À chaque étape, lorsque la nuée s’élevait et quittait la Demeure, les fils d’Israël levaient le camp. Si la nuée ne s’élevait pas, ils campaient jusqu’au jour où elle s’élevait. Cette parole de la 1° lecture, aujourd’hui, on pourrait la qualifier de « fakenews », c’est-à-dire une fausse information pour ceux qui, comme moi, ne maitrisent pas l’anglais ! Dans la théorie, oui, il aurait dû en être ainsi, le Seigneur devait servir de guide à son peuple. Et ça se comprend très bien, dans un désert, il y a si peu de points de repères qu’il est indispensable d’avoir un guide. Alors, quand je dis « désert » n’allez pas vous imaginer des dunes comme dans le désert de sable du Sahara ! Ceux qui sont allés en Terre Sainte et qui ont pu avoir la chance d’aller au Sinaï le visualisent parfaitement ce désert du Sinaï, c’est un désert extrêmement rocailleux. Mais ça ne change rien ! Qu’est-ce qui ressemble plus à un caillou qu’un autre caillou ? Sans guide, on ne peut pas s’en sortir, on est perdu. C’est pourquoi Dieu avait demandé à Moïse que le peuple soit extrêmement docile pour accepter que lui, le Seigneur, leur serve de guide. Il leur avait donc dit : à chaque étape, lorsque la nuée s’élèvera et quittera la Demeure, vous pourrez lever le camp. Si la nuée ne s’élève pas, vous camperez sur place jusqu’au jour où elle s’élèvera. Mais le peuple n’a pas du tout obéi à cette consigne de Dieu. Vous savez que l’un des plus grands reproches que Dieu fera à son peuple, c’est d’être un peuple à la nuque raide, qui n’en fait qu’à sa tête !
Résultat, ils ont mis 40 ans à le traverser ce désert qui n’était pourtant pas si vaste que ça. Regardez sur une carte et vous vous en rendrez compte, c’est à peu près la distance du Chemin de Compostelle entre Le Puy et Compostelle ! Moi, pour faire ce chemin, j’ai mis deux mois et, comme vous pouvez le constater, je n’ai pas un profil d’athlète ! Eux ils ont mis 40 ans ! Oui, mais moi, je suivais les marques du chemin, blanches et rouges en France pour indiquer le GR et jaunes en Espagne, « la flecha » ! Si je m’étais amusé à marcher les yeux fermés, à n’en faire qu’à ma tête, je ne serais peut-être pas encore arrivé à Compostelle ! Quand on refuse de se laisser guider, on finit vite par tourner en rond, c’est ce qui est arrivé au peuple d’Israël qui a mis 40 ans pour faire le chemin qu’on pourrait faire en quelques mois. La raison est donc simple : ils avaient la nuque raide, ils n’en faisaient qu’à leur tête, ils refusaient d’écouter le Seigneur qui leur disait : à chaque étape, lorsque la nuée s’élèvera et quittera la Demeure, vous pourrez lever le camp. Si la nuée ne s’élève pas, vous camperez sur place jusqu’au jour où elle s’élèvera.
Peut-être que Moïse avait inventé un management participatif et qu’il réunissait des délégués, chaque jour, pour décider ce qu’il fallait faire : on marche ou on ne marche pas ? Et chacun y allait de son idée, de son opinion qui était forcément la meilleure ! Je n’ai rien contre le management participatif qui peut produire de beaux fruits, mais dans le management participatif, il ne faudra jamais oublier de consulter le « bureau chef » c’est-à-dire le Seigneur. Parce que lui, il assiste très patiemment à nos débats et, de temps en temps, il glisse discrètement cette demande : quand est-ce qu’on me demandera mon avis à moi ? Mais comme on est très pris par nos débats, cette petite voix, on ne l’entend pas et on continue à n’en faire qu’à notre tête ! Vous voyez quand on a l’impression de tourner en rond, de ne pas s’en sortir, dans notre vie personnelle, dans la vie de nos communautés d’Eglise, c’est le signe qu’on n’en fait qu’à notre tête, qu’on n’est plus suffisamment à l’écoute du Seigneur.
Il y a d’ailleurs une béatitude qui l’exprime très bien. « Heureux les doux, ils posséderont la terre. » En grec, le mot qui est utilisé pour dire « doux » il pourrait aussi se traduire par « docile » et du coup la béatitude pourrait s’entendre en ces termes : « Heureux les dociles, Heureux ceux qui se laissent conduire, ils posséderont la terre, ils ne tourneront pas en rond. » Il y a aussi un psaume qui exprime cela de manière très belle, un psaume qui opère justement une relecture de cette expérience du désert, c’est le psaume 80 de la liturgie. C’est Dieu qui dit sa désolation d’avoir un peuple qui ne l’écoute pas, qui ne le consulte pas, il est désolé car il pourrait faire tellement de merveilles pour ce peuple, par ce peuple s’il consentait enfin à l’écouter. Ecoutons quelques versets de ce psaume.
