Nous avons entendu la suite de l’Evangile d’hier. Hier, Jésus guérissait un homme seul et infirme depuis 38 ans et aujourd’hui, il est en pleine discussion avec ceux que j’appelais hier, à la suite du pape François, les douaniers, ces religieux qui veulent tout contrôler, tout vérifier. Au lieu de se réjouir du miracle opéré par Jésus, au lieu d’essayer de se mettre un peu à la place de cet homme enfin libéré, ils lui disent que ce n’était pas le bon jour pour opérer cette guérison puisque c’était un jour de sabbat. Dans certains passages de l’Evangile, Jésus entame avec ces douaniers une réflexion sur le sens du sabbat pour leur en faire percevoir le véritable sens, là, ce n’est pas le cas. Il va faire un long discours et, comme souvent, dans les discours de Jésus rapportés par l’évangéliste Jean, on a l’impression, à première écoute, d’un fourre-tout dans lequel on ne voit pas de logique dans l’enchainements des idées. En fait, il n’en est rien, les discours de Jésus en St Jean sont toujours très bien construits, mais comme ils sont longs, on a tendance à se perdre par manque d’attention, un peu comme quand on écoute une homélie trop longue !
Il y a d’abord un premier argument que Jésus déploie pour se justifier et cet argument, je l’aime beaucoup : « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre. » Un peu comme si Jésus disait : avec le Père, nous sommes tous les deux des bosseurs et rien ni personne ne nous empêchera de travailler tous les jours et à chaque instant d’une journée. Finalement, c’est comme si Jésus disait à ces douaniers avec lesquels il est en discussion : vous seriez bien inspirés d’en faire autant ! Evidemment, cette parole de Jésus ne peut en aucun cas servir de repère pour organiser notre temps de travail dans la société ou dans une communauté. Mais Jésus rappelle, par cette parole, que le Père et lui sont unis dans l’amour, ils sont l’amour et de l’amour on peut en donner à chaque instant de notre vie, même quand on se repose ! C’est ce que disait, à sa manière Marthe Robin, quand elle invitait à tout vivre par amour. Dans cette perspective, le sabbat est sans doute le jour où il fallait encore plus vivre dans l’amour. Or pour Jésus, l’amour se vit d’abord en actes, c’est ce qu’il a manifesté à la piscine de Bethesda, en donnant finalement tout son sens au sabbat. Il ne convient donc pas de s’offusquer devant Jésus qui travaille le jour du sabbat, mais d’en rendre grâce car ce travail est le signe d’un amour surabondant.
Seulement voilà, même si cet argument est très beau, il ne peut pas être reçu par ceux qui sont entrés dans la contestation car Jésus, en développant son argumentation, ose appeler Dieu, son Père et parler d’une relation unique avec lui. Nous avons entendu ce que ses contradicteurs en pensaient : « non seulement il ne respecte pas le sabbat, mais encore il dit que Dieu est son propre Père, et il se fait ainsi l’égal de Dieu. » C’est à partir de cette contestation que s’ouvre, dans le discours de Jésus, un nouveau développement sur la relation Père/Fils.
Ce développement commence par 2 versets qui ressemblent à une petite parabole : « Amen, amen, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait. » Puisque Jésus a évoqué ses relations avec son Père et puisqu’il a justifié son travail le jour du sabbat en disant qu’il est comme le Père, toujours au travail, il tient à préciser la relation qu’il entretient avec le Père. Car, en l’entendant dire qu’il fait comme le Père, qu’il est toujours au travail, on pourrait imaginer que ce Père est un tyran qui ne laisse pas une minute à son Fils ! Jésus insiste pour dire qu’il a tout appris auprès de son Père, mais son Père n’a jamais eu une éducation « à la schlague » en corrigeant le Fils s’il ne répondait pas à ses attentes. D’abord le fils a toujours répondu aux attentes du Père, mais Jésus tient quand même à préciser que c’est dans la contemplation du Père qu’il a tout appris. J’espère que nous avons déjà tous rencontrés des gens passionnés qui parlent de ce qu’ils font avec passion et qu’on voit travailler minutieusement avec une passion qui explique leur sens du détail, leur patience, leur goût du travail bien fait. A leur contact, on a immédiatement envie de les imiter. C’est ainsi que Jésus a appris l’amour ! C’est ce qui lui permettra de dire : qui me voit, voit le Père. Jn 14,9. S’il nous arrive de nous demander : mais comment Dieu réagirait-il dans cette situation, eh bien ce n’est pas très compliqué à savoir !
