Ça aurait pu n’être qu’un fait divers qui fasse la une du Jérusalem Times avec un titre alléchant : Elle aurait dû être lapidée, elle se retrouve acquittée ! Mais ce n’est pas un fait divers, car c’est une histoire qui met en jeu la vie des enfants bien-aimés du Père. Et, pour le Père, aucune vie n’est quantité négligeable surtout pas la vie de cette femme mais pas non plus la vie des scribes et des pharisiens qui la présentent à Jésus. Et, dans sa manière d’accueillir, de parler aux uns comme aux autres, Jésus va montrer qu’il est vrai le dicton qui affirme : tel Père, tel Fils ! Oh oui, s’il y en a un qui est miséricordieux comme le Père, c’est bien le Fils. Jésus a le même regard, un regard miséricordieux pour les scribes et les pharisiens comme pour cette femme. Et finalement, ça n’a rien d’étonnant, d’une part à cause du dicton, tel Père, tel Fils ; d’autre part, Jésus a perçu que les scribes et les pharisiens, sont au moins autant pécheurs que la femme et qu’ils ont donc autant besoin de miséricorde. Arrêtons-nous quelques instants sur le péché des uns et des autres.
– La femme, son péché, on le connaît et il est grave car il est un péché contre le 7° commandement et transgresser un commandement, ce n’est pas rien. Mais en plus sur cette question de l’adultère Jésus a déplacé le curseur pour rendre le problème très sensible puisqu’il a dit : « Celui qui regarde une femme en la désirant a déjà commis l’adultère ! » Et ce qui est vrai des hommes l’est pareillement des femmes. Ce péché de cette femme, c’est donc plus qu’une infidélité à son mari, c’est aussi une très grave infidélité à la Loi.
– Eh bien, le péché des scribes et pharisiens qui amènent cette femme à Jésus est aussi grave et peut-être même plus. Eux aussi, ils sont infidèles à la Loi car la Loi ne dit pas ce qu’ils disent. Ils expliquent à Jésus que la Loi demande qu’on lapide ces femmes adultères, mais la Loi dit bien plus que cela puisqu’elle dit : « L’homme qui commet l’adultère avec la femme de son prochain devra mourir et sa complice aussi. » Voilà ce que dit la Loi, et en n’en rapportant qu’une partie, celle qui les arrange, en faisant porter tout le pods du péché uniquement sur les épaules de la femme, les scribes et les pharisiens trahissent cette Loi, sont infidèles à la Loi. J’ajouterais que leur péché était peut-être plus grand que celui de la femme puisqu’il ne vous aura pas échappé que ce déni de la Loi est commis dans l’enceinte sacrée du Temple.
Nous avons regardé le péché de ces coupables, maintenant regardons quelle est l’attitude de Jésus. Lui, le texte nous dit qu’il se baisse. Oh, ça il a l’habitude : lui qui est de condition divine, il n’a pas regardé son égalité avec Dieu comme un butin à préserver, mais il s’est abaissé en prenant la condition de serviteur. Nous connaissons tous cet hymne aux Philippiens. En se baissant, en s’abaissant, Jésus prend la condition de serviteur, il veut se mettre au service de ces pécheurs qu’il a devant lui, il veut leur offrir le service de la miséricorde. Et c’est pour qu’ils puissent tous bénéficier de ce service qu’il dit : que celui n’a jamais péché lui jette la 1° pierre, il les invite tous à se reconnaître pécheurs. Et c’est ce qu’ils font puisque personne ne jette de pierres. Les paroles de Jésus ont débusqué le péché de ces hommes qui ne voulaient pas le voir. C’est un acte d’amour de la part de Jésus que de les aider à voir leur péché. Car on ne pourra jamais sortir du péché si on n’est pas conscient d’être dedans !