Écoute, je t’adjure, ô mon peuple ; vas-tu m’écouter, Israël ? « C’est moi, le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait monter de la terre d’Égypte ! Ouvre ta bouche, moi, je l’emplirai. « Mais mon peuple n’a pas écouté ma voix, Israël n’a pas voulu de moi. Je l’ai livré à son cœur endurci : qu’il aille et suive ses vues ! « Ah ! Si mon peuple m’écoutait, Israël, s’il allait sur mes chemins ! Aussitôt j’humilierais ses ennemis, contre ses oppresseurs je tournerais ma main. Que jamais nous ne fassions la désolation de Dieu à cause notre nuque raide !
Quant à l’Evangile, même si nous l’avons entendu dimanche dernier, je voudrais quand même le commenter car vous ne l’avez pas forcément tous entendu. Moi-même, je célébrais une messe de fin de retraite à laquelle participaient pas mal d’enfants, j’ai donc pris la lecture brève de l’Evangile qui ne nous faisait entendre que la parabole du trésor et de la perle. Je suis donc frustré de ne pas avoir pu commenter cette parabole du filet qui n’est pas si simple qu’il n’y parait, comme les autres d’ailleurs. Celle-là, en plus, elle a un côté flippant, comme on dit aujourd’hui et c’est sur ce côté flippant que j’aimerais m’arrêter. Quand le filet est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. On peut se boucher les oreilles pour ne pas entendre, Jésus dit d’ailleurs qu’il y en a beaucoup qui agissent ainsi quand ils entendent les paraboles, ils se bouchent les oreilles pour ne pas entendre et donc ne pas avoir à se convertir ! Mais, si on ne se bouche pas les oreilles on entend que ce qui ne vaut rien sera rejeté ! Et nous ne pouvons pas ne pas nous demander un jour ou l’autre : et si c’était pour me prévenir que Jésus prononçait ces paroles : ce qui ne vaut rien sera rejeté ? Oui, ça fait flipper et d’autant plus que les paroles suivantes sont encore pires : Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Aïe Aïe Aïe !
Je ne peux pas imaginer un seul instant que Jésus ait prononcé ces paroles pour nous faire peur pour nous pousser à devenir vertueux par peur de l’enfer. Mais alors, comment comprendre ces paroles ? En fait, je crois qu’elles comportent une très bonne nouvelle que je résumerai ainsi : ce qui est mauvais n’entrera pas dans l’éternité. Mais vous avez bien entendu, je n’ai pas dit : ceux qui sont mauvais n’entreront pas dans l’éternité ; mais j’ai dit : ce qui est mauvais n’entrera pas dans l’éternité. Parce que, vous savez, il n’y a que dans les westerns qu’il y a des bons clairement identifiables et des méchants clairement identifiables. Dans la vraie vie, ce n’est jamais comme ça ! La frontière entre le bien et le mal, elle traverse chacun de nos cœurs, même le cœur des plus vertueux, même le cœur des saints qui avaient besoin de se confesser ! Nul ne serait que bon, méritant par le fait-même le Royaume. Et nul ne serait que mauvais, méritant par le fait-même d’être rejeté dans dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Le catéchisme de l’Eglise Catholique, parlant de l’enfer, dira que c’est un « état d’auto-exclusion », c’est-à-dire que ça ne sera jamais Dieu qui nous y mettra, mais n’irons en enfer que si nous avons choisi d’y aller : « état d’auto-exclusion ».
Ce que la parabole veut dire, c’est que, parce que Dieu est amour, il ne veut pas que nous trainions éternellement notre péché comme un boulet. Avant d’entrer dans l’éternité bienheureuse, nous passerons entre les mains du grand chirurgien de l’amour qui, délicatement, enlèvera toutes les tumeurs du péché qui nous ont pourri la vie pour qu’elles ne nous pourrissent pas l’éternité ! Seuls ceux qui ne voudront pas passer entre les mains bienveillantes du grand chirurgien de l’amour, seuls ceux qui estimeront qu’ils n’ont pas besoin de passer entre les mains bienveillantes du grand chirurgien de l’amour ne pourront entrer dans l’éternité bienheureuse. Mais vous avez compris que ce n’est pas Dieu qui les rejette, d’où l’expression si bien choisie « d’état d’auto-exclusion » du Catéchisme de l’Eglise Catholique.
Merci Seigneur pour cette bonne nouvelle qui dit encore la grandeur de ton amour : tu me promets que je n’aurai pas à trainer mon péché pour l’éternité. Ce péché qui a pourri ma vie ne pourrira pas mon éternité. Je veux bien commencer à t’aider en luttant contre le mal pour que tu n’aies pas un trop gros travail quand je passerai entre tes mains bienveillantes de grand chirurgien de l’amour !
Magnifique