Voilà l’homélie de ce dimanche qui vous parvient en ces heures difficiles que nous vivons, que le monde est en train de vivre.J’espère que votre situation de confinement n’est pas trop compliquée à vivre. Pensons aux personnes seules, un coup de fil est tellement bienfaisant ! Prenons soin de ceux qui prennent soin de nous. Une pandémie de générosité pourrait adoucir la pandémie du coronavirus. Soyons convaincus que si nous ne maitrisons pas ou mal la pandémie du coronavirus, la pandémie de générosité ne dépend que de nous … que le Saint-Esprit vienne élargir nos coeurs !Je vous porte dans ma prièreP. Roger
Comme je le répète chaque dimanche, vous commencez à savoir que les évangiles de carême, particulièrement ceux de l’année A qui est l’année liturgique dans laquelle nous nous trouvons, ont été choisis pour parfaire la formation des catéchumènes. Il nous faut donc chercher, dans chaque évangile de carême, le cœur du message chrétien, le cœur de l’expérience chrétienne que l’Eglise veut transmettre aux catéchumènes pour qu’ils puissent mener, après leur baptême, une vie authentiquement chrétienne. Et nous qui ne sommes pas catéchumènes, nous en profitons pour faire, chaque semaine, une mise à jour de nos logiciels de vie chrétienne !
Je vous propose un rapide retour en arrière. La 1° semaine avec l’évangile des Tentations, il nous était dit qu’il ne peut pas y avoir de vie authentiquement chrétienne sans combat. La 2° semaine avec l’évangile de la Transfiguration, il nous était dit que la vie chrétienne ne consiste pas à imiter Jésus qui serait un grand personnage du passé, mais à l’écouter puisqu’il est vivant et me parle aujourd’hui. La semaine dernière, 3° dimanche, avec l’évangile de la samaritaine, il nous était rappelé que le christianisme était une religion de la rencontre, Dieu veut nous rencontrer et il est prêt à mouiller la chemise pour cela et il veut que nous passions de la spiritualité de la cruche à la spiritualité de la source pour que nous devenions des oasis ambulantes !
Ce dimanche, même si vous n’avez pas eu à préparer d’homélie, vous avez déjà compris que cet évangile est une invitation à nous laisser guérir de nos aveuglements. Aux catéchumènes et donc à chacun de nous, c’est un appel qui est lancé : acceptez de vous laisser guérir de vos aveuglements pour devenir clairvoyants. Et comme, l’homme aveugle de l’Evangile va être guéri en allant se laver, nous comprenons bien que ça va être l’une des œuvres majeures du Baptême que de nous rendre la vue. Et ce qui est intéressant, c’est de voir comment Jésus va guérir cet homme : il lui met de la boue sur les yeux, une boue que Jésus fabrique en mélangeant sa salive et de la terre. Manifestement, c’est un rappel de la création, Jésus veut comme le faire revenir « aux origines », ce temps béni où l’homme était clairvoyant.
Procédant ainsi, c’est un peu comme si Jésus signifiait à cet homme que c’est la vie qui rend aveugle ou plutôt, c’est une mauvaise manière de vivre qui fait perdre la clairvoyance. Nous découvrons ainsi que la principale conséquence du péché, c’est de nous rendre aveugles. Ce sont les yeux de notre cœur qui, péché après péché, perdent de l’acuité jusqu’à nous installer dans des ténèbres de plus en plus épaisses. Evidemment, ce que je suis en train de dire là, ce n’est pas de la littérature pieuse, chacun de nous en fait la triste expérience. Quand nous nous laissons dominer par le péché, nous ne voyons plus clair pour faire les bons choix ; nous ne voyons plus, autour de nous, ceux qui ont besoin de nous ; nous finissons repliés sur nous-mêmes, la satisfaction de nos désirs ou de nos pulsions capricieuses devient la mesure de toute chose. Bref, nous sommes enfermés dans un cœur bien noir qui finit par nous donner des idées noires et nous fait porter des regards tordus sur les personnes, sur les événements et même sur Dieu.
Alors, pour les catéchumènes, il y a donc, dans cet Evangile, une belle promesse : le Baptême va les conduire spirituellement à la piscine de Siloé et, recevant le Baptême, ils seront lavés du péché et de tout aveuglement. La Baptême va opérer en eux ce qu’il avait, plus tard, opéré en St Paul dont il nous est dit que, par le geste d’imposition des mains d’Ananie et le Baptême donné, des écailles sont tombées de ses yeux.
