Il s’appelle Jan Benes, c’est un très grand scientifique qui vit au-delà du rideau de fer, vous avez donc compris que cette histoire ne date pas d’hier ! Les Etats-Unis et l’URSS travaillent depuis un moment sur un concept particulier : comment arriver à tout miniaturiser ? Ils ont fini par le découvrir mais il y a un problème, la miniaturisation ne dure qu’une heure. Au bout d’une heure, ce qui a été miniaturisé reprend sa dimension normale. Jan Benes a pu passer à l’Ouest et il vient de faire une grande découverte qui va permettre de faire durer la miniaturisation. Mais voilà qu’il est victime d’un attentat et que sa vie ne tient plus qu’à un fil puisqu’un gros caillot de sang empêche l’irrigation de son cerveau, il est tellement mal placé qu’aucune opération n’est envisageable. Pourtant, il faut absolument le sauver pour qu’il puisse livre son secret. Une équipe de scientifiques et de médecins intrépides décident de tenter le tout pour le tout. Ils s’installent dans une capsule qui sera miniaturisée et injectée dans le corps de Jan. Ils auront donc une heure pour faire un voyage aller-retour dans son corps pour aller jusqu’au cerveau et bombarder le caillot afin de le dissoudre pour sauver Jan.
Vous l’aurez compris, c’est un film que je vous raconte, un vieux film sorti en 1966 et que j’ai vu dans les années 70 alors que j’étais encore enfant ou pré-adolescent, ça c’est pour ceux qui voudraient calculer mon âge ! Ce film m’avait beaucoup marqué, je ne vous raconte pas la suite, je peux juste vous dire que le voyage a été assez tourmenté … vous irez le voir sur internet si on peut encore le trouver ! Mais pour le moment, votre problème, ce n’est pas de trouver ce film, c’est de trouver quel lien il peut bien y avoir entre ce film et la fête de Noël ! Je vous l’accorde, c’est un peu étonnant mais j’ai vraiment l’impression que c’est le Saint-Esprit qui a fait remonter, ces jours, ce souvenir si ancien à ma mémoire.
Dieu savait que les hommes avaient un problème, il les avait créés pour qu’ils puissent vivre en fils et filles bien-aimés sous son regard, mais voilà qu’un énorme caillot bloquait la vie filiale, l’empêchait de se développer. Cet énorme caillot était en train de paralyser les hommes, vous le devinez ce caillot, il porte un nom très précis, le péché. Alors, au temps favorable, il y a eu une réunion au sein de la Trinité et ils sont tombés d’accord : ça ne pouvait plus durer, il fallait intervenir. Ils ont donc élaboré un plan pour bombarder ce caillot qui empêchait la vie filiale de s’écouler dans le cœur des hommes. Pour accomplir cette mission, Dieu n’a pas eu recours à la miniaturisation d’une soucoupe, mais c’est tout comme : du ciel, il a envoyé son Fils sur terre car l’opération ne pouvait pas se réaliser du haut du ciel. Si je reviens au film, un bombardement du caillot par laser depuis l’extérieur aurait pu gravement endommager l’intelligence de Jan ; eh bien, de la même manière le bombardement du caillot-péché ne pouvait pas se faire d’en haut, il fallait descendre pour rejoindre les hommes afin que Jésus puisse opérer avec des frappes d’une précision chrirurgicale. C’est ça le mystère de l’Incarnation, un grand mystère d’amour : Dieu aime tellement les hommes qu’il ne peut se résoudre à les voir mourir peu à peu à cause de ce caillot qu’est le péché et qui empêche la vie filiale et donc la vie fraternelle de couler en eux. C’est ainsi qu’à la plénitude des temps, comme le dit la Parole de Dieu, le Fils éternel a été envoyé sur terre pour mener une lutte sans merci afin de désintégrer le mal. C’est ce qu’il a fait pendant les 3 années de sa vie publique et il acceptera d’aller jusqu’au bout, de donner sa vie, de verser son sang pour que tout soit accompli dans cette mission si essentielle.
J’espère que vous avez bien compris que la destruction du mal n’est pas le fin mot de l’histoire. Ce que Dieu voulait par-dessus tout, c’était que les hommes puissent vivre en Fils de Dieu, que leur vie puisse s’épanouir dans une vie filiale et donc fraternelle accomplie. St Irénée, le 1° évêque de Lyon, et de nombreux Pères de l’Eglise après lui, ont très bien résumé cela dans une formule choc : « il s’est fait ce que nous sommes pour que nous devenions ce qu’il est. » J’explicite : Le Fils de Dieu s’est fait homme afin que les hommes deviennent Fils de Dieu, puissent vivre en Fils de Dieu. Et c’est parce que le péché était un obstacle majeur pour que l’homme parvienne à mener cette vie filiale qu’il fallait commencer par cette opération si délicate d’anéantissement du péché.
