Merveilleuse Parole de Dieu qui ne cache rien des défaillances humaines ! Même les défaillances des plus grands ne nous sont pas cachées. C’est ainsi que la 1° lecture nous a fait entendre l’entretien de Moïse avec Dieu en ce moment si dramatique où Moïse réalise qu’il est en plein burn-out et qu’il faut vite faire quelque chose car il est traversé par de telles idées suicidaires qu’il se fait peur à lui-même ! Ne croyez surtout pas que j’exagère, écoutez ces paroles que nous entendions à la fin de la 1° lecture : Je ne puis, à moi seul, porter tout ce peuple :c’est trop lourd pour moi. Ça c’est la reconnaissance que le burn-out est proche ! Si c’est ainsi que tu me traites, tue-moi donc ; oui, tue-moi, si j’ai trouvé grâce à tes yeux. Que je ne voie pas mon malheur ! Ça ce sont les idées suicidaires : je préfère mourir que de continuer ainsi !
Oui, merveilleuse Parole de Dieu qui ne cache pas les défaillances même des plus grands car Moïse, aux dires des Ecritures est le plus grand de tous les prophètes. Voilà ce que dit de lui le Deutéronome : Il ne s’est plus levé en Israël un prophète comme Moïse, lui que le Seigneur rencontrait face à face. Que de signes et de prodiges le Seigneur l’avait envoyé accomplir en Égypte, devant Pharaon, tous ses serviteurs et tout son pays ! Avec quelle main puissante, quel pouvoir redoutable, Moïse avait agi aux yeux de tout Israël ! Dt 34,10-12. Et ça continuera dans tout le reste des Ecritures. Pensons à Pierre, choisi comme chef des apôtres par Jésus dont la grande défaillance ne sera pas cachée, je veux parler de son triple reniement. Et elle ne sera pas révélée comme une vengeance par l’un des apôtres qui aurait été jaloux de la prééminence de Pierre. Non ! Lui-même, quand il aidera Marc, son secrétaire à rédiger son Evangile, racontera ce souvenir dont il est si peu fier mais qu’il ne veut pas cacher. C’est pour cela que c’est dans l’Evangile de Marc, écrit à partir des souvenirs de Pierre, que le récit du triple reniement est le plus saisissant et le plus complet. Vous voyez si les défaillances des plus grands ne nous sont pas cachées, c’est pour que nous, nous ne cachions pas non plus les nôtres !
Certains d’entre vous sont venus à cette retraite en portant un poids trop lourd et ont envie de dire comme Moïse : Je ne puis, à moi seul, porter ce poids. Certains en portent tellement lourd qu’ils peuvent avoir envie que ça s’arrête et que ça s’arrête le plus vite possible, peu importe comment ça s’arrêtera si vous voyez ce que je veux dire. Ne cachez rien à Dieu de ce que vous portez. Si c’est le poids de situations trop lourdes que vous portez, ce soir, nous aurons une veillée au cours de laquelle vous pourrez venir déposer ces fardeaux trop lourds pour vous. Si c’est le poids de votre péché qui vous accable, dès cette fin d’après-midi, le sacrement de la réconciliation vous sera proposé pour que vous puissiez profiter à plein de cette retraite.
Oui, merveilleuse Parole de Dieu qui ne nous cache rien des défaillances des plus grands pour que nous osions ne pas cacher les nôtres. Mais dommage que le lectionnaire ne nous fasse pas entendre comment Dieu va répondre au cri de Moïse ! La suite du chapitre 11 que vous pourrez lire nous apprend qu’il y aura une réponse circonstanciée et une réponse plus fondamentale.
La réponse circonstanciée, c’est un vol de cailles. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, l’événement qui a conduit Moïse à dire : je n’en peux plus, c’était cette révolte du peuple qui en avait marre de la manne et qui aspirait à manger de la viande. Cette demande, il faut la comprendre, parce qu’ils devaient en avoir ras-le-bol de cette manne qui devait ressembler à une croute composée de graines de poules. Tous les jours, tous les jours des graines de poule agglomérées, ils pouvaient en avoir ras-le-bol ! Et vous voyez c’est ça qui doit nous mettre la puce à l’oreille et nous faire comprendre que nous sommes près de la rupture : quand nous ne sommes plus capables d’entendre des demandes très légitimes, c’est le signe qu’il est urgent d’agir ! Dieu va donc envoyer un vol de cailles et le peuple ne va pas priver d’en manger, ils en mangeront tellement qu’ils vont se rendre malades et qu’ainsi, ils apprendront la tempérance, cette vertu si importante pour que nos comportements ne deviennent pas semblables à ceux des animaux. Mais ça, ce n’était qu’une réponse circonstanciée qui répondait à la demande du peuple, pas à celle de Moïse !
