5 Janvier : Epiphanie

            Quand nous voulons réaliser un projet, il nous faut toujours réfléchir au bon moment pour le mettre en œuvre. Les conseillers en communication sont là pour aider les entreprises à trouver le bon moment pour lancer leurs produits. Par exemple, il ne viendrait à l’idée de personne de mettre sur le marché des vêtements chauds en plein mois d’août ou d’aller vendre des maillots de bain sur le marché en ce moment ! Quand un projet est lancé au bon moment, il a bien plus de chances de réussir.

            Eh bien, Dieu, on pourrait vraiment se demander s’il a choisi le bon moment pour réaliser son grand projet : envoyer son Fils pour sauver l’humanité. En effet, la mention historique qui permet de dater assez précisément les événements qui nous sont rapportés dans l’Évangile que nous venons d’entendre peut nous laisser songeur : était-ce vraiment le moment favorable pour envoyer Jésus ? En effet, le texte nous dit que tous ces événements ont eu lieu aux temps d’Hérode le Grand. Pour ceux qui connaissent l’histoire biblique, le nom d’Hérode le Grand évoque une période vraiment difficile. Et c’est pour cela qu’on pourrait se demander si c’était le bon moment pour envoyer Jésus.

            Pour que nous puissions un peu comprendre, permettez-moi de vous dire quelques mots sur Hérode le Grand. Il avait été installé sur le trône par les romains qui voulaient faire croire qu’ils donnaient une autonomie au pays, en fait Hérode leur était totalement inféodé. Il était un véritable dictateur qui, comme tous les dictateurs, était enfermé dans la peur d’un coup d’état. C’est pour cela qu’il n’hésitera pas à faire noyer son beau-frère, assassiner son beau-père, puis assassiner un autre beau-frère, ensuite c’est sa femme qu’il fait tuer et, puis deux de ses enfants et un troisième 5 jours avant de mourir ! C’est aussi pour cette raison qu’il avait fait construire plus d’une dizaine de forteresses dans le pays : pour pouvoir s’y réfugier en cas d’émeutes. Avec cette dizaine de forteresses, où qu’il se trouve dans le pays, si une révolte éclatait, il pouvait se mettre en sécurité. Parmi ces forteresses, il y avait l’Hérodium, une colline en face de Bethléem (quelle ironie !), colline qu’il avait fait araser pour être plus à l’aise. Dans cette forteresse, il s’était fait aménager plusieurs piscines avec de l’eau à différentes températures … et tout cela dans un pays où l’eau manque cruellement ! 

On comprend dès lors qu’Hérode était haï par la population. Du coup, il se doutait bien que le jour de sa mort, personne ne pleurerait, c’est pourquoi il avait demandé qu’à sa mort, on tue un certain nombre de ses collaborateurs à Jérusalem pour qu’il y ait quand même des pleurs … on ne pleurera pas pour lui, mais on pleurera quand même ! Le massacre des nouveaux-nés évoqués dans l’Évangile juste après la page que nous venons de lire est donc hautement probable. 

            Eh bien, c’est ce moment de l’histoire que Dieu a choisi pour envoyer son Fils. C’est sûr que ce n’est pas un moment très calme ; oui, mais c’est bien dans ce contexte troublé que le peuple avait besoin d’un Sauveur, c’est dans la nuit qu’on a besoin de lumière. Pour Dieu, c’était donc bien le bon moment. Si Dieu a envoyé son Fils dans ce moment troublé de l’histoire, c’est pour que jamais nous ne puissions croire que notre histoire est trop compliquée, tourmentée pour que Dieu s’intéresse à nous. 

Il avait déjà montré quelque chose de semblable en naissant dans une étable. Vous le savez bien, dans une étable, habituellement ça ne sent pas la rose et ce n’est pas très propre ! Eh bien, le Fils de Dieu est né dans une étable pour que jamais quelqu’un ne puisse penser que son cœur n’est pas assez propre pour accueillir la visite du Seigneur. C’est le premier des trois points que je voulais développer.

            Le deuxième point, il m’est inspiré par le fait que ce sont des bergers et des mages qui ont reconnu les premiers cette visite de Dieu. Les bergers, comme les mages ont un point commun : ils scrutent le ciel. Oh pas de la même manière, c’est vrai, mais ils scrutent le ciel. Les bergers le scrutent à la manière des campeurs qui, l’été, font un bivouac à la belle étoile : le ciel est un spectacle dont on ne se lasse jamais. Les bergers avaient le temps de contempler le ciel et les étoiles, ils seront donc très vite réceptifs au signe venu du ciel. Quant aux mages, je dirais qu’eux, c’était professionnellement qu’ils regardaient le ciel : scruter le chemin des astres, c’était leur métier, leur passion. Ils n’auront donc pas de mal à repérer le signe venu du ciel. Chers amis, si nos regards sont uniquement tournés vers la terre, vers nos affaires terrestres, nous ne pourrons jamais voir les signes que Dieu nous fait. Certes, il ne s’agit pas de s’évader de notre vie quotidienne, il faut bien assumer nos responsabilités ; mais si nous n’avons pour seuls centres d’intérêts que nos affaires financières, nos plaisirs très humains, nous passerons à côté des signes que le ciel nous envoie. Pour voir les signes de Dieu, il faut apprendre à lever la tête, à scruter le ciel au cœur de notre quotidien.

            Enfin le 3° point, il m’est venu à la lecture de la dernière phrase de l’Evangile : les mages regagnèrent leur pays par un autre chemin. C’est bien naturel, ils avaient compris qu’il ne leur fallait pas retomber entre les pattes d’Hérode. Mais il y a là une dimension extrêmement symbolique. Quand on a véritablement rencontré Jésus, ce qui est bien le cas des Mages, notre vie est transformée, on ne suit plus le même chemin, c’est même le test pour savoir si cette rencontre n’est pas une illusion : est-ce que ma vie a changé, est-ce que je ne prends plus les mêmes chemins ? Nous qui venons à la messe chaque dimanche, pouvons-nous dire que cette rencontre avec le Christ change nos vies ? Est-ce que nous sortons de nos vieilles habitudes ? Est-ce que nous marchons sur des chemins nouveaux ?

            Je ne peux pas terminer sans vous souhaiter à tous une Bonne Année et, cette année, elle sera bonne si vous osez croire que votre histoire ne sera jamais trop compliquée, tourmentée pour que Dieu vienne vous visiter, que votre cœur ne sera jamais trop sale pour qu’il refuse de venir y faire sa demeure. Cette année sera bonne si, à l’image des bergers et des Mages, vous vous mettez un peu plus à scruter le ciel, à vous intéresser aux choses d’en haut. Cette année sera bonne si votre rencontre avec le Seigneur vous conduit à prendre un autre chemin pour mieux vivre l’amour dans le quotidien de vos relations.

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