4 juin : Dimanche de la sainte Trinité. C’est toujours mieux quand c’est Dieu, lui-même, qui parle de ce qui est difficile !

Parmi les personnes en vue, il y en a pas mal qui aiment parler et qui, donc, aiment se faire entendre. Dès qu’ils voient un micro, ils sont comme aimantés, le micro les attire comme la lumière attire les moustiques ! Ceux-là, au bout d’un moment, on finit par se lasser et ne plus les écouter d’autant plus qu’ils ont un avis surtout et comme disait Coluche, ils ont surtout un avis, car au niveau des actes, on ne voit pas grand-chose ! Et il en est d’autres dont la parole est rare, ils donnent rarement des interviews et, quand ils parlent, ce n’est jamais pour parler d’eux, pour se mettre en avant mais ils parlent de ce qu’ils font car ils jugent que c’est le plus important. Ceux-là sont évidemment bien plus écoutés et si d’aventure, au cours d’une interview, ils se mettent à parler d’eux, pour le coup, tout le monde va dresser l’oreille ! Notre Dieu fait partie de la 2° catégorie, il ne se répand pas en paroles et quand il parle, c’est toujours pour parler de ce qu’il fait pour les hommes. Enfin quand je dis toujours, ce n’est pas tout à fait vrai, il y a, au moins, une exception pour confirmer cette règle et cette exception, nous l’avons entendue dans la 1° lecture de l’Evangile de ce dimanche.

Alors, c’est vrai que ce n’est pas tout à fait clair, le texte comporte une ambigüité. Je relis une phrase : Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné. Il emportait les deux tables de pierre. Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer là, auprès de Moïse. Il proclama son nom … Qui est-ce qui proclame le nom ? Est-ce Moïse qui proclame le nom du Seigneur ou le Seigneur, lui-même, qui proclame son nom ? La tournure grammaticale ne permet pas de trancher. Après, la suite du texte ne laisse plus de doute, du moins dans la traduction liturgique parce qu’elle a fait un choix qui lui fait écrire : Le Seigneur passa devant Moïse et proclama : « LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Mais dans la Bible de Jérusalem, c’est beaucoup moins clair, écoutez : Le Seigneur passa devant lui et il cria : Le Seigneur, Le Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié́, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité. Vous avez entendu : Le Seigneur passa devant lui et il cria, mais qui est ce « il » Moïse ou Dieu ? La Bible de Chouraqui toujours très fidèle au texte hébreu laisse entendre la même ambigüité.

Toutefois, il y a un élément qui va quand même nous mettre la puce à l’oreille et qui confirme le choix de la traduction liturgique, c’est que le verset dans lequel le nom de Dieu est explicité est le verset qui est le plus cité dans les Ecritures. Si ce verset est le plus cité, c’est bien que les auteurs des différents livres qui le citent ont compris que c’était Dieu, lui-même, qui parlait et qui disait qui il était. Je vous l’ai dit la parole de quelqu’un qui ne parle pas à tort et à travers et qui parle rarement de lui sera d’autant plus scrutée quand il le fait. C’est le cas pour ce verset 6 du chapitre 34 de l’Exode. J’espère que cette petite démonstration exégétique ne vous aura pas lassé, mais de temps en temps, il est bon d’avoir quelques éléments objectifs qui permettent de poser la réflexion.

Du coup, en ce dimanche de la Trinité, je me suis dit que plutôt que de parler moi-même de la Trinité qui est un sujet à la fois simple et complexe, il serait préférable de laisser Dieu le faire, lui-même, d’écouter Dieu quand il nous parle de lui et qu’il nous dit qui il est. Vous aurez remarqué qu’il y a d’abord la proclamation de son nom et ensuite 5 qualificatifs qui vont expliciter ce nom.

Commençons par le Nom : Le Seigneur, le Seigneur ! C’est le nom même que Dieu avait déjà révélé à Moïse du milieu du buisson. Je vous le dis en hébreu francisé, non pas pour faire croire que je connais l’hébreu mais pour vous faire entendre tout de suite un problème. Voilà ce que Dieu a dit à Moïse : ‘èhyèh ‘asher ‘èhyèh ! On comprend déjà, même sans connaître l’hébreu que ça va être difficile à traduire avec cette répétition du mot ‘èhyèh qui traduit le verbe être et en même temps le verbe devenir, ce qui laisse entendre qu’il y a du présent (être) et du futur (devenir) … vous voyez que ça fait bien des combinaisons possibles pour traduire : je suis qui je suis ; je suis qui je serai … ! Moi, j’aime bien cette traduction qui comporte une pointe d’humour : Tu verras bien qui je suis ! Oui, Dieu révèlera qui il est à partir de ce qu’il fera pour son peuple. Et tout le 1° Testament nous permet de voir Dieu à l’œuvre, de comprendre qui il est à partir de ce qu’il fait. 

