30 avril : Sur les épaules de Philippe !

Nous continuons notre lecture des Actes qui nous permet de monter sur les épaules d’un certain nombre de ces géants de l’évangélisation. Aujourd’hui, nous montons sur les épaules de Philippe, hier, déjà, nous l’avions vu entrer en scène, évangélisant la Samarie suite à la persécution qui avait dispersé les chrétiens. Mais je n’avais pas pu parler de lui puisque j’avais choisi de m’arrêter plus longuement sur la figure de Ste Catherine de Sienne, nous étions, en quelque sorte, montés sur les épaules de cette femme, mais ce n’était pas un problème pour elle de nous accueillir sur ses épaules car, vous avez pu vous en rendre compte, elle avait les épaules solides !

Philippe, avec Etienne, fait partie des deux diacres connus, les 5 autres, nous ne connaissons que leur nom. Remarquez, moi, je trouve bien qu’il y ait des gens comme ça dont on n’ait gardé que le nom. On ne sait rien d’eux, mais ils ont tenu leur place et tenir sa place, c’est-à-dire accomplir son devoir d’état, ce n’est pas si mal ! 

A cause de la dispersion, Philippe ne peut plus exercer directement le ministère pour lequel il avait été choisi, il va donc exercer la charité autrement, en évangélisant. C’est Paul VI dans l’exhortation Evangelli Nuntiandi qui va insister sur ce point en affirmant qu’évangéliser, c’est le plus grand service que nous puissions rendre à l’humanité. Philippe continue donc à exercer le ministère de la charité en évangélisant. Il évangélise la Samarie, c’était hier et aujourd’hui, c’est une autre belle page de l’évangélisation que nous lisons. Cette rencontre va nous montrer ce qu’est un vrai évangélisateur ou, pour reprendre, la terminologie du pape François, un vrai disciple-missionnaire.

Est-ce que vous avez prêté attention au début du texte qui donne la feuille de route de Philippe ? « Mets-toi en marche en direction du sud, prends la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; elle est déserte. » Je ne sais pas pourquoi, mais la traduction liturgique a supprimé un détail et c’est bien dommage car l’ange précise que c’est l’heure de midi. On ne peut pas dire que la mission soit exaltante : partir sur une route déserte à midi ! Et, d’ailleurs, c’est sûrement parce que c’est midi que la route est déserte. Personne ne sort à cette heure-là, pas d’abord parce que c’est l’heure de manger mais parce qu’il fait trop chaud ! Il n’y a que ceux qui ont des problèmes comme la Samaritaine qui sortent à cette heure-là. Philipe est donc envoyé à midi sur une route déserte, c’est très surprenant, mais il y va quand même, il ne discute pas ce que le Seigneur lui demande, il ne cherche pas une belle mission bien gratifiante. Il y va et il a bien raison d’y aller car la route n’est pas si déserte que ça et la rencontre qu’il va faire, l’expérience d’évangélisation qu’il va vivre sera vraiment extraordinaire. Méfions-nous toujours de nos critères trop humains pour évaluer les missions qui nous sont confiées, quand elles viennent du Seigneur, elles réservent toujours de belles surprises. Et après tout, quand on y réfléchit bien, c’était une très belle mission : aller dans un endroit désert pour faire fleurir ce désert, c’est magnifique ! Le problème, c’est que souvent, nous nous rêvons d’aller là où l’herbe est déjà bien verte !

La suite de la rencontre, on pourrait la lire en parallèle avec la rencontre d’Emmaüs. Philippe jouant pour cet éthiopien le rôle de Jésus. C’est aussi un homme qui a bien des problèmes qu’il rejoint, certes il est puissant, il occupe une bonne place mais il a payé cher le prix de cette place, il est devenu eunuque ! Et il commence par s’intéresser à cet homme. Philippe est à l’écoute de cet homme pour discerner sa recherche, il n’arrive pas tout de suite avec ce qu’il sait, ce qu’il a envie de dire. 

