9 juillet : samedi 14° semaine Ordinaire. Est-ce que le Père veut que les moineaux tombent ?

Après la lecture du livre d’Osée, nous commençons la lecture du livre d’Isaïe du moins d’une partie du livre d’Isaïe. Nous ne commençons pas la lecture par le 1° chapitre, mais nous la commençons fort justement par le chapitre 6 qui nous raconte la vocation d’Isaïe, comment Isaïe a entendu son appel. Et on peut dire que ce texte tombe à pic pour cette Eucharistie qui vient clôturer nos deux retraites.

En effet, j’espère que d’une manière ou d’une autre, il vous a été donné de faire l’expérience qu’Isaïe a pu faire dans le Temple de Jérusalem. Avoir fait l’expérience d’Isaïe ne suppose pas d’avoir, comme lui, eu une vision à la chapelle vous montrant des séraphins avec six ailes, les pivots des portes de la chapelle se mettre à trembler, la chapelle se remplir de fumée. Non, l’expérience d’Isaïe, elle peut se résumer ainsi : Isaïe a expérimenté la grandeur, la sainteté de Dieu. Oui, vraiment, j’espère qu’au cours de cette semaine, à un moment ou à un autre, chacun de nous, nous avons pu expérimenter cette grandeur de l’amour de Dieu. Si ce n’est pas fait, il faut le demander sérieusement au Seigneur en lui disant : tu as jusqu’à 14h pour me donner de faire cette expérience. 

Je peux vous dire que la dernière retraite que j’ai prêchée au Foyer de La Flatière, il y a à peu près un mois, c’est ce qui s’est passé pour une retraitante. Là-bas, les retraites finissent le dimanche matin après la messe matinale. Une retraitante que je connais bien était venue me voir le samedi soir pour me dire qu’elle avait bien aimé cette retraite mais qu’il ne s’était rien passé de particulier pour elle et qu’elle le regrettait un peu. Je lui ai dit de ne pas désespérer, le Seigneur travaillait et donnait jusqu’au bout. Quelques jours après son retour, elle m’a envoyé un message pour me dire : je me plaignais de n’avoir rien reçu de vraiment exceptionnel, eh bien, c’est arrivé après la communion à la messe. Tu m’as donné la communion en posant un tel regard sur moi que tout le long du voyage retour, j’ai pleuré de joie, pleuré d’être habitée d’un amour tellement débordant. Evidemment, moi, je ne me rappelle pas du tout du regard que j’ai posé sur elle ! 

Je précise que, peut-être, il n’y a rien eu de sensible pour certains et qu’il n’y aura rien d’aussi sensible que ce qu’a vécu cette femme. Mais ça ne veut pas dire que l’expérience de l’amour de Dieu n’a pas été faite. Vous vous en rendrez compte dans quelques jours ou ce sont les autres qui s’en rendront compte en découvrant que vous êtes plus paisibles, plus accueillants, plus généreux, plus habités. Donc, tous d’une manière ou d’une autre, nous avons pu faire cette expérience d’Isaïe d’être visité par un amour débordant et nous en avions tous bien besoin !

Rappelez-vous, nous avons commencé cette retraite, le 1° soir avec la Samaritaine. Cette femme était complètement à sec, elle était tellement désireuse d’aimer et d’être aimée mais elle était épuisée et elle avait épuisé tous les maris vers qui elle s’était tournée pour étancher sa soif d’amour. Et voilà qu’elle croise Jésus, Jésus qui lui fait cette promesse étonnante : si tu accueilles mon amour, tu deviendras une source jaillissante à laquelle tous pourront se désaltérer. Quelle promesse pour une femme qui était à sec ! Devenir une source jaillissante, une oasis ambulante d’amour ! On sent bien que, sous des modalités radicalement différentes, l’expérience de la Samaritaine, c’est la même que celle qu’a pu faire Isaïe dans le Temple, c’est la même que, nous aussi, nous avons pu faire, au cours de cette retraite. Peu importe les modalités, peu importe le côté sensible qui a été présent ou qui ne l’a pas été, l’essentiel, c’est de croire que nous avons été visités par un amour débordant.

Eh bien, ayant fait cette expérience, il nous faut maintenant entendre l’appel qu’Isaïe a entendu : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » Visités par l’amour, nous devenons, à notre tour, des oasis ambulantes. A juste titre, il nous arrive de nous inquiéter pour l’avenir quand nous voyons la violence dans notre monde, dans notre société. Nous pouvons nous inquiéter quand nous voyons les méfaits des inégalités et les conséquences dramatiques de l’attitude des riches qui consommant toujours plus épuisent les ressources de la planète et qui, refusant de partager, plongent les plus pauvres dans une détresse toujours plus grande. 

