Quand on lit la lettre de Saint Jean, on a parfois l’impression qu’il rabâche un peu : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » Ce refrain-là, il revient sans arrêt. Alors est-ce que St Jean rabâche ? Non, et là je vous apporte une nuance de la langue française. St Jean ne rabâche pas, il répète. Rabâcher, c’est redire toujours la même chose parce qu’on n’a pas grand-chose à dire. Ainsi, on voit des gens qui ne savent parler que du temps qu’il fait ou qu’il va faire, ils rabâchent ! Répéter, c’est redire régulièrement quelque chose qui nous tient particulièrement à cœur. Alors, on peut vraiment dire que, c’est parce que ça lui tient particulièrement à cœur que St Jean répète sans arrêt : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » Et pourquoi ça lui tient tant à cœur de répéter : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » ? En réfléchissant à cette question j’ai vu 3 raisons que je vous partage.
La 1° raison, je l’ai déjà développée, c’est la présence de cette hérésie du docétisme, ceux qui pensaient que Dieu avait fait semblant de devenir homme. St Jean pour les inviter à réfléchir parle sans arrêt de l’amour parce qu’on ne peut pas faire semblant d’aimer. Très vite, ça se voit quand on fait semblant ! En plus de cette hérésie du docétisme, il y avait un autre courant de pensée, très dangereux, dans cette fin du 1° siècle, c’était la gnose. « Gnosis » en grec, c’est la connaissance. Vouloir connaître, c’est très bien, avoir une curiosité intellectuelle qui nous fait chercher, c’est très bien, mais les gnostiques étaient persuadés que Dieu ne pouvait se révéler qu’à des privilégiés à qui il donnerait une illumination de l’intelligence. Ces gnostiques, ils étaient donc perdus dans leurs pensées, cherchant cette illumination. St Jean les invite à revenir sur terre, à avoir les deux pieds sur terre, c’est ce qu’il vise avec cette invitation répétée à l’amour. Parce que l’amour, c’est extrêmement concret, on n’aime pas en pensées, mais par des actes ! Et ça c’est valable pour l’amour vis-à-vis de Dieu ou vis-à-vis des autres.
La 2° raison pour laquelle St Jean répète si souvent « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » c’est que lorsque St Jean écrit cette lettre, il est au soir de sa vie, il est devenu très vieux. Il ne répète pas parce qu’il aurait un peu perdu la tête, il répète parce que lorsqu’on sent la mort qui arrive, on veut transmettre ce qui nous semble le plus important. Quand on sent qu’il ne nous reste plus beaucoup d’années à vivre, il vaut mieux ne pas trop gaspiller le temps qui reste ! Voilà pourquoi St Jean répète sur tous les tons : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » C’est tellement important que ça mérite d’être dit et redit sur tous les tons. Je vous ai parlé du curé d’Ars, au soir de sa vie, qui passait des sermons entiers à répéter sur tous les tons en montrant le tabernacle : « il est là ! il est là » eh bien, on peut dire que St Jean fait la même chose en répétant : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » Il n’a rien de plus important à dire parce que notre religion est la religion de l’amour, tout se résume par l’amour et il explique pourquoi dans cette formule qui semble bien banale : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. » Dieu est amour, l’amour vient de Dieu, alors celui qui aime est né de Dieu. Ceux que Dieu reconnait comme ses enfants, ce ne sont pas d’abord ceux qui écrivent des livres savants sur Lui, ni même ceux qui font des sermons brillants ! Ceux que Dieu reconnait comme ses enfants, ce sont ceux qui aiment de manière concrète, qui l’aiment Lui, de manière concrète et qui aiment leurs frères de manière concrète. Sans l’amour, St Paul le dira de si belle manière, les livres savants et les beaux sermons ne servent à rien ! Quand on est croyant, il n’y a qu’un domaine dans lequel nous devions demander la grâce de progresser chaque jour : c’est dans l’amour !