Ne pas jeter de pierre parce qu’ils ont reconnu qu’ils étaient pécheurs, c’est une très bonne réaction des scribes et des pharisiens, mais ils en ont aussi eu une mauvaise réaction qui va nous permettre de comprendre que, pour être pardonné, il ne suffit pas de se reconnaître pécheur. La mauvaise réaction, c’est qu’ils sont partis, sûrement dépités d’avoir été pris à leur propre piège, car ils étaient venus, nous dit le texte, pour piéger Jésus, or ce sont eux qui ont été piégés. Mais j’aime aussi croire qu’ils sont repartis ravagés par la honte d’avoir été obligés de reconnaître devant tout le monde qu’ils étaient pécheurs, qu’ils n’étaient pas aussi bien qu’ils voulaient le laisser croire. Du coup, ils sont repartis tête basse, sans faire de bruit. Et ça, c’est la mauvaise réaction, ils auraient dû rester, voilà ce qu’aurait été la bonne réaction. Rester et tomber à genoux en pleurant leur péché. Mais ils ont eu honte d’être reconnus pécheurs, et c’est pour cela qu’ils sont partis, ils ne pouvaient pas supporter que leur image de marque soit ternie. Mais le drame, c’est que la reconnaissance de leur péché ne les a pas conduits à pleurer sur leur péché en réalisant combien il avait pu contrister le cœur de Dieu. Ils auraient dû rester en pleurant, mais surtout en reconnaissant que celui qui venait de le dévoiler avait aussi la puissance de le pardonner et, en le pardonnant, de les rendre meilleurs. Ils auraient dû pleurer leur misère et supplier Jésus, par sa miséricorde, de venir visiter leur misère.
Vous aurez donc compris que, pour être pardonné, il ne suffit pas de se reconnaître pécheur, les scribes et les pharisiens l’ont fait, mais ils sont repartis dans le même état qu’ils sont venus, tout autant pécheurs. Pour être pardonné, il faut pleurer son péché, et le pleurer non pas parce qu’il nous fait honte, mais parce qu’il a contristé le cœur de Dieu et blessé le cœur de mon frère. La confession n’est donc pas faite pour se mettre en règle. Vivre la confession de cette manière, c’est le plus sûr moyen de repartir dans le même état que nous sommes venus. Il s’agit de pleurer d’avoir blessé le cœur de Dieu, ce cœur qui nous a tant aimés et d’avoir blessé le cœur de nos frères, ce cœur qui a tant besoin d’être aimé. Pour être pardonné, il faut aussi croire en la puissance de la miséricorde, ce qui n’est pas toujours le cas. Nous doutons parfois de la puissance de la miséricorde du Seigneur quand nous pensons que « ça » il ne pourra pas nous le pardonner ou que, à force de faire « ça », viendra un jour où il ne voudra plus nous pardonner. Le pape François n’arrête pas de dire que Dieu ne se fatigue pas de pardonner, c’est toujours nous qui nous fatiguons de demander pardon.
Vous voyez que, dans cette homélie, j’ai finalement peu parlé de cette femme. C’est sans doute parce que nous pouvons plus facilement nous identifier avec les scribes et les pharisiens, même si nous ne les aimons pas a priori. Mais permettez-moi de dire quand même un mot de cette femme et justement ce mot sera le mot de « femme. » C’est le même mot dans la bouche des scribes et des pharisiens que dans la bouche de Jésus mais sûrement pas avec la même intonation et le même sens ! En effet, quand Jésus l’utilise, c’est pour redonner sa dignité de femme à cette femme, dignité qu’elle avait perdu à cause de ces hommes qui l’utilisaient comme un objet de plaisir. Et, ça ce n’est pas le moindre fruit du pardon que de retrouver sa dignité. Dommage qu’ils soient partis ces scribes et pharisiens, partis avec la honte, sans avoir pu retrouver leur dignité perdue par leur mensonge et leur infidélité à la Loi.
Conclusion : s’il y avait un titre à donner à ce texte, ça ne serait pas celui que je suggérais au début mais bien plutôt celui-ci : Tous les coupables présentés à Jésus sont acquittés mais, hélas, une seule est pardonnée !
cela pourrait être aussi l’arroseur arrosé !
en effet, les hommes ont voulu se montrer et se croire supérieurs à la femme et plouf leurs orgueils sont tombés à l’eau….