4° dimanche Avent : Joseph le juste

Oui, bien sûr, il est beau cet évangile, elle est belle cette figure de Joseph qui vient éclairer la dernière étape de notre préparation à Noël, mais si vous avez écouté attentivement l’Evangile, il y a quand même une association de mots qui nous semble difficile à avaler, comme ça, sans poser de questions. 

Et vous savez, poser des questions, ce n’est jamais manquer de respect, c’est, au contraire, glorifier Dieu qui nous a donné une intelligence précisément pour que nous devenions des chrétiens chercheurs. Pas avec une intelligence arrogante et rebelle comme certains orgueilleux le font, non, une intelligence qui cherche à comprendre parce que nous savons qu’au bout de notre travail de réflexion, le mystère à contempler deviendra encore plus beau.

Alors qu’elle est-elle cette association de mots difficile à avaler ? Il est dit :   « Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement, il décida donc de la renvoyer en secret. » Le texte fait référence à cette coutume barbare qui, hélas, continue d’être appliquée aujourd’hui encore, en certains parties du monde et qui consistait à lapider, sur la place publique, une femme qui a commis l’adultère. Marie se retrouve enceinte, alors qu’elle n’est encore pas mariée à Joseph … et Joseph n’est pas responsable de cette grossesse, donc, pour la loi, Marie doit être lapidée. Mais le texte dit que Joseph, puisqu’il est un homme juste, va la répudier en secret pour qu’elle ne subisse pas ce terrible châtiment, publiquement, sur la place de Nazareth. Oui, mais ça ne règle pas le problème de Marie parce que, partout où elle ira, avec son ventre qui s’arrondi et sans un mari à ses côtés, elle risque d’être lapidée. Alors, si Joseph avait été vraiment juste, comme le dit l’Evangile, s’il aimait véritablement Marie, il n’aurait pas dû la répudier, même en secret, il aurait dû endosser la responsabilité de la paternité pour sauver Marie et l’enfant. Comment donc comprendre, de manière juste, cette phrase de l’Evangile ?

Je me suis longtemps posé cette question jusqu’à ce que j’entende ce que le père Caffarel, le fondateur du mouvement des Equipes Notre Dame, un très beau mouvement de spiritualité conjugale, avait dit sur le sujet. Le père Caffarel qui a œuvré toute sa vie pour que les couples vivent un amour conjugal de grande qualité, n’arrivait pas à accepter le fait que Joseph ait pu avoir l’idée de renvoyer Marie. Alors, il a dû chercher à comprendre, il a dû prier le Saint Esprut pour qu’il soit éclairé et comprenne enfin … et, vous allez le voir, ça a bien marché !

            Joseph, précisément parce qu’il était un homme juste, c’est-à-dire ajusté à Dieu, familier de Dieu, a tout de suite compris que Marie ne l’avait pas trompé. Pas un seul instant, il n’a pu imaginer ce scénario, il avait trop confiance en Marie, cette fiancée qu’il avait perçue exceptionnelle et, puisqu’il était juste, il avait aussi une confiance absolue en Dieu qui ne l’avait jamais déçu. Alors, qu’est-ce que Joseph avait compris pour qu’il prenne la décision de renvoyer Marie ?  

Eh bien, Joseph a tout de suite compris qu’il se passait quelque chose entre Dieu et Marie. Joseph a compris que Dieu avait choisi Marie pour une mission hors du commun. 

Du coup, Joseph a pensé qu’il n’avait pas de place dans cette histoire et il a donc décidé de se retirer parce qu’il ne voulait pas être une entrave dans ce que Dieu avait décidé pour Marie. En décidant de renvoyer Marie, Joseph décide, en fait, de redonner à Marie sa liberté, de la délier de la promesse de mariage. Il se retire, sûrement la mort dans l’âme, parce qu’il ne veut pas devenir, par sa présence, un obstacle à l’accomplissement du projet de Dieu. C’est en cela que sa décision de renvoyer Marie peut être considérée comme une conséquence du fait qu’il soit juste. Je la trouve très belle cette interprétation du père Caffarel.

Mais, me direz-vous, ça ne règle pas tout car, en étant renvoyée, Marie risque encore d’être lapidée. Si Joseph l’a renvoyée, c’est parce qu’il avait une confiance absolue en Dieu, en la puissance d’amour de Dieu. Puisque Dieu avait choisi Marie, il allait bien se débrouiller pour veiller sur elle. L’histoire ne pouvait pas se terminer avant d’avoir commencé. Joseph était juste, ajusté à Dieu, donc il fait confiance, il accepte de renoncer à ses projets pour laisser le champ libre à Dieu. Vraiment, rien qu’avec ça, il mérite vraiment le titre de Juste !