Le texte des Actes nous dit ensuite que Philippe va monter près de lui, faire un bout de chemin dans une grande proximité, c’est vraiment le temps du compagnonnage comme à Emmaüs. Jésus s’était mis au pas des disciples, Philippe monte dans le char pour être sûr de ne pas aller plus vite que la musique ! Philippe, comme Jésus, aborde cette rencontre en posant une question. En agissant ainsi, il place l’autre en position centrale, c’est l’autre qui est le sujet de toute son attention. Mais peut-être que cette attitude a été facilitée chez Philippe par le fait qu’il ne pouvait pas avoir échafaudé de plan, de projet préalable : Il était parti à midi sur une route déserte, dans ces conditions, on ne peut pas se faire un film sur la manière dont on aimerait que les choses se passent !

Philippe pose une question et s’intéresse à la réponse qui lui est faite. Il ne se sert pas de la question uniquement comme une stratégie pour ouvrir une discussion. Il attend que l’eunuque lui dise son désir pour se sentir autorisé à aller plus loin. Et, tout comme sur le chemin d’Emmaüs, il faut du temps pour relire les Écritures de manière à en révéler le sens pour cet homme, dans sa situation. Il faut du temps à cet homme pour qu’il dise ce qu’il attend de Philippe. Il nous faut apprendre à ne pas parler trop vite, apprendre à écouter sans interrompre et même à respecter les silences de l’autre. 

Et alors, Philippe, vous en conviendrez, n’a pas la partie facile car cet homme est en train de lire un passage d’Isaïe qui parle de souffrances et qui plus est de postérité alors que celui qui lit est eunuque et qu’il doit sûrement en souffrir ! Et voilà que la Parole qu’il lit est justement venu toucher cette faille en lui. Philippe aurait pu dire : laisse tomber cette parole, elle est trop compliquée pour toi, on va en lire une autre qui sera mieux. Et il aurait eu l’embarras du choix pour lui proposer une parole de consolation : tu as du prix à mes yeux, tu comptes beaucoup pour moi … que sais-je encore ! Non, Philippe a le courage d’affronter les failles de celui qu’il rencontre. Attention aux stratégies d’évitement que nous pouvons mettre en place, il ne faut pas parler de la paternité à ces enfants parce qu’il y en a trop qui souffrent d’avoir eu un père défaillant. Mais si, justement, il faut en parler, la question, bien sûr c’est comment en parler et quand en parler, mais parce qu’ils ont eu des pères défaillants, ils rêvent de rencontrer ou d’exercer un jour une vraie paternité. A ce niveau, il nous faut croire que la Parole de Dieu peut avoir une véritable action thérapeutique pour venir toucher les cœurs précisément là où ça fait mal. On le voit bien quand un texte est donné dans le cadre de la prière des frères. 

En tout cas, la Parole de Dieu commentée par Philippe, en chemin, aura fait son chemin, puisque l’eunuque demande à être baptisé. La rencontre d’Emmaüs s’était terminée autour de l’Eucharistie, cette rencontre se termine avec le Baptême et Philippe va disparaitre comme Jésus avait disparu, mais là cette disparition a une autre portée. Philippe vient de baptiser cet homme, c’est-à-dire qu’il vient d’attacher cet homme à Jésus il était donc nécessaire que, lui, Philippe se détache de cet homme et qu’il aide cet homme à se détacher de lui. L’évangélisation peut créer des liens extrêmement forts entre les personnes, il faudra toujours vérifier si ces liens ne deviennent pas des empêchements à un attachement plus grand à Jésus. C’est pour cela qu’il est bon, quand on évangélise d’apprendre à disparaître.

Merveilleuse page d’évangélisation qui nous encourage à devenir toujours plus et toujours mieux d’authentiques disciples-missionnaires.

Cette publication a un commentaire

  1. Simon

    Merci père, pour votre homélie. Ma question est la suivante : comment discerner ce que l’Esprit nous dit ? J ai l impression d ‘être comme l’eunique qui lit sans comprendre ce qu’il lit. Il a eu besoin de Philippe pour comprendre. Par exemple : j ai eu ce verset Zacharie verset 20 quand je priais le Seigneur de m’eclairer sur ce qu’il attendait de moi. Je peux le lire être touché mais ne pas comprendre comment l’interprêter pour ma vie présente.

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