais finalement, on peut se dire que ce pauvre 3° homme, s’il croyait que Dieu était terrible, c’est parce que certains avaient dû le lui dire !
Peut-être qu’aujourd’hui encore, il y en a trop qui enterrent la foi parce qu’ils ont une fausse image de Dieu et peut-être qu’ils n’en sont pas totalement responsables : ils n’ont pas eu la chance de croiser sur leur chemin des chrétiens rayonnants, des chrétiens vraiment habités par la foi, apportant un témoignage lumineux qui donne la certitude que Dieu est généreux, très généreux en amour. Et ici, dans ce pays, c’est sûrement le témoignage le plus important que puissent donner les chrétiens à leurs frères musulmans : Dieu est amour et son amour est d’une générosité qui nous coupe le souffle.
Frères et sœurs, à notre Baptême, nous avons reçu le trésor de la Foi. Et, si je peux m’exprimer ainsi, chacun a reçu une dose de foi largement suffisante. C’est vrai certains ont une foi vraiment exceptionnelle, eux, ils ont reçu 5 ou 2 talents de foi et parce qu’ils ont beaucoup reçu, il leur sera demandé davantage. Mais ceux qui n’ont reçu qu’un talent de foi en ont largement assez pour vivre le quotidien de leur vie en devenant de bons témoins. Du coup, je crois que cet évangile nous pose au moins deux questions à nous qui avons reçu ce trésor de la Foi.
La 1° question, c’est : est-ce que tu crois vraiment que la foi est le plus précieux des trésors que Dieu t’a donné ? Un trésor infiniment plus précieux que la richesse et même que la santé ? Pour nous qui sommes dans les Foyers de Charité, Marthe Robin nous a donné ce témoignage que la Foi est le plus grand des trésors et qu’il est même plus important que la santé. Dans sa vie, elle n’aura pas connu la santé très longtemps, à l’âge de 16 ans, commence pour elle, une longue vie de souffrances, des souffrances qu’elle n’a pas choisies mais acceptées. Eh bien, même sans la santé, parce qu’elle a cru que la Foi était le trésor le plus précieux reçu à son Baptême, elle qui a vécu toute sa vie sans sortir de son tout petit village de France, elle aura un rayonnement mondial. C’est ce rayonnement qui donnera un jour naissance à ce Foyer du Cap des Biches et de 80 autres dans le monde. Et nous, croyons-nous vraiment que la foi est le plus précieux des trésors que Dieu nous a donné et qu’avec ce trésor nous ne manquerons jamais de l’essentiel ?
La 2° question : qu’as-tu fait de ce trésor de la Foi qui t’a été confié ? Est-ce que cette foi, tu la fais fructifier ou est-ce que tu l’enterres en ne la sortant que le dimanche pour venir à la messe ? Est-ce que tu t’occupes vraiment de ta foi ? Est-ce que tu l’entretiens en te formant, par exemple, par la lecture des Ecritures, pour que ta foi grandisse ? Est-ce que tu poses des actes de foi, c’est-à-dire, est-ce que tu acceptes de faire confiance à Dieu quand tu traverses des moments difficiles ? Est-ce que tu nourris assez ta foi par la prière, l’Eucharistie pour qu’elle ne dépérisse pas ? Est-ce que tu partages ta foi en témoignant, en évangélisant ? Jean-Paul II avait dit, et c’est très vrai : la foi se fortifie quand on la donne. Alors, est-ce que nous la partageons assez pour qu’elle se fortifie ?
Si, en répondant à ces questions, tu te rends compte que tu n’as vraiment pas été à la hauteur du trésor qui t’a été confié, ne fais pas comme le 3° serviteur de la parabole, ne va pas accuser le Seigneur pour justifier ta médiocrité, reconnais humblement ta pauvreté. Si tu sais reconnaître ta pauvreté, le Seigneur ne t’enlèvera pas ce trésor, mais, justement, comme tu es un pauvre et que lui, il tend toujours sa main aux pauvres, il te relèvera, te permettra de repartir et de faire enfin fructifier ce trésor pour sa plus grande gloire et le salut de tes frères. Pour avancer sur ton chemin, tu peux compter sur cette femme parfaite dont parle la 1° lecture, les chrétiens l’ont trouvée, c’est l’Eglise. Elle est parfaite, non pas parce qu’elle serait sans péchés, les scandales à répétition l’ont prouvé. Mais elle est parfaite parce que, ce qu’elle nous donne est parfait puisqu’elle nous donne des frères qui nous encouragent et les sacrements qui soutiennent notre marche dans la foi.
Il est l’or, mon Seigń´or de te réveiller !!!! Enfin de retour ……..
Qui est vraiment le plus pauvre ? Celui qui dort sur un amas de pièces d’or ou celui qui n’a même pas une pierre ou reposer sa tête ?
Pour cet Evangile, je crois que nous nous focalisons trop sur l’aspect matériel et pas assez sur l’aspect spirituel et sur notre attachement et notre confiance au Christ : savoir faire fructifier notre foi pour ensuite la transmettre.