Mais Dieu est bon, il sait que tout le monde n’aura pas la persévérance de lire tout le Premier Testament ! Alors, dans ce fameux verset 6, il donne un résumé en précisant 5 qualificatifs qui le définissent : Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. Regardons rapidement chacun de ces 5 qualificatifs.

1. Dieu dit qu’il est tendre. Le terme hébreu qui est ici utilisé désigne les entrailles d’une femme. C’est-à-dire que Dieu nous aime comme une mère peut aimer ses enfants, intéressant à entendre en cette fête des mères ! L’amour de Dieu pour nous n’est pas un amour raisonné. Dieu ne dit pas : d’accord, ce peuple n’est pas toujours génial, mais c’est moi qui leur ai proposé l’Alliance, il faut donc que j’assume et je les trainerai comme un boulet ! Non ! Quand Dieu aime, il aime comme une mère, avec ses entrailles, rien n’est raisonné, tout est excessif. C’est ce que dira St Jean dans l’Evangile que nous avons entendu : « Dieu a tellement aimé le monde. » Dans ce tellement, on entend bien qu’il y a de l’excès. Oui, en amour, Dieu est excessif, comme une mère, mais on ne va pas le lui reprocher, nous qui bénéficions si souvent de cet excès !

2. Dieu dit qu’il est miséricordieux. En hébreu, c’est « Hanoun », quand on traduira en grec, ça donnera eleeô, kyrie eleison : Seigneur, fais miséricorde ! La plus juste traduction serait de dire que Dieu fait grâce. Et vous savez que ce mot grâce, on peut l’entendre selon 3 acceptions : g

  • 1° acception, c’est gracié, nous sommes graciés comme des condamnés méritant la mort qui se retrouvent libres 
  • 2° acception, c’est gratuit, il nous aime et nous pardonne gratuitement, sans marchandage
  • 3° acception, c’est gracieux : nous savoir aimés à ce point, ça nous rend gracieux ou du moins, ça devrait nous rendre plus gracieux d’être bénéficiaires d’un tel amour !

3. Dieu dit qu’il est lent à la colère. Il faut vraiment dépasser les bornes pour qu’il se mette en colère et, en plus, quand il se met en colère, ce n’est jamais contre le pécheur, mais contre le péché, jamais contre le malheureux mais contre le mal qui fait notre malheur.

Les points 4 et 5, je les cite en même temps, Dieu dit qu’il est plein d’amour et de vérité. Le mot hébreu qui a été traduit par plein, il est très beau, il parle bien aux jeunes, c’est le mot « rab », de l’amour et de la vérité, Dieu, il en a en rab, alors, venez vous servir et vous re-servir ! Regardons rapidement chacun de ces deux mots.

– Dieu est plein d’amour, en hébreu, rab-hessed. Ce mot de hessed, il donnera le mot « hassidim », vous savez, c’est ainsi qu’on désigne ces juifs si pieux que même dans un avion, quand ils entrent en prière, ils font tout un cinéma dans l’allée qui nous énerve un peu pour s’attacher les téfilines, ces lanières de cuir contenant la Parole. Ils en font trop, mais parce que Dieu est comme ça, il en fait trop, lui aussi, c’est donc leur manière à eux de répondre à cet amour excessif de Dieu. Je me souviens d’un portugais de mon diocèse qui portait dans les processions un grand crucifix avec des pompons qu’il embrassait et faisait embrasser. Un jour, il m’a dit : vous trouvez sûrement que j’en fais trop, c’est vrai, mais c’est pour compenser ceux qui n’en font pas assez !

– Dieu est plein de vérité, en hébreu, rab-Emeth. Emeth, c’est le mot qui donnera le mot « Amen ». Dieu est solide, on peut s’appuyer sur lui. La vérité, c’est du solide, la vérité de l’amour pour nous, c’est du solide, on ne la prendra jamais en défaut.

Voilà, j’ai fini le commentaire de la 1° lecture dans laquelle je vous disais que Dieu parlait de lui-même et qu’il me semblait préférable d’écouter ce que Dieu avait à dire sur la Trinité plutôt que d’écouter mes élucubrations ! Alors vous pourriez craindre en disant : mais il n’a parlé que du Père et il reste encore le Fils et le Saint-Esprit, l’homélie va être interminable ! Non, rassurez-vous, elle est finie car, vous savez ce qu’on dit : tel Père, tel Fils ! Ces 5 qualités du Père, le Fils en a hérité, on pourrait relire les Evangiles pour voir comment elles sont déployées. Quant au Saint-Esprit, il est Celui qui fait circuler l’amour, mieux, il est l’amour qui unit le Père et le Fils et qui nous introduit dans ce dialogue pour que peu à peu, les qualités du Père et du Fils deviennent aussi nos qualités. 

Vous voyez, quand Dieu parle, lui-même, de la Trinité, ce n’est pas compliqué c’est tellement concret !

Laisser un commentaire