Mais, vous pourriez m’objecter que ça n’a pas si bien marché que ça, le caillot du mal ne semble pas vraiment désintégré, il suffit de regarder les informations pour s’en rendre compte. Vous connaissez sans doute cette chanson de Jacques Brel racontant une descente du diable sur la terre pour contrôler ses intérêts. Et le diable est très content de ce qu’il voit, il poussant de grands cris de contentement en chantant : Ça va ! Oui, ça va bien pour lui, les hommes s’amusent comme des fous au dangereux jeu de la guerre. Ça va, des trains déraillent avec fracas parce que des gars pleins d’idéal mettent des bombes sur les voies et ça fait des morts sans confession, des confessions sans rémission … Je ne veux pas reprendre toute la chanson, mais c’est vrai que, pour le diable, malgré la venue de Jésus, ça semble aller pas mal !
Pourtant, dans la Foi, nous croyons que le Christ est bel et bien victorieux. Dans la foi, nous croyons que, comme le dit le livre de l’Apocalypse : il est vaincu, l’Accusateur de nos frères. Et c’est précisément parce qu’il a été blessé à mort et qu’il se sait vaincu que le Malin, si vous me permettez l’expression se débat comme un diable dans un bénitier. Il sait que ses jours sont comptés et c’est pour cela qu’il se déchaine en faisant tout pour emporter encore quelques victoires, mais ces victoires ne changeront rien à l’issue finale : la victoire est du côté de Dieu. Et surtout n’allons pas croire qu’il ne nous faudra attendre la fin des temps pour goûter à cette victoire. En effet, il y a un prolongement à ce grand mystère de l’Incarnation, c’est le sacrement du pardon, j’imagine que la plupart d’entre nous l’avons reçu pour nous préparer à cette fête.
Et c’est là que la comparaison avec le film peut devenir la plus parlante. Dans le mystère de l’Incarnation, Jésus est descendu du ciel sur terre, quelle descente ! Mais il acceptera d’aller encore plus bas pour visiter toutes ces failles que le péché répété a pu creuser en nous. Je l’ai dit, Dieu ne voulait pas bombarder le mal depuis le ciel, on sait que les bombardements massifs font toujours des dégâts collatéraux, Jésus est donc descendu. Eh bien, depuis son incarnation, Jésus continue son œuvre, il est devenu expert en descente. C’est pourquoi il accepte de descendre jusque dans nos failles les plus profondes, là où ça ne sent pas forcément très bon, mais l’étable de Bethléem lui a appris à s’en accommoder. Et descendant jusqu’où il le faut, il peut bombarder le mal en l’attaquant à la racine par le moyen de frappes d’une précision chirurgicale. C’est ainsi que, comme ont pu le faire les scientifiques dans le film, Jésus va attaquer le mal à sa racine. Mais il ne s’arrête encore pas là, puisqu’il est là où nous avons si mal, il en profite pour diffuser immédiatement le baume de son amour pour que nos blessures ne s’infectent pas, propageant un autre mal. Le baume de son amour nous permettra de plus vite cicatriser et toutes ces cicatrices qui ne disparaitront deviendront comme des stigmates révélant les traces de son passage bienfaisant en nous. Et il recommencera aussi souvent qu’il le faudra sans jamais se décourager, sans jamais penser que nous abusons. Ce qu’il veut, c’est la guérison progressive couronnée par une victoire définitive. Et, ce qui est merveilleux, c’est qu’il se passe la même chose dans l’adoration quand nous nous exposons à sa présence pour peu que nous consentions à le laisser poser son regard sur ce qu’il y a de plus attaqué, de plus douloureux, de plus blessé en nous.
Finalement, c’est un peu toute cette histoire que nous raconte le prologue de l’Evangile de St Jean dont nous avons entendu un extrait dans l’Evangile. St Jean, pour le dire, a utilisé des termes chargés d’une grande profondeur théologique, lui, il n’utilise pas un film fantastique pour parler de l’Incarnation ! Vous le savez, chaque évangéliste a un symbole : Marc, le Lion ; Luc, le taureau ; Matthieu, un homme et Jean, c’est un aigle. Un aigle, précisément parce que, dans l’Evangile de Jean, ça vole très haut ! Mais je suis persuadé que si vous reprenez patiemment tout le mouvement de cet Evangile, vous retrouverez tout ce que j’ai essayé de vous faire partager dans ma méditation. En ce jour où les hommes envoient dans le ciel le plus puissant des télescopes pour tenter de percer les origines de la vie, ne nous lassons pas de contempler Celui qui était au ciel et qui, pour nous les hommes et pour notre Salut, a choisi de venir sur terre et de descendre toujours plus bas afin de nous révéler que nous avons été créés par amour et pour l’amour et pour nous permettre d’en vivre.