8 avril : veillée pascale. Invitation à lire cet Evangile si connu et en même temps si nouveau !

Si nous ne voulons pas répéter, chaque année les mêmes choses, il nous faut être très attentifs aux particularités de l’Evangile que nous lisons. Cette année, nous lisons St Matthieu. En prenant une synopse, ce livre qui présente les Evangiles écrits en colonnes, on peut repérer ce qui est particulier à chaque évangéliste. C’est ce que j’ai fait et c’est ce que je vous partage dans cette homélie.

La 1° particularité de Matthieu concerne le but de la visite des femmes. Chez Marc et Luc, il est dit que les femmes avaient apporté des aromates pour accomplir les rites d’embaumement qui n’avaient pu être faits le vendredi. En effet, après la mort de Jésus, il avait fallu faire très vite, pour mettre son corps au tombeau avant que ne commence le sabbat. Il est mort vers 15h et la nuit tombe très tôt, vers 18h30. Le temps était donc très court, il fallait d’abord trouver un tombeau, ensuite demander à Pilate l’autorisation d’y mettre Jésus et le porter dans ce tombeau. Dans ce laps de temps si court, pas moyen de procéder aux rites funéraires habituels. Alors, au petit matin, les femmes se dépêchent d’aller faire ce qu’elles auraient dû faire le vendredi, au moment de la mise au tombeau, mais qu’elles n’ont pas eu le temps de faire. Oui, mais ça, c’est chez Marc et Luc.

Ici, dans l’évangile de Matthieu, il n’est pas question d’aromates, les femmes ne sont pas parties pour accomplir un rite funéraire. Le texte nous dit, et c’est peut-être encore plus beau, qu’elles sont parties juste pour regarder le tombeau.  C’est dire si Jésus leur manque ! Elles partent pour regarder le tombeau parce qu’elles pensent qu’elles seront mieux devant la pierre roulée qu’à tourner en rond dans la pièce où elles avaient passé la nuit sans dormir. Jésus leur manque tellement qu’elles ont besoin d’aller au tombeau, elles savent bien qu’elles ne le verront pas, que la pierre les en empêchera et puis elles savent qu’il est mort, mais il leur manque tellement qu’elles partent dès le lever du jour pour voir le tombeau.

Cet amour de ces femmes pour Jésus me touche beaucoup. Ça m’interroge et ça m’invite à nous interroger : Est-ce que nous souffrons vraiment quand nous faisons l’expérience de l’absence de Jésus au cœur de notre vie spirituelle ? Et qu’est-ce que nous faisons quand nous souffrons de l’absence de Jésus ? Est-ce que nous essayons de meubler cette absence avec n’importe quoi, des distractions au sens où Pascal entend ce mot ou est-ce que nous acceptons de laisser cette place douloureusement vide pour bien manifester que rien ni personne ne pourra jamais combler ce vide ?

2/ Le 2° détail qui me frappe, toujours propre à Matthieu et j’avoue avec honte que c’est la 1° fois que je le remarque ! J’ai honte et en même temps je suis heureux, ça veut dire que l’Evangile ne cessera jamais d’être nouveau ! Ce détail, c’est que les femmes assistent en direct à un événement étonnant. Chez Marc et Luc, la pierre est roulée quand elles arrivent, mais, chez Matthieu, vous avez entendu : Voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre ; l’ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre. Ça se passe en direct, les femmes assistent à l’événement ! Et la suite est très belle parce qu’on nous dit que les gardes étaient morts de trouille ! Vous savez, les juifs avaient voulu mettre une garde pour que les apôtres ne viennent pas voler le corps de Jésus et faire croire, ensuite, qu’il était ressuscité ! Eh bien, ces pauvres gardes, ils sont morts de trouille à cause de ce qu’ils voient, bien sûr, mais aussi à cause de ce qu’ils sont en train de comprendre car ils se demandent bien comment ils pourront l’expliquer à leurs chefs ! Les gardes sont morts de trouille, ce n’est pas du tout le cas pour les femmes qui pressentent que ce qu’elles espéraient sans oser se le dire est en train de s’accomplir. Attention, je ne suis pas en train de dire que les femmes ont vu Jésus en train de ressusciter, personne n’a été témoin de ce moment qui s’est accompli comme je l’ai expliqué cette après-midi aux retraitants, dans un grand silence. Mais là, le silence est rompu par un tremblement de terre qu’on peut interpréter comme un roulement de tambour parce que Dieu a quelque chose à dire de très, très, important par l’intermédiaire des anges : la mort est morte, Jésus est vivant ! Quelle déclaration, il fallait bien un roulement de tambour !

Le 3° détail qui m’a frappé, et il est encore propre à Matthieu, c’est la position de l’ange. Et, là encore, je ne l’avais jamais remarqué. Chez Marc et Luc, l’ange ou les anges sont dans le tombeau. Là, chez Matthieu, il est assis au-dessus de la pierre qu’il vient de rouler. 

