Le grand théologien protestant allemand Karl Barth était aussi chargé de la formation des élèves pasteurs et il aimait leur rappeler que s’ils voulaient faire de bonnes prédications, chez les protestants on parle plus de prédication que d’homélie, il leur fallait avoir dans une main la Bible et, dans l’autre main, le journal. C’est-à-dire qu’il faut toujours se poser la question : qu’est-ce que la Parole peut me dire, comment elle me rejoint dans ma situation aujourd’hui, pour m’encourager, m’interpeler. C’est ainsi que nous, les prédicateurs, même si les textes reviennent tous les 3 ans, nous pouvons quand même faire des homélies nouvelles parce que, ce qui a changé, c’est la situation. Si la Parole est la même, moi je ne suis plus le même parce qu’en 3 ans, le monde bouge, les événements de l’actualité ne sont plus les mêmes.
Alors prendre la Bible dans une main, c’est facile, ça consiste à écouter avec attention les textes que nous venons d’entendre. Si nous prenons le journal, dans l’autre main, que pouvons-nous retenir ? Eh bien, aujourd’hui, je retiendrai l’actualité de l’Eglise qui nous propose de célébrer cette messe en étant dans une communion particulière avec nos frères et sœurs malades et nos frères et sœurs soignants, tous ceux qui se donnent pour soulager, les corps, les esprits, les âmes et les cœurs de ceux qui sont en souffrance. C’est à eux de manière toute particulière que s’adresse ces paroles de Jésus qui dit : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. » Le sel, il est vraiment indispensable pour donner du goût, ceux qui font un régime sans sel, savent très bien que, lorsque le sel manque, la saveur s’installe. La lumière est aussi indispensable, nous avons besoin de la lumière du soleil et quand il joue trop longtemps à cache-cache, on finit par déprimer et quand il y a une panne d’électricité, ce n’est pas très confortable de se retrouver le soir sans lumière. Là encore, les personnes mal-voyantes ou carrément non-voyantes pourraient dire à quel point il est difficile de vivre dans la nuit permanente. « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » c’est donc une autre manière de dire que la place de nos frères et sœurs malades, handicapés, affaiblis, soumis aux misères du grand âge tiennent une place très importante. Et, par ricochet, il en va de même pour les personnes qui donnent le meilleur d’elles-mêmes dans le soin des personnes souffrantes.
Vous savez que cette journée du malade, ce dimanche de la santé a toujours lieu dans la proximité de la fête de Notre Dame de Lourdes, la 1° apparition a eu lieu le 11 février. Et, à Lourdes qu’est-ce qui se passe ? ce qui se vit est une anticipation du Royaume de Dieu qui renverse les valeurs du monde. Dans le monde, quand vous allez à une réunion, à un spectacle, quand une personnalité est en visite, les premières places sont toujours réservées pour les dignitaires. A lourdes, c’est l’inverse, plus vous êtes malade et cassé plus vous allez vous retrouver à la première place. C’est pour cela que je dis que c’est une anticipation du Royaume de Dieu dans lequel, les premières places sont pour les petits comme au temps du ministère de Jésus, les premières places étaient pour les petits.
Ça ne veut pas dire que nous serons relégués sur les strapontins car, des premières places, au Royaume, il n’y a que ça ! Mais pour être invités à les occuper, ces premières places, il faudra que nous acceptions de reconnaître que nous sommes fondamentalement des petits, et donc, que nous demandions pardon pour tout ce que nous avons laissé nous encombrer, qu’il s’agisse de nos richesses gardées égoïstement, de notre réputation soignée en cachant hypocritement nos faiblesses … Les pauvres, et aujourd’hui, plus particulièrement les malades eux, leurs épreuves les ont désencombrés en permanence, au Royaume, il n’y aura donc aucune difficulté pour qu’ils puissent répondre à l’amour du Seigneur qui les appelle à passer par la porte étroite.
« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » frères et sœurs malades, il faudrait que nous apprenions, comme à Lourdes, comme dans le Royaume à vous faire plus de place, à vous donner la première place. C’est vrai que trop souvent nous ne vous donnons pas assez de place dans nos journées en passant du temps avec vous, dans notre cœur en vous comblant d’attention et même dans notre prière. Nous ne vous donnons pas assez de place alors que vous êtres irremplaçables puisque « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. » Par votre seule présence, vous nous rendez meilleurs, nous obligeant à vivre un peu plus dans l’amour.
En préparant cette homélie, je repensais à Olivier que tous les ambarrois d’une certaine génération ont bien connu, le fils de Geneviève et Michel. J’espère que l’émotion ne me gagnera pas trop en évoquant Olivier. Il était très handicapé, mais il était au cœur de la vie paroissiale. Comme Geneviève et Michel animaient souvent les chants, ils venaient en avance à la messe et, évidemment, Olivier les accompagnait. Il était là, dans son fauteuil, guettant l’arrivée des paroissiens et, il se mettait à gesticuler dès qu’il voyait arriver quelqu’un, nous comprenions bien qu’après avoir salué le Seigneur en entrant dans cette église, il fallait aller saluer Olivier, l’embrasser et, alors, son visage s’illuminait d’un sourire qui nous faisait comprendre l’essentiel, qui nous rendait meilleurs. Le jours de ses funérailles, il y avait autant de monde qu’il pouvait y en avoir pour les funérailles d’une personnalité car Olivier était devenu une personnalité si importante dans notre communauté. Bien mieux que les prêches du curé, Olivier faisait avancer les paroissiens sur le chemin de l’amour, dans sa fragilité, il était capable de tirer toute une paroisse vers le haut.
Tous ceux qui sont en contact avec des petits, des malades, des personnes cassées par la vie comprennent sans difficulté la portée de cette parole de Jésus adressée à ces mêmes personnes : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. » Alors frères et sœurs valides et bien-portants si nous ne voulons pas que nos vies soient fades et ténébreuses, donnons-leur leur vraie place, arrêtons de les reléguer, ils souffrent assez comme ça. Et ne pensons pas que c’est uniquement en faisant pour eux qu’on les aidera le plus … oui, c’est bien clair, ils sont souvent besoin de nous, des soins que peuvent apporter les soignants mais ce qui les aidera le plus, c’est de découvrir qu’ils peuvent devenir nos maîtres en tant de domaines. Ils sont le sel de la terre et la lumière du monde, si nous voulons progresser sur le chemin de l’amour, mettons-nous à leur école !
Vous le savez sans doute, je suis désormais dans un Foyer de Charité, ces Foyers ont été fondés par une jeune femme, Marthe Robin, car elle était jeune à l’époque. Dès l’âge de 16 ans, une terrible maladie s’est abattue sur elle qui, à 24 ans la laissera paralysée et quasiment aveugle sur son lit pendant plus de 50 ans. Des dizaines de milliers de personnes sont venus la voir et continuent à venir prier dans sa chambre. 80 foyers de Charité sont nés dans le monde grâce à elle. « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. » Ce ne sont pas des paroles de consolation, c’est la vérité !
Très belles paroles mon père (même si on sait que c’est le saint esprit qui vous les souffle^^)! Trop bonne idée les homélies 2.0!
À quand le retour des schtroumpfs et des bouquetins dans les homelies?^^
Merci pour ton commentaire Olivier, tellement content de te lire et de lire cette évocation de grands et beaux moments vécus ensemble par la grâce du Seigneur !