Nous fêtons aujourd’hui St Marc que nous connaissons par l’évangile qu’il a écrit. Mais bien évidemment, dans un Evangile l’évangéliste ne parle pas de lui mais de Jésus. C’est bien clair, les évangélistes n’ont pas écrit pour parler d’eux, pour vanter leurs mérites, en plus, comme Luc, Marc ne faisait pas partie des 12, ce n’est donc pas en lisant leurs évangiles qu’on apprendra quelque chose sur eux ! Toutefois, dans l’Evangile de Marc, il y a quand même un tout petit détail qui nous parle de lui. Bien des exégètes pensent que Marc pourrait être ce mystérieux jeune homme qui, à Gethsémani, s’enfuie tout nu car les gardes, en voulant, l’attraper, ont tiré sur le drap qui le couvrait. C’est donc en lisant les Actes des Apôtres et aussi quelques versets de certaines lettres de Paul, que nous pourrons glaner des renseignements sur Marc. Dans le livre des Actes, il est souvent appelé Jean surnommé Marc ou même Jean-Marc. Aujourd’hui, pour changer, plutôt que de commenter les textes, je vous propose de regarder comment Marc a été disciple-missionnaire et donc comment il peut nous aider à devenir des disciples-missionnaires plus crédibles.
L’épisode que j’ai évoqué montrait donc que Marc était proche du groupe des 12 puisqu’il était présent à Gethsémani avec Jésus et les 12. Mais nous ne savons pas précisément depuis combien de temps il était proche du groupe ni quel était son degré de proximité. La tradition orthodoxe le présente comme l’un des serviteurs du mariage de Cana, mais, rien dans les Ecritures, ne vient le confirmer. Cette proximité de Marc avec les apôtres, elle va se vérifier dans un passage du livre des Actes au chapitre 12 que la lecture quasi-continue que nous faisons du livre des Actes ne nous a, hélas, pas fait lire ! Quand Pierre est libéré miraculeusement de sa prison et qu’il doit, au petit matin, trouver très vite un lieu sûr, où est-ce qu’il va aller ? Dans la famille de Marc ! C’est dire que les liens qu’ils entretenaient étaient importants. Les orthodoxes expliquent habituellement que ces liens peuvent s’expliquer par le fait que Pierre était marié à une parente de Marc, mais là encore, il n’y a rien dans les Ecritures pour l’affirmer.
Marc, on va le retrouver tout de suite après, mais avec Paul puisqu’il est choisi comme compagnon de Paul et Barnabé pour le 1° voyage missionnaire, c’était le texte d’hier. Cette tournée missionnaire ne durera pas très longtemps pour Marc ! On ne sait pas très bien ce qui s’est passé, mais, très vite (Ac 13,13), il va abandonner la partie et rentrer à Jérusalem. Il faut dire que vivre avec Paul, ça ne devait pas être simple tous les jours, d’une part, Paul avait un tempérament assez affirmé et, d’autre part, il n’y avait jamais moyen de se poser quelque part ! Dès qu’un embryon de communauté naissait, il fallait aller plus loin ! Marc a dû en avoir sa claque !
Sûrement, rentrant à Jérusalem, Marc est allé retrouver Pierre et là, on voit là une belle qualité de Marc qui passe de Pierre à Paul, de Paul à Pierre alors qu’ils sont si différents l’un de l’autre ; c’est dire que Marc était très adaptable. Mais voilà, assez vite, la mission va lui manquer … alors il demande à être réintégré dans l’équipe missionnaire de Paul et Barnabé. Mais Paul, ce sacré Paul, ne veut pas en entendre parler ! (Ac 15, 35-46) Pour lui, c’est clair, puisque Marc a abandonné, il n’est pas question de le reprendre ! Du coup, ça va occasionner une brouille entre Paul et Barnabé, car Barnabé, beaucoup plus conciliant que Paul, voulait redonner une chance à Marc. Paul s’entête, il ne reprendra pas Marc.
Mais, comme on dit, à toute chose malheur est bon puisque, désormais, il n’y aura plus une seule équipe d’évangélisateurs, mais 2 équipes : Barnabé partira avec Marc et Paul avec Silas et ainsi l’évangélisation ira deux fois plus vite. Oui, mais l’évangélisation a pu avancer 2 fois plus vite car les deux équipes n’ont pas passé leur temps à jouer l’une contre l’autres en cherchant à se neutraliser mutuellement. Rassurez-vous, dans cette histoire, tout se finira bien, ils vont tous se réconcilier, nous en avons la preuve dans la finale de la lettre aux Colossiens. Commentant cet épisode, Benoit XVI dira : « Les saints ne sont pas des personnes qui n’ont jamais commis d’erreurs ou de péchés, mais des personnes qui se repentissent et se réconcilient. » Cette citation de Benoit XVI est bien consolante, elle nous invite, à la fois, à accepter de reconnaître que la vie entre nous n’est pas toujours rose, mais à ne jamais en prendre notre parti.