Mais Dieu a aussi un projet pour Joseph et c’est pour cela que, lorsqu’il avait conçu ce projet, l’Evangile nous dit qu’un ange lui est apparu. Et l’ange va lui expliquer qu’il a toute sa place dans cette histoire. Evidemment, ça ne sera pas la place de prince charmant, pas la place de futur papa d’une famille nombreuse, tous ces rêves qu’il avait dû faire en demandant Marie en mariage ! Mais Dieu a voulu qu’il y ait une place pour lui et une vraie place, pas un strapontin ! 

C’est ce que le pape François a voulu montrer en demandant que dans toutes les prières eucharistiques, on mentionne le nom de St Joseph. Jusque-là, son nom n’était mentionné que dans la prière Eucharistique n°1. En demandant que, systématiquement, on fasse mention de St Joseph dans la prière eucharistique, le pape a voulu qu’au moment où l’on faisait mémoire de l’histoire du Salut, car c’est bien ça l’Eucharistie, le nom de Joseph soit mentionné précisément pour rappeler qu’il a tenu la place que Dieu lui avait faite. 

Encore une fois, cette place que Dieu lui avait préparée, n’était pas la place dont il avait rêvé, mais, parce qu’il était juste, il a accepté de se laisser ajuster pour, peu à peu, consentir à ce que Dieu lui demandait. Ce qui signifie que Joseph ne s’est pas résigné, puisque rien ne se passait comme il l’avait pensé, il réunit son énergie pour, comme on le dit, faire contre mauvaise fortune, bon cœur ! Non, il a accepté de renoncer à ses projets pour se laisser ajuster au projet de Dieu. Voilà ce qu’est une personne juste dans la Bible. Ce n’est pas celui qui est parfait, qui ne ferait que des choses justes, c’est celui qui se laisse ajuster à Dieu. 

L’Evangile ne mentionne pas les états d’âme de Joseph à ce moment car l’Evangile ne s’arrête jamais sur les états d’âme des personnes. Mais rien ne nous interdit d’imaginer, c’est d’ailleurs ce que St Ignace propose de faire avec sa méthode de méditation des Ecritures. 

Eh bien, moi, j’imagine volontiers qu’il y a eu un combat dans le cœur de Joseph parce que, lui, contrairement à Marie, il n’a pas été préservé du péché. Il était tout à fait comme nous, il n’y a donc pas de raison pour qu’il ne réagisse pas comme nous ! Mais la différence avec nous, c’est que, au terme du combat, il a accepté de consentir à la volonté de Dieu. Je dis bien consentir, il ne s’est pas écrasé. De ce point de vue, l’attitude chrétienne qu’on désigne par ce verbe « consentir » est aux antipodes de cette attitude d’écrasement servile prôné dans l’Islam. Consentir, ce n’est pas s’écraser, c’est au contraire hisser le niveau de notre propre volonté au niveau de la volonté de Dieu. Ça ne se fait jamais sans combat, car il faudra renoncer à certains projets. Et, nos projet, nous devons le reconnaître, sont quand même souvent marqués par ce foutu péché qui nous fait si souvent réagir à ce que Dieu nous demande par ce cri que, désormais vous connaissez bien : Non ! Moi, d’abord !

C’est en cela que Joseph peut devenir un modèle pour nous aujourd’hui. Nous pouvons demander, par son intercession, que cette grâce nous soit donnée de nous laisser ajuster au projet de Dieu. Evidemment, quand nous entendons tout cela, nous ne pouvons pas ne pas penser à Marthe et son acte d’offrande qui a été sa manière de consentir et ainsi de marcher sur les traces de Joseph qu’elle aimait tant. Mais pour Marthe, consentir a été aussi un combat. Ecoutons-la, je suis obligé de racourcir ce beau texte : Après des années d’angoisses, de déchirements profonds ; après bien des épreuves physiques et morales, j’ai osé, j’ai choisi le Christ Jésus pour Maître. Bon, ça on connait, mais ce qui est intéressant, c’est la conclusion du texte : Puis, sans presque y avoir pensé, j’ai appris et me suis sentie tout à coup fille et protégée de saint Joseph.

A nous tous qui sommes souvent dans le combat pour consentir de grand cœur, aujourd’hui St Joseph et sa toute petite fille Marthe nous tendent la main pour nous entrainer à leur suite.

Cet article a 2 commentaires

  1. DAMIEN Carole

    Bonjour Père Hébert, j’ai pris connaissance de vos homélies grâce à des voisins, elles sont + magnifiques les unes que les autres, vraies, simples très explicites, accessibles à un grand nombre d’entre nous et qui m’éclairent sur ma vie.
    Au nom de personnes qui parlent familièrement, je dirais  » C’est de la bombe ?  » avec un style unique, le vôtre, exprimé avec élégance, délicatesse, raffinerie, respect, humour… Finalement tout ce qui vous représente.
    Conservez toujours votre jeunesse et votre âme d’enfant ???‍♂️????‍??️‍♂️? Carole qui prie pour vous.

    1. Père Roger Hébert

      Merci beaucoup chère Carole pour vos encouragements ! Bonne fin d’année !

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