Je ne vais pas revenir très longtemps sur la 1° lecture, je pense que ce que j’ai dit hier est suffisant pour comprendre qu’en parlant de l’amour sans arrêt, Jean ne radote pas. Par cette insistance, il donne un critère de vérification de la foi absolument imparable à tous ceux qui, attirés par la gnose, s’évadent dans la satisfaction de la connaissance. Dans le passage que nous avons entendu, il rajoute cependant où se trouve la source de l’amour dans lequel nous devons vivre : elle est en Dieu, l’amour vient de Dieu.
Bien évidemment, cette précision n’est pas un détail ! En effet, il peut nous arriver, à certains moments de notre vie d’être à sec, nous nous rendons compte que nous ne sommes plus capables d’aimer, d’ailleurs, sous une forme ou sous une autre, les autres peuvent nous le faire remarquer. Mais comment faire quand nous sommes à sec ? Comment faire avec un cœur qui se durcit dans lequel il n’y a plus d’élan ni pour Dieu, ni pour les autres ? Cette situation est extrêmement douloureuse parce que, comme prêtres, il nous arrive souvent donner de bons conseils aux autres, mais là, c’est nous qui sommes en danger et, au bout d’un moment, on n’en peut plus de faire semblant. Eh bien, c’est le moment de nous rappeler que la source de l’amour est en Dieu et de faire ce qu’il faut pour aller y puiser cet amour que nous n’avons plus en nous. Une retraite, c’est vraiment un temps favorable pour faire une vraie démarche qui nous permettra de ne plus crever de soif en étant pourtant assis à côté d’une source jaillissante et qui nous permettra aussi de donner à boire à tous ceux qui nous sont confiés et qui ont soif.
Venons-en à l’Evangile, un évangile qui est un vrai cadeau pour ce temps de retraite. Je voudrais souligner 5 points qui m’ont parlé dans ma méditation nocturne et fiévreuse !
1° point, c’est le regard de Jésus. Nous en avons déjà un peu parlé hier à propos de Simon-Pierre et du regard de Jésus qui s’est posé sur lui. Je vous citais le très beau chant de Noël Colombier : Oh, ce regard, je ne l’oublierai jamais. Pourquoi donc le regard de Jésus a-t-il cette force ? Parce que son regard est relié directement à son cœur et on peut même dire à ses « tripes. » « Jésus vit une grande foule et il fut saisi de compassion envers eux. » Vous le savez la compassion, dans la Bible, ce n’est pas un vague sentiment, mais ça vient des tripes, c’est un amour viscéral. Il y a tellement de situations et pire encore de personnes que nous regardons sans rien ressentir. Nous pourrions demander cette grâce de recevoir un regard de pasteur qui nous fasse entrer dans la compassion.
2° point, Jésus est dans la compassion parce qu’il voit que cette foule ressemble à des brebis sans berger. Des rabbis, des maîtres, ces braves gens n’en manquaient pas, il y avait même un trop plein ! Sans arrêt, il se trouvait quelqu’un qui leur disait en brandissant la loi, qu’ils n’étaient pas sur le bon chemin. Des rabbis, il n’en manquait pas, mais ce qui leur manquait, c’était des pasteurs. Vous connaissez, comme moi, les homélies stimulantes du pape François sur la mission de pasteur qui nous invite à ne pas vivre notre ministère comme des fonctionnaires avec des heures de bureau, mais à garder sur nous l’odeur des brebis.
Je me rappelle particulièrement cette homélie dans laquelle il expliquait que le vrai berger c’est celui qui se met à la bonne place selon les circonstances. Le bon berger, à certains moments, il doit marcher devant parce que le chemin n’est pas sûr, parce que le chemin est nouveau, il doit donc ouvrir la route. A d’autres moments, il doit se mettre derrière pour rester au pas des plus faibles et avoir une vision d’ensemble. A d’autres moments, il devra être au milieu pour rassurer et montrer qu’il n’est pas au-dessus. Nous pourrions demander cette grâce d’être un pasteur qui sait trouver la bonne place.
3° point, hier, dans le petit moment d’adoration que j’ai pu prendre, portant déjà la préparation de cette homélie dans ma prière, est montée dans mon cœur cette certitude que Jésus, présent dans le Saint-Sacrement nous regardait, nous aussi avec une très grande compassion parce que nous étions des pasteurs sans brebis ou du moins sans beaucoup de brebis et qu’il partageait notre souffrance apostolique. Nous pourrions aussi demander cette grâce de nous laisser rejoindre par le regard de Jésus, d’accueillir le réconfort de sa compassion.
4° point, voyant leur détresse, Jésus les enseigne longuement … mais il ne les enseigne pas comme les rabbis ! Plusieurs fois, il nous est dit dans l’évangile, qu’il enseignait avec autorité. C’est-à-dire que son enseignement savait rejoindre chacun, dans ses aspirations les plus profondes, pour l’aider à grandir. C’est ça l’autorité, c’est la grâce qui est donnée de pouvoir faire grandir ceux qui nous sont confiés. Nous pourrions demander cette grâce de quitter une attitude autoritaire pour accueillir l’autorité bienfaisante que le Seigneur veut nous confier.
5° point, donnez-leur vous-mêmes à manger ! Jésus sait bien que ce n’est pas possible de nourrir une telle foule de manière improvisée. Et c’est justement parce qu’il le sait qu’il le leur demande ! C’est comme s’il leur disait : si vous cherchez en vous et même autour de vous les ressources nécessaires pour nourrir ceux qui vous sont confiés, vous serez toujours trop justes. Eux, ils ont un appétit démesuré et vous, vous n’êtes que des pauvres et c’est d’ailleurs pour cela que je vous ai appelés ! Oui, tant mieux si nous sommes des pauvres et si nous le ressentons parfois douloureusement car nous serons alors contraints de puiser dans le cœur de Dieu cette nourriture que nous réclament ceux qui nous sont confiés. Comme je le disais, en Dieu la source est inépuisable et elle est toujours fraiche, le garde-manger est toujours bien garni. Si nous ne donnons que ce que nous avons, nous risquons souvent de ne pas donner beaucoup et ça risque d’être des fonds de cuve pas très bienfaisants. Nous pourrions demander cette grâce d’être un pasteur qui puise inlassablement dans le cœur de son maître et Seigneur pour nourrir sans compter ceux qui lui sont confiés.