Face à ce constat, le Seigneur ne nous appelle pas à vivre dans des camps retranchés, des réserves que nous constituerions en nous regroupant entre gens bien-pensants. Si vous regroupez toutes oasis d’amour en un même lieu, vous n’aurez rien gagné puisque vous allez provoquer des inondations ! Non, le Seigneur nous appelle et nous envoie : puisque tu es devenue oasis ambulante d’amour, rejoins tous les assoiffés d’amour. Acceptons d’entendre ce cri angoissé du Seigneur : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? Et répondons avec la même générosité qu’Isaïe : « Me voici : envoie-moi ! » Et surtout n’ayons pas peur de nous retrouver à sec en distribuant généreusement l’amour que nous avons reçu. Selon la promesse de Jésus à la Samaritaine, nous sommes devenus des oasis ambulantes, des sources jaillissantes, des fontaines jaillissantes, nous ne nous tarirons pas tant que nous resterons branchés sur Jésus qui nous gardera en communion avec le Père source de tout Amour et qui nous donnera le St Esprit, lui qui assurera la fluidité de la circulation de l’amour reçu et toujours à donner. Voilà pour la première Lecture !

Venons-en à l’Evangile qui lui aussi tombe à pic ! Quand nous quittons une retraite nous sommes habités de sentiments contradictoires : à la fois nous sommes contents de quitter le silence, de retrouver notre chez nous et en même temps, nous avons peur que le train-train de la vie nous regagne et nous submerge. Nous avons peur de ne pas être à la hauteur pour témoigner de tout ce que nous avons reçu et cette peur est encore amplifiée par ce que Jésus nous dit dans l’Evangile. Nous continuons la lecture commencée hier et Jésus nous laisse à nouveau entrevoir des perspectives difficiles pour la mission. Alors, dans ces conditions, comment ne pas avoir un peu peur ? Eh bien, il y avait, au milieu du texte, une petite phrase qui peut nous aider à tenir dans l’espérance quelles que soient les difficultés de la vie auxquelles nous serons confrontés. Cette parole a pu nous sembler un peu énigmatique quand nous l’avons entendue : Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre, sans que votre Père le veuille. 

Pour comprendre en quoi cette parole peut être d’un grand réconfort, il faut vite que je la retraduise correctement. Je ne suis pas un spécialiste du grec, loin de là, mais je sais lire et comprendre, surtout avec l’aide d’un dictionnaire et d’une grammaire ! Eh bien dans le texte grec, ce n’est pas écrit comme cela. Dans le texte grec, il n’y a pas de verbe ! C’est écrit : aucun moineau ne tombe sans votre Père ! Il n’est pas dit que c’est le Père du ciel qui décide de faire tomber les moineaux, il est dit que ces moineaux ne tombent pas sans le Père du ciel. Voilà comment je comprends cette tournure bizarre : C’est comme s’il nous était dit que Dieu accompagnait les moineaux quand ils tombent. Et c’est alors que Jésus rajoute : « Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. » Si le Père du ciel prend un tel soin de vulgaires moineaux en les accompagnant quand ils tombent, à combien plus forte raison, le Père du ciel accompagnera-t-il ses enfants bien-aimés quand ils tombent !

Je me permets d’insister pour que ça soit bien clair : si Dieu accompagne la chute des moineaux pour qu’ils ne se fracassent pas, nous qui valons tellement plus que les moineaux, nous n’avons pas d’inquiétude à avoir ! A chaque fois que nous tomberons à cause des difficultés de la vie, à cause de notre péché, le Père du ciel nous accompagnera, jamais il ne nous abandonnera, tout ce que nous aurons à vivre, il le vivra avec nous. Nous pouvons donc être rassurés : nous ne tomberons jamais trop bas, pour que les bras du Père ne puissent plus nous recueillir et prendre soin de nous. 

Dieu nous aime tellement qu’il connait même le nombre de nos cheveux et ce n’est pas rien, j’ai eu la curiosité d’aller voir sur internet, nous en avons entre 90.000 et 150.000 ! Alors vous imaginez bien qu’après avoir pris le temps de compter les cheveux de chacun de ses enfants bien-aimés, il ne risque pas de les laisser tomber comme de vieilles chaussettes ! Tout ce que nous aurons à vivre, il le vivra avec nous ; pas un seul instant, il ne nous laissera traverser seuls les épreuves que nous aurons à traverser. Réalisant cela, quand nous l’entendons dire : « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » nous pouvons répondre dans la confiance : « Me voici, j’accepte d’être cette oasis d’amour ambulante et d’aller là où tu m’envoies, là où certains de mes frères et sœurs en humanité risquent de mourir de soif à force de ne pas être aimés. J’accepte sans peur puisque j’ai compris que tu seras toujours avec moi !

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