Et nous qui sommes baptisés depuis un certain temps, ne désespérons surtout pas parce que nous avons accès à ce que l’Eglise a appelé, le « 2° baptême » qui est le sacrement de la réconciliation. Comme pour l’homme aveugle de l’Evangile, Jésus opère une re-création et nous sommes, nous aussi, spirituellement transportés à la piscine de Siloé.
On peut donc le dire : cet évangile tombe à pic en ces temps si particuliers que nous vivons. Parce qu’il dénonce un aveuglement général. Dans le texte tout le monde est aveugle ! Comme dans une pièce de théâtre, je les cite par ordre d’apparition ! Il y a d’abord les apôtres qui disent n’importe quoi en se demandant qui a péché dans son ascendance pour qu’il soit aveugle. En plus ils ne parlent jamais à l’homme, mais ils parlent de lui ! Les voisins qui bottent en touche pour ne pas être dérangés. Les pharisiens, eux, ils font très forts, pour ne pas reconnaître le miracle, ils accusent l’homme aveugle de ne jamais avoir été aveugle ! Et puis, il y a les parents, aveuglés par la peur qui disent aux pharisiens menaçants : il est assez grand, allez l’interroger ! Oui, c’est vraiment un aveuglement général qui nous est présenté.
Et si je dis que ce texte tombe à pic, c’est parce que, ce que nous vivons est en train de nous révéler un aveuglement général. Attention, je ne suis pas en train de dire que Dieu nous aurait envoyé ce fléau pour nous obliger à ouvrir les yeux. Dieu n’est jamais du côté de ceux qui font mourir, du côté de ceux qui font souffrir et pleurer, mais il est toujours aux côtés de ceux qui meurent, aux côtés de ceux qui souffrent et pleurent. Maos Dieu nous supplie : est-ce que vous allez enfin ouvrir les yeux ? Vous avez dépensé des milliards pour trafiquer l’être humain, pour apprendre à le fabriquer selon vos besoins et vous n’avez même pas de masques à offrir à ceux qui vous soignent dans les hôpitaux, dans les cabinets médicaux, à ceux qui vous servent dans les supermarchés, à ceux qui veillent sur votre sécurité. Quand est-ce que vous allez ouvrir les yeux ? Depuis des années les soignants nous alertent parce que les hôpitaux et plus largement tout le système de la santé ont été soumis aux impératifs de la rentabilité économique imposant au personnel des conditions de travail indignes et n’offrant plus la possibilité de renouveler le matériel. On se croit revenu au Moyen-âge : la bourse ou la vie ! Quand est-ce que vous allez ouvrir les yeux ? Les milliardaires du monde entier, c’est-à-dire seulement 2 153 personnes, possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60 % de la population mondiale et ils ferment les yeux sur toute la misère qui les environne. Quand est-ce que vous allez ouvrir les yeux ? J’arrête là parce qu’on pourrait encore continuer longtemps.
Encore une fois, Dieu n’est pour rien dans cette pandémie, et faisons bien attention à notre manière de répondre aux messages qui nous sont transmis. Faisons bien attention à notre manière de réagir sur les réseaux sociaux si nous y sommes présents. C’est indigne pour un chrétien de transformer Dieu en justicier. Je le redis : Dieu n’est jamais du côté de ceux qui font mourir, du côté de ceux qui font souffrir et pleurer, mais il est toujours aux côtés de ceux qui meurent, aux côtés de ceux qui souffrent et pleurent. Et c’est pour cela qu’il nous supplie : Quand est-ce que vous allez ouvrir les yeux ? Il ne veut pas que cette épreuve soit une épreuve pour rien. Aux côtés de tous les dirigeants qui, étant confrontés à une crise inédite, font ce qu’ils peuvent, aux côtés des soignants et de tous ceux qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour assurer nos approvisionnements, notre sécurité, nous qui avons la foi, nous avons aussi un rôle déterminant : nous devons prier pour que de ce mal puisse surgir un bien, pour qu’après ne soit plus comme avant !
En méditant le chemin de croix de vendredi et l’Évangile de ce dimanche, j’ai fait un parallèle :
Vendredi, Marie était debout au pied de la croix. Et aujourd’hui dimanche, de boue Jésus en fit avec de la terre et de sa salive pour venir nous guérir et nous relever de notre aveuglement et de nos péchés.
La croix précède la Résurrection.
Quelle espérance pour chaque homme malade, pauvre et pécheur que nous sommes !!!!!