La 3° raison pour laquelle St Jean répète si souvent « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » je n’y avais jamais pensé, mais le Saint-Esprit me l’a inspirée en préparant, c’est que, St Jean, nous le savons, c’est lui qui a recueilli Marie. Sur la croix, c’est Jésus qui le lui a demandé. Nous n’avons aucun renseignement sur la manière dont ça s’est passé concrètement, mais ce qui est sûr, c’est que Jean a obéi à cette dernière volonté de Jésus. Jésus lui confie sa mère pour qu’elle devienne sa mère et, bien sûr, à travers lui, la mère des disciples, mais c’est à lui, Jean que Marie est confiée. Et c’est pour cela, comme je l’ai déjà mentionné qu’on trouve à Ephèse cette petite maison, appelée maison de la Vierge. Le disciple bien-aimé s’étant retiré là-bas, à Ephèse, il y avait fait construire une petite maison, sans doute pas loin de la sienne parce qu’il ne pouvait pas aller là-bas sans prendre avec lui la Mère bien-aimée. Les années qu’ils ont passées ensemble ont sûrement marqué St Jean. Et on peut imaginer qu’il interrogeait Marie pour lui demander : Mère, quel est le message le plus important à transmettre aux disciples de ton Fils et à tous ceux qui veulent le devenir ? Je ne pense pas me tromper en disant que Marie devait lui répondre : dis-leur de bien s’aimer les uns les autres. Mais oui, une mère, elle n’a qu’un seul désir, c’est que ses enfants s’aiment. Il n’y a rien qui la fasse plus souffrir que la désunion de ses enfants.
Alors, Marie, Mère de l’Eglise, devait répéter sans arrêt à St Jean : dis-leur de bien s’aimer les uns les autres. En disant cela, je ne peux pas oublier que ma propre mère, quand elle nous a réuni, sachant que son heure était venue, nous a dit : « écoutez-moi bien, je n’ai qu’une chose à vous dire : aimez-vous les uns les autres. » Elle avait tellement souffert de la désunion qui étaient survenue dans la famille. Donc si St Jean répète si souvent : « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres… » c’est parce que Marie lui a demandé de le répéter. Et Marie ne cesse de vouloir nous faire entendre cette même parole aujourd’hui. Et je dirai que c’est particulièrement vrai dans nos Foyers de charité. Comment des communautés, des maisons qui ont Marie pour Mère pourraient-elles être des lieux où l’amour n’est pas la règle ? D’ailleurs nous ne nous appelons pas Foyer de CHARITE par hasard ! Et ce n’est sans doute pas un hasard si, dans la chapelle du Foyer à Chateauneuf, sur la fresque qui orne le mur du fond, c’est St Jean qui est représenté comme pour dire et redire à tous ceux qui font partie de l’œuvre ou qui découvrent cette œuvre en venant faire une retraite : ici, c’est une maison de l’amour, un Foyer de CHARITE ! Mais ce qui doit être la règle à Chateauneuf, doit l’être aussi dans tous les Foyers, il faut que ceux qui y vivent et ceux qui y passent découvrent à quel point ces maisons sont des maisons de l’amour, des Foyers de CHARITE. Dans ces maisons, on n’a pas grand-chose d’autre à donner que de l’amour, mais comme c’est le bien le plus précieux, nos maisons sont extrêmement importantes. On ne guérit les cœurs blessés que par l’amour de Jésus qui se déverse à flots sur tous ceux qui y vivent et tous ceux qui y passent. C’est bien ce que Jésus avait dit à Marthe, demandant que ces Foyers soient « la maison de son cœur ouvert à tous. » Nos maisons doivent être ouverts à tous pour bien manifester que c’est le cœur de Jésus qui est ouvert à tous. Nos maisons doivent déverser de l’amour parce que du cœur de Jésus ce sont des flots d’amour qui se déversent.
Et, si parfois, il nous arrive de nous interroger sur ce qui doit être changé dans les Foyers, la perspective de l’Assemblée de Juin nous obligera à nous interroger sur ce sujet, nous ne devrons jamais perdre de vue qu’aucune réforme ne sera féconde si nous ne nous demandons pas au préalable : est-ce qu’elle permettra à mos maisons de devenir toujours plus, toujours mieux, des maisons de son cœur ouvert à tous ? « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour.
Amen !