Seulement voilà, après la réconciliation, Paul va être arrêté et conduit à Rome pour y être jugé. La collaboration s’arrête donc mais, là, elle s’arrête de manière forcée ! Marc choisira donc de se mettre désormais au service de Pierre et c’est là que, selon le témoignage de Papias évêque de Hiéropolis, il était l’interprète de Pierre. Dans sa 1° lettre, Pierre parlera de lui comme son « fils » (1P5,13) Toutefois, à Rome, il gardera des contacts avec Paul qui bénéficiait d’un emprisonnement « assez ouvert » aujourd’hui, on dirait qu’il est assigné à résidence. Concernant la fin de vie de Marc, nous n’avons pas de certitude. Le grand historien de l’époque Eusèbe de Césarée le signale comme fondant l’Eglise d’Alexandie et devenant évêque de cette Eglise.
Je ne vous ai pas raconté tout ça juste pour le plaisir de vous faire un cours d’histoire ! L’objectif est bien de bénéficier de son expérience pour que nous puissions, à notre tour, devenir des disciples-missionnaires plus crédibles. C’est pourquoi je voudrais souligner rapidement 2 points que nous pouvons garder comme des repères qui émergent de cette histoire.
1/ Marc devait avoir de belles qualités pour avoir été l’homme de confiance des deux colonnes de l’Eglise que furent Pierre et Paul. Et quand ça n’allait plus avec l’un, l’autre l’accueillait volontiers, trop content de pouvoir bénéficier de ses services. Toutefois, il restera un homme de l’ombre, un serviteur, un collaborateur. Il n’a jamais cherché à revendiquer tel ou tel poste en faisant valoir ses états de service. Il n’a jamais dit : après avoir servi ces deux géants, après avoir été dans leur ombre, je mérite une place au soleil pour que, moi-même, je puisse briller ! Dans les Actes, nous en trouverons plusieurs de ces belles figures de collaborateurs qui n’ont jamais rien revendiqué pour eux, mais qui trouvaient toute leur joie dans le service humble qui leur était confié, n’étant jamais préoccupé de leur propre avancement mais de l’avancée de l’Evangile dans les cœurs, manifestement, ils avaient intégré l’Evangile du lavement des pieds. J’ai parlé aux retraitants de ce très beau livre de l’évêque de Grenoble invitant les prêtres à exercer leur ministère à l’école du lavement des pieds. Marc l’avait intégré, qu’il intercède pour nous afin que nous trouvions, nous aussi notre joie dans le service qui nous est confié, quel que soit ce service.
2/ Je l’ai dit, au fil des circonstances, Marc est passé de Pierre à Paul puis de Paul à Pierre. Assurément, il n’était pas une girouette, mais il restait fidèle à ce que l’Esprit-Saint lui demandait en fonction des circonstances. Quand la porte de la collaboration avec Paul se fermait, Marc ne boudait pas dans son coin, une porte s’était fermée, eh bien, il cherchait la porte qui pourrait s’ouvrir pour continuer à servir. Aucun entêtement chez lui et surtout aucun esprit de division. Quand il rejoignait Pierre après avoir dû quitter Paul, il n’allait pas en profiter pour dire du mal de Paul ! C’est une véritable plaie dans l’Eglise que le pape François ne cesse de dénoncer et qu’il aime désigner sous le nom de commérage. Je le cite : « Nous sommes des spécialistes lorsqu’il s’agit de critiquer les autres. Les commérages ont le pouvoir de détruire comme une bombe atomique. Avec la langue, commencent toutes les guerres à la maison, au travail ou encore dans les paroisses. » En grec, ce mot est très suggestif et vous le connaissez, c’est le mot Zizanon qui a donné zizanie. Jésus a raconté une parabole là-dessus, c’est la parabole du bon grain et de l’ivraie car avant de désigner ce défaut du commérage, zizanon désigne une mauvaise herbe envahissante. Et Jésus a précisé que c’était le diable qui semait le zizanon … ce qui signifie que, à chaque fois, que nous semons, nous aussi le zizanon, nous mettons notre langue au service du diable au lieu de la mettre au service de l’évangélisation. Que St Marc intercède pour nous afin que, comme lui, nous sachions construire des ponts qui réunissent et non des murs qui séparent.
Amen!