C’est notre dernier jour avec l’épitre aux Galates, alors profitons-en ! Et, pour ce dernier jour, nous sommes gâtés puisque nous avons ce texte si beau et si stimulant des fruits de la chair et des fruits de l’Esprit.
L’Ecriture aime bien ces tableaux en noir et blanc. Nous connaissons tous le fameux texte du Deutéronome : vois, je mets devant toi la vie et la mort, le bonheur et le malheur, choisis ! Avec des paroles aussi carrées, on comprend mieux que tous nos choix, même les plus petits, ont des conséquences. Ce que tu fais, ce que tu décides de faire ou de ne pas faire car l’action et l’omission sont aussi importants, tout va te permettre d’avancer soit sur le chemin du bonheur et de la vie, soit sur le chemin du malheur et de la mort. Et bien évidemment, il ne faut pas faire une interprétation uniquement individualiste : ce que tu fais te fait avancer et entraine avec toi sur le chemin de la vie ou sur le chemin de la mort. L’Ecriture est donc très claire : tout ce que nous faisons a des conséquences et il n’y a pas de voie moyenne sur laquelle nos actions ou nos omissions n’auraient aucune conséquence ! Ce que je viens de dire, c’est l’énoncé de la règle, ça marche comme ça et il est nécessaire de faire remonter cette règle à notre conscience. Mais immédiatement après l’énoncé de la règle, dans le texte du Deutéronome, il y a la petite voix de Dieu qui se rajoute et qui intervient en suppliant : oui, tout cela est vrai, mais choisis donc la vie … et si tu veux la choisir mais que tu n’en as pas forcément la force, cette force, je peux te la donner, c’est celle du Saint-Esprit.
Avec ce texte de l’épitre aux Galates, nous sommes dans la même logique. Mais là, c’est l’opposition entre chair et Esprit qui est mise en avant. La chair, nous le savons, dans les lettres de Paul, c’est l’homme livré à lui-même, c’est l’homme qui n’agit qu’en tenant compte de ses instincts qui souvent le tirent vers le bas et c’est l’homme qui n’agit qu’en comptant sur ses propres forces. C’est pourquoi il y a cette liste impressionnante d’œuvres mauvaises, dans laquelle nous pouvons puiser si nous sommes en mal d’inspiration quand nous allons nous confesser ! A l’opposé, il y a cette liste des fruits de l’Esprit, une corbeille de fruits dans lesquels les fruits sont tous plus désirables les uns que les autres. Ayant posé ce principe général, je voudrais faire maintenant 3 remarques.
1/ La présentation que je viens de faire a un inconvénient, c’est qu’elle laisse croire que nous sommes perpétuellement devant un choix à faire. Ce n’est pas ainsi que Paul voit les choses. Le début et la fin de la lecture nous aident à le comprendre. « Si vous vous laissez conduire par l’Esprit, vous n’êtes pas soumis à la Loi. » Ça c’était la parole du début et la parole de la fin est, elle aussi, à entendre : « Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. » C’est-à-dire que, pour Paul, il est clair qu’à notre Baptême, il y a eu quelque chose de définitif qui s’est produit : nous appartenons au Christ et nous avons été revêtus de l’Esprit qui nous garde dans la communion avec le Père en nous tournant vers les frères pour leur partager cet amour que nous ne cessons de recevoir.
Il me semble que Paul veut nous dire que nous n’avons pas à choisir en permanence, le choix a été fait, nous n’avons qu’à nous laisser conduire, le mot revient au début et à la fin. C’est-à-dire que de manière assez naturelle, nous n’avons qu’à consentir à l’Esprit qui habite en nous et qui nous conduit. Depuis notre baptême, le bien, l’amour du bien est inscrit en nous. Il n’y a pas à constamment choisir, c’est fait !
Seulement voilà, nous ne nous laissons pas toujours conduire par l’Esprit ! Nous ne sommes pas toujours dociles, il nous arrive de vivre, d’un point de vue spirituel, comme des rebelles. Il y a des moments où nous choisissons de ne pas nous laisser conduire, ce sont tous ces moments où nous posons des choix tordus, inspiré par celui que j’aime appeler le Tordu.