Il y aura donc une réponse plus fondamentale que Dieu apportera et celle-là, elle s’adressera directement à Moïse. Je vous lis ce que Dieu propose à Moïse : Rassemble-moi soixante-dix hommes parmi les anciens d’Israël, connus par toi comme des anciens et des scribes du peuple. Tu les amèneras à la tente de la Rencontre, où ils se présenteront avec toi. Là, je descendrai pour te parler, et je prendrai une part de l’esprit qui est sur toi pour le mettre sur eux. Ainsi ils porteront avec toi le fardeau de ce peuple, et tu ne seras plus seul à le porter. Nb 11,16-17 Magnifique ! Je ne peux pas tout commenter d’autant plus que nous n’avons pas lu ces versets. Mais retenons que la grande réponse de Dieu au coup de déprime de Moïse c’est le don de 70 frères qui porteront avec lui ce qui est trop lourd pour lui, tout seul. Comme vous le constatez, Dieu ne règle pas miraculeusement les problèmes qui accablaient Moïse, il ne change pas le caractère de ce peuple qui fatiguait son chef, mais Dieu donne à Moïse 70 frères pour l’aider à porter ce qui est trop lourd. Quelle belle réponse de Dieu ! Et c’est toujours ainsi que Dieu procède quand nous crions vers lui. C’est assez rare qu’il règle, comme d’un coup de baguette magique, les problèmes qui nous accablent, par contre, il est toujours prêt à nous envoyer des frères qui porteront avec nous ce qui est trop lourd pour nous.
Alors, nous pouvons nous interroger : quand j’ai l’impression que Dieu ne répond pas à mes prières, n’est-ce pas le signe que je compte trop sur une intervention miraculeuse ? Est-ce que j’ai suffisamment ouvert les yeux pour voir les frères que Dieu a pu m’envoyer pour porter avec moi ce qui était trop lourd pour moi ? Est-ce que j’ai osé solliciter ces frères en leur partageant, avec beaucoup d’humilité, ma profonde fatigue ? Et il faut aller jusqu’au bout de l’interrogation : est-ce que j’accepte d’être un frère que le Seigneur pourrait envoyer pour aller au secours d’un autre, d’une autre qui n’en peut plus ?
` Venons-en à l’Evangile qui nous met un peu dans le même registre. Là, ce sont les apôtres qui sont dépassés. Pourtant, ils sont un groupe de frères, comme quoi, même avec des frères, on peut encore se retrouver dépassé. Il était sûrement bon de l’entendre. Alors comment fait-on dans ces cas-là, quand la fraternité, qui est, nous l’avons compris, la réponse habituelle de Dieu à nos insuffisances, comment fait-on quand la fraternité ne suffit pas ? Eh bien, Jésus va l’enseigner à ses apôtres dans cette scène si bien connue de la multiplication des pains.
C’est vrai que 5000 hommes, sans compter les femmes et les enfants qui ont faim, c’est une situation dans laquelle, légitimement, on peut se sentir dépassé ! Et aujourd’hui, le nombre de ceux qui crient leur faim est encore bien plus élevé, la faim de pain, bien sûr, mais aussi la faim de relations vraies, la faim de considération et aussi, de manière souvent cachée, la faim de Dieu. Comme les apôtres, nous nous sentons dépassés, même avec les frères qui nous entourent. Alors, comme les apôtres, nous aussi, bien souvent, nous avons envie de botter en touche ! Les apôtres, c’est très net qu’ils en ont envie : Renvoie donc la foule : qu’ils aillent dans les villages s’acheter de la nourriture ! Mais pour Jésus, il n’en est pas question ! Ce n’est pas au moment où les gens crient leur faim qu’il a envie d’entendre ses apôtres leur crier : trop tard, on ferme, de toutes façons, vous êtes trop nombreux ! Jésus va donc encourager les apôtres : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Ce qu’il leur dit, là, leur parait tellement gros qu’ils veulent absolument faire entendre à Jésus leur pauvreté surdimensionnée par rapport aux besoins : Nous n’avons là que cinq pains et deux poissons pour plus de 2000 personnes. Et Jésus est extraordinaire, il ne leur dit pas : débrouillez-vous, je ne veux rien savoir ! Il leur dit : Apportez-les moi ! Et, lui et son Père, vont faire ce qu’il faut pour que cette pauvreté offerte puisse devenir nourrissante.
Voilà l’enseignement que Jésus a voulu donner à ses apôtres en ce jour et au-delà des apôtres, à nous qui sommes là. Quand tu te sens dépassé, alors que tu as déjà accueilli le don de la fraternité, le Seigneur ne te demandera jamais de faire l’impossible, de faire des miracles, ça c’est son rayon à lui ! Toi, il ne te demande qu’une chose, c’est d’accepter de reconnaître ta pauvreté et de la lui offrir en lui faisant totalement confiance. La suite, ça le regarde, c’est son job de faire en sorte que ta pauvreté offerte puisse devenir nourrissante. Et ça, il sait vraiment faire !