Regardons ce qu’a dit, ce qu’a fait Jésus dans une situation semblable et nous saurons comment Dieu réagirait puisqu’en regardant Jésus qui agit, nous voyons le Père, en écoutant Jésus, nous entendons le Père. Tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, il l’a appris de son Père, dans la contemplation d’amour du Père. C’est donc ainsi que, nous aussi, nous pourrons le plus progresser dans l’amour et un amour concret qui s’entende et qui se voit, c’est en contemplant le Père, c’est en demandant à l’Esprit-Saint de nous introduire dans ce dialogue d’amour qui unit le Père et le Fils.
Dans la suite du discours, Jésus va développer ce qu’il a appris auprès du Père dans ce dialogue d’amour qui les unit. Il y a deux thèmes qui s’entrecroisent : la vie et le jugement. Demain, il y aura d’autres éléments, mais je les laisse au prédicateur de demain ! Le Père est celui qui fait vivre et le Père ne juge personne, il a remis au Fils ce pouvoir de juger. Je cite le texte : Comme le Père, en effet, relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il veut. Car le Père ne juge personne : il a donné au Fils tout pouvoir pour juger.
Je m’arrête un instant sur le 1° élément : le Père fait vivre, oui, Dieu est le Dieu de la vie. C’est pour cela que Jésus a guéri cet homme infirme, il a appris auprès de son Père à donner la vie. Un peu plus loin, dans ce même Evangile de Jean, il résumera d’ailleurs le sens de sa mission par cette parole que nous connaissons bien : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » Jn 10,10. Dieu ne veut pas la souffrance pour nous, Dieu ne veut pas que nous menions une vie ratatinée. Je ne me lasserai jamais de citer cette parole de Marthe qui remet, de ce point de vue, les pendules à l’heure : « La douleur et la souffrance ne vient pas du ciel, mais le secours en vient, le bonheur en est. » C’est en accueillant la vie, c’est en cultivant la vie que nous honorons le Père, c’est en choisissant la vie, même au cœur des pires épreuves, c’est en voulant rester des vivants jusqu’à notre mort que nous honorons le Père.
Le 2° élément que Jésus développe c’est que le Père ne juge pas. Précisément parce qu’il est le Dieu de la Vie, le Père n’enferme personne ni dans son passé, ni même dans son présent. Tout reste toujours ouvert, possible pour lui. Alors vous pourriez m’objecter qu’il est quand même dit que c’est au Fils qu’il a remis le pouvoir de juger. C’est vrai ! Mais que craindre de celui qui a tout appris auprès du Père ? Que craindre de Celui dont nous avons entendu les paroles à la fin de ce texte : « je ne peux rien faire de moi-même ; je rends mon jugement d’après ce que j’entends, et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. » Et nous le savons parce que Jésus l’a précisé juste avant : la volonté de mon Père, la volonté d’amour de mon Père, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. Jn 6,39
Ce merveilleux discours, c’est à ceux que j’ai appelés les douaniers que Jésus l’adresse. C’est-à-dire qu’il ne ferraille pas avec eux, il ne les enferme pas dans les limites si étroites de leur raisonnement, parce qu’eux aussi il les aime et parce que, eux aussi, il est venu pour les sauver. Jésus essaie donc de les entrainer dans cette contemplation de l’amour qui, seule, pourra les faire sortir de ces tombeaux qu’ils ne cessent de se creuser par leurs jugements de douaniers à l’emporte-pièce. Finalement pour eux et pour tous ceux qui se complaisent dans des pensées étriquées, le meilleur argument reste celui d’Isaïe entendu dans la 1° lecture : Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas. Que l’amour que nous partageons avec ceux qui nous entourent de près ou de loin manifeste que nous sommes les fils de ce Père qui ne peut oublier aucun de ceux qu’il a créés par amour.
Jésus doit se dire: ceux sont eux les imbéciles puisqu’ils sont douaniers !
Quelle culture, Richard ! Fernand Raynaud doit en être heureux !
et la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié !!!
cette phrase ne vient pas en réalité de Edouard Herriot, mais de l’essayiste suédoise Ellen KEY !
Ndlr