Je ne sais pas comment vous visionnez cette scène, mais moi, elle me fait penser à ces photos sur lesquelles on voyait des chasseurs en Afrique qui viennent de tuer un lion. Vous savez, ils posent fièrement avec un pied sur la bête qu’ils ont terrassée. Eh bien, pour moi, l’ange, assis sur la pierre, il prend, lui aussi, la pause pour que ça soit bien clair : la bête a été terrassée, vous avez bien entendu : la mort est morte ! Ça signifie que ce qui est arrivé dans cette nuit ne concerne pas seulement Jésus, même si ça le concerne en 1° lieu, mais ce qui est arrivé a des conséquences pour toute l’humanité. La mort n’aura plus jamais le dernier mot. C’est cette certitude de foi qui fait que Paul pourra s’écrier : « La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? » 1 Co 15,54. C’est sans doute aussi ce que signifie le tremblement de terre qui ébranle tous les tombeaux qui perdent ainsi leur étanchéité, si j’ose m’exprimer ainsi ! La mort ne peut plus être enfermée, la vie de Dieu peut s’infiltrer jusque dans les tombeaux que la résurrection de Jésus vient faire craqueler. En cette nuit de Pâques, il y a comme une inversion du cours de l’histoire : la vie ne conduit plus à la mort, mais vers plus de vie, même si, bien sûr, il nous faut encore passer par la mort, mais la mort n’est plus qu’un passage qui permet le dépouillement nécessaire pour que nous puissions éternellement mener une vie désencombrée. 

Le 4° détail que je vous partage concerne l’attitude extraordinaire des femmes. L’ange envoie les femmes évangéliser les disciples, évangéliser, c’est-à-dire leu annoncer la Bonne Nouvelle de la résurrection. Elles partent remplies de joie, elle est tellement extraordinaire cette bonne nouvelle qu’elles se mettent à courir, ! Oui, mais, en partant si vite, elles ont oublié un détail et quel détail ! C’est pour rattraper cet oubli que Jésus lui-même les rejoint. Elles sont parties très vite, enthousiasmées par la nouvelle qui leur avait été révélée, mais Jésus ressuscité, elles ne l’avaient pas rencontré. Comment auraient-elles pu évangéliser sans avoir fait cette rencontre avec Jésus ressuscité ? On ne peut pas évangéliser en ne parlant que de ce qu’on nous a dit, même si c’est un ange qui nous l’a dit ! Dans l’évangélisation, les meilleurs ne sont pas ceux qui développent la meilleure argumentation, mais ceux qui ont fait une rencontre bouleversante avec le ressuscité et qui en témoignent. D’ailleurs, avant même qu’ils ne parlent, on lit sur leur visage que ce qu’ils ont à dire est une vraie bonne nouvelle. Demandons cette grâce, en cette nuit de Pâques de refaire cette expérience bouleversante d’une vraie rencontre avec Jésus ressuscité pour que notre évangélisation puisse devenir vraiment féconde.

Enfin, le 5° et dernier détail que je veux souligner, c’est le geste des femmes qui saisissent les pieds de Jésus, c’est un détail touchant. Les pieds de Jésus, Marie-Madeleine qui est l’une des deux femmes présentes, les avait oints de ce parfum précieux dont les spécialistes nous disent qu’il était un parfum si pur que l’odeur imprégnait celui qui le recevait pour plusieurs jours. Oui, parce que moi, encore plus depuis ma retraite à la Sainte Baume, je pense, avec la grande tradition de l’Eglise, que Marie de Bétahanie, Marie-Madeleine et la pécheresse c’est la même personne ! Quand elle voit Jésus, elle le prend donc par les pieds et là, pour elle, il n’y a pas de doute, c’est bien lui ! Ses pieds, elle les connait par cœur, par le cœur, et peut-être qu’il reste quelques traces olfactives de ce parfum qu’elle avait répandu sur lui pour le préparer à son ensevelissement. Rappelez-vous la veillée de mardi, c’est ainsi que Jésus avait expliqué le geste de Marie.

Alors, après, on pourra bien malmener leur témoignage en pensant, comme le dit un autre évangile, que ce sont des racontars de bonne femme, elles, elles s’en fichent, elles ont rencontré Jésus ressuscité, et elles ont eu la preuve que c’était bien lui … alors ce que pensent et disent les autres, ça leur est bien égal. Vous voyez que c’est très beau parce que c’est le geste d’amour que Marie avait fait pour Jésus qui lui permettra de le reconnaitre. Quand nous allons rencontrer Jésus dans la prière, nous pouvons nous dire qu’il saura toujours donner à nos gestes d’amour une valeur et une portée que nous n’aurions pas osée imaginer. Quand nous allons devant le Saint Sacrement alors que nous n’en n’aurions pas envie, quand nous restons devant le St Sacrement, alors que ça ne nous dit plus rien, quand nous servons un frère ou une sœur alors que ce service nous coûte… ces marques d’amour ne servent pas à nous accumuler des mérites pour l’au-delà, ces marques d’amour, Jésus saura les mettre en valeur et nous les rendre en joie quand il se donnera à rencontrer au milieu de nos épreuves.

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    « La vie de Dieu s’infiltre jusque dans nos tombeaux… »

    « Connaître par coeur, connaître par le coeur »…

    Sainte fête de Pâques !

  2. Adéline

    Je re-lis et j’en re-découvre…

    « Roulement de tambour: la mort est morte! » Alléluia !

Laisser un commentaire