Du coup, nous pouvons comprendre que ce qui serait le plus simple, le moins fatiguant et évidemment le plus fécond, c’est de nous laisser conduire par l’Esprit. Ce qui nous fatigue le plus, c’est de choisir ce pour quoi nous ne sommes pas faits ou ce pour quoi nous ne sommes plus faits depuis la marque imprimée en nous par notre Baptême.
2/ Dans cette 2° remarque, je veux juste compléter ce que je viens de dire pour que ce soit bien clair. Il y a une expression qui revient plusieurs fois chez Paul et qui est assez étonnante, c’est celle de la Loi de l’Esprit. C’est étonnant parce qu’à plusieurs reprises, Paul dit que l’Esprit nous libère de la Loi et nous l’avons entendu au début de la lecture. « Si vous vous laissez conduire par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la Loi. » Cette expression de loi de l’Esprit, je la comprends justement comme un engrenage. Vous savez, un engrenage puissant, si vous y mettez les doigts, il va vous happer complètement. Eh bien, c’est ça la loi de l’Esprit. Quand on commence à se laisser conduire par l’Esprit, mais à se laisser vraiment conduire par l’Esprit, il finit par nous prendre tout entier et nous entrainer dans une vie qui nous fait porter tous ces beaux fruits. Ça ne veut pas dire que notre vie sera parfaitement rectiligne qu’il n’y aura plus jamais de sorties de piste. Mais cette loi de l’Esprit, elle imprime une trajectoire à nos vies. Il peut y avoir encore des hauts et des bas, mais ça n’empêche pas l’Esprit d’imprimer une trajectoire qui nous tire vers le haut. Quand il y a une sortie de piste, nous ne repartons pas de zéro, nous repartons de là où l’Esprit nous avait conduit. C’est ainsi que je comprends la loi de l’Esprit, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui, un cercle vertueux qui nous tire vers le haut, à l’opposé du cercle vicieux qui tire vers le bas.
3/ Enfin, dernière remarque, vous avez remarqué le singulier si étonnant qui ouvre une liste impressionnante des fruits de l’Esprit : LE fruit de l’Esprit, c’est l’amour. Ce singulier est là pour nous dire que les autres fruits ne seront que la déclinaison de ce fruit unique, une déclinaison que le Saint Esprit offre de manière variée à chacun selon les circonstances de sa vie et ses besoins relationnels et missionnaires. Nous ne devons pas nous étonner d’entendre que LE fruit de l’Esprit, c’est l’amour. Nous connaissons tous cette belle affirmation de Paul en Rm 5,5 : « c’est l’amour qui a été répandu dans nos cœurs quand l’Esprit-Saint nous a été donné. » Finalement, on retrouve, dans ce passage de la lettre aux Galates, le même mouvement que dans l’hymne à l’amour de l’épitre aux Corinthiens qui va décliner toutes les qualités de l’amour. Ce que nous appelons donc peut-être un peu trop rapidement LES fruits de l’Esprit ne serait en fait que la déclinaison de cet unique fruit en une multitude de charismes, c’est-à-dire de dons qui sont offerts à chacun pour l’accompagner dans le moment présent et lui permettre de vivre en disciple-missionnaire. En clair, ça signifie que nous n’avons pas à choisir dans la corbeille de fruits celui ou ceux qui nous intéresseraient. Nous avons à choisir de nous laisser conduire par l’Esprit et lui répandra l’amour en nous cœurs, un amour qui prendra certaines qualités à tel moment et d’autres qualités à d’autres moments.
Se laisser conduire par l’Esprit, c’est sans doute ce qui manquait aux pharisiens et aux docteurs de la Loi que Jésus va déclarer malheureux. Il ne les condamne pas, Jésus ne condamne jamais, il est, au contraire, plein de compassion, il pleure devant leur malheur, c’est le sens du mot « malheureux ». Cet évangile va apporter une note qui complète ce que je viens de dire. Quand on ne se laisse pas conduire par l’Esprit, on ne fait pas forcément de mal. En payant la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, ils ne font rien de mal. Mais ne pas faire de mal, ce n’est pas suffisant ; ne pas faire de mal, ce n’est pas encore faire du bien ! Il y a une manière minimaliste de vivre dans les clous par rapport à la Loi qui est tellement loin des sommets de l’amour sur lesquels l’Esprit veut nous entrainer si nous nous laissons conduire par Lui. Alors, répondons à sans tarder à l’invitation pressante de de Paul : Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit !