Je suis embarrassé parce que ce texte d’évangile, nous l’avons déjà eu juste au début du confinement ! C’était pour le 3° vendredi de carême, je vous redonne 3 points essentiels que j’avais développé et que je vous pardonne bien d’avoir oubliés … si jamais vous les avez oubliés !
1° point : Au scribe qui lui demande quel est le plus grand commandement, Jésus répond de manière étonnante puisqu’il ne cite aucun des commandements officiels. En effet, je vous offre votre poids en cacahuète si vous arrivez à trouver ces deux commandements dans la liste des 10 commandements. Ce détail a son importance il annonce déjà ce que dira Paul dans l’épitre aux Romains (13,10) : l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Le légalisme, c’est une maladie ! L’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour et ça devrait être la règle en tout. Je donne juste un exemple, on a parlé de la question de l’ouverture du tabernacle pour pouvoir adorer, sans toucher l’ostensoir. Pour moi, c’est évident que ça ne pose pas de problème parce que l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour ! Si tu veux aimer Jésus de plus près et te laisser aimer par lui, quelle loi pourrait venir l’interdire ? Une loi légaliste peut-être mais pas la loi telle que la définit Jésus dans ce texte.
2/ J’avais aussi évoqué la question du « comme toi-même » qui a fait couler beaucoup d’encre avec deux objections.
- Ne serait-ce pas égoïste d’aimer les autres comme nous, c’est un peu comme si nous nous aimions à travers eux. Je me rappelle cette chanson terrible qu’on entendait à la radio et qui disait : Je me fous de vous, vous m’aimez, mais pas moi, confidence pour confidence, c’est moi que j’aime à travers vous !
- Autre objection : et ceux qui n’arrivent pas à s’aimer, comment ils font pour aimer les autres puisqu’il faut les aimer comme soi-même ?
En réfléchissant à tout cela, j’étais tombé sur un article très documenté d’un exégète qui expliquait qu’il y a eu mauvais choix de traduction du texte hébreu quand il a été traduit en grec. La tournure hébraïque a plutôt être traduite par « qui est comme toi » « Tu aimeras ton prochain qui est comme toi. » C’est-à-dire que c’est d’abord une insistance sur la dignité de tout être humain. Chaque être humain est un être humain comme toi, tu n’as donc pas à faire de différences en décidant d’aimer telle catégorie d’êtres humains et en délaissant telle autre. Ça veut aussi dire : chaque être humain est comme toi, il a besoin d’être aimé, donc aime tous ceux que tu rencontres. Et ça peut encore vouloir dire, cet autre qui est comme toi, justement parce qu’il est comme toi, c’est un pauvre comme toi, alors aime-le, parce que les pauvres, ce dont ils ont le plus besoin, c’est d’être aimé.
3/ Le dernier élément que je voudrais reprendre, c’est l’ultime remarque de Jésus : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Cette remarque pourrait nous interroger parce que ce scribe répète pratiquement mot pour mot ce que Jésus vient de dire … alors pourquoi mégote-t-il en lui disant seulement : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. »
Eh bien, tout simplement parce qu’au niveau des paroles, il a tout juste … mais répéter les paroles de Jésus, ça ne suffit pas, encore faudra-t-il les vivre ! On peut connaître le catéchisme, les commandements sur le bout des doigts et avoir une vie détestable ! Nous le savons bien ce genre de contre-témoignage fait beaucoup de mal en éloignant de l’Eglise ceux qui ne supportent pas cette hypocrisie.
Quant à la 1° lecture, nous la connaissons bien, elle a été transformée en cantique : « Souviens-toi de Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts, Si nous mourons avec lui, avec lui nous vivrons, si nous souffrons avec lui, avec lui nous régnerons. » Je voudrais faire deux remarques :
1/ Il y a un petit mot de deux lettres qui nous oblige à beaucoup nous interroger, c’est le petit mot « si ». Il n’y a rien d’automatique, le fait de souffrir n’est pas en soi quelque chose de bénéfique. Mais SI tu souffres avec Jésus, SI tu unis tes souffrances aux siennes alors ça change tout. Evidemment, en disant cela, nous pensons immédiatement à Marthe et à son union continuelle à Jésus qui non seulement lui permettait de supporter sa souffrance mais d’en faire quelque chose de positif. Ce qui éclaire tout cela, c’est la fameuse parole de Paul dans la lettre aux Colossiens (1,24) : « Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. » Evidemment, il ne manque rien aux souffrances du Christ, elles ont été suffisamment terribles, mais Jésus a voulu laisser une place à ses côtés pour tous ceux qui souffrent afin qu’ils puissent donner un sens à ce qu’ils vivent en offrant l’amour avec lequel ils vivent ces souffrances pour la fécondité de la mission de l’Eglise. C’est bien à cette attitude qu’invitait Marthe en invitant à ne pas souffrir pour rien, et pour cela, il fallait offrir, prendre la place que Jésus nous laisse à ses côtés pour que l’amour avec lequel nous vivons nos souffrances puisse contribuer à la fécondité de la mission de l’Eglise.
2/ Il y a quand même une formulation étonnante dans la suite de cette hymne : « Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même. » Je ne sais pas comment vous comprenez cela parce qu’il y a une contradiction : il nous rejette ou il ne nous rejette pas ? Moi, je me suis dit que Paul s’était laissé emporter par le rythme de l’hymne qu’il écrivait : « Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. » Voilà tout est dans le même rythme, c’est parfait et c’est comme s’il venait de se rendre compte de ce qu’il avait écrit et il se reprend pour corriger : « mais si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même. » Je ne me ferai pas couper la tête pour cette interprétation, si vous avez mieux, je suis preneur !
Et gardons la conclusion de cette lecture comme un phare pour orienter nos vies : Toi-même, efforce-toi de te présenter devant Dieu comme quelqu’un qui a fait ses preuves, un ouvrier qui n’a pas à rougir de ce qu’il a fait et qui trace tout droit le chemin de la parole de vérité.
Cher P. Hébert,
Une anecdote qu’il m’arrive de vivre, pour essayer de vous montrer comment je comprends ce passage… Une personne que je connais, même pas beaucoup, en passant dans la rue face à moi, fait mine de ne pas me voir et je le sens bien car l’attitude n’est pas naturelle (cela m’arrive aussi malheureusement…). Eh bien, je pourrais toujours essayer de faire de grands gestes pour me manifester, mais je choisis, de la même manière, de ne pas la voir. Pas vraiment « oeil pour oeil dent pour dent », mais manière de dire: « si tu ne veux pas me voir, je ne vais pas te faire l’affront de t’obliger à me voir ». => « si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera ».
Mais ce qu’il y a de beau, c’est que cela ne nous oblige pas à renier cette personne, à faire comme si on ne la connaissait pas. C’est elle qui choisit de ne pas nous voir et qui, par là, se prive de ce qu’on peut lui apporter en présence ou autre. Nous, nous pouvons rester fidèles au fait que nous la connaissons, et nous pourrions encore chercher à mieux la connaître.
Dieu ne s’impose pas, comme on dit souvent 😉
Sur le fond, bien sûr, je suis d’accord, ce qui me gène, c’est le texte ! Car le grec est encore plus violent que le Français : si nous le renions, lui aussi nous reniera ! Je comprends que le Seigneur ne veuille pas s’imposer et respecter notre liberté, nos choix, mais là le texte va bien au-delà de cela !