Nous sommes dans l’Evangile de Jean, je vous retrace rapidement la chronologie post-pascale chez St Jean. De fait, c’est un peu difficile de repérer une chronologie parfaitement cohérente entre les 4 évangiles. J’espère que ça ne vous choque pas ! Ceci dit, il faut quand même se rassurer car ce ne sont des nuances qui différent dans la succession des événements. Mais je lisais un jour, sous la plume d’un exégète que ces différences sont une preuve de l’authenticité des Evangiles. De fait, si les Evangiles avaient inventé la plus grande partie l’histoire de Jésus, ceux qui auraient mis en place cette supercherie auraient bien pris soin de faire coïncider tous les détails dans les 4 évangiles pour que leur récit inventé soit recevable. Eh bien, dans les évangiles, ce n’est pas comme ça, il y a des détails qu’on a du mal à faire accorder.
Donc voilà la chronologie de St Jean : Marie-Madeleine va au tombeau avant le lever du jour, voyant la pierre roulée, elle ne va pas plus loin et court prévenir les apôtres. Pierre et Jean se rendent vite au tombeau, Jean arrive le 1°, il laisse entrer Pierre qui ne voit rien sinon le tombeau vide et les linges posés. Quant à Jean, devant ce qu’on peut appeler cette absence réelle de Jésus dans le tombeau en référence à sa présence réelle dans le Tabernacle, il nous est dit : il vit et il crut… mais, je fais remarquer que ni l’un ni l’autre n’ont vu Jésus. Marie-Madeleine retourne au tombeau et là, elle va rencontrer Jésus qui l’envoie annoncer la bonne nouvelle de sa résurrection aux apôtres, il ne nous est rien dit sur la manière dont les apôtres ont reçu cette annonce. Mais le soir venu, Jésus vient, alors que les portes étaient fermées et il donne un acompte de Saint-Esprit en les envoyant en mission. Problème, Thomas n’était pas là et il refuse de croire les autres su parole, il veut voir et toucher Jésus. Cet entêtement de Thomas est comme une belle aubaine pour les 10 autres, ils ne sont pas obligés de partir tout de suite en mission ! Oui, parce que ça devait quand même leur faire peur cette mission : comment trouver les bons mots pour dire ce que personne n’acceptera de croire : le crucifié est vivant ! Et ne risquent-ils pas de se faire arrêter eux aussi et subir le même sort que Jésus ? Ila réaction obstinée de Thomas qui veut rencontrer Jésus, leur permet de gagner un peu de temps, ils sont obligés d’attendre que Jésus se manifeste à Thomas. Huit jours plus tard, Jésus vient, ça sera l’Evangile de dimanche. Ça veut donc dire, qu’après l’apparition à Thomas, plus rien ne les empêche de partir en mission, de mettre en œuvre la consigne de Jésus qui leur a dit, huit jours plus tôt : « de même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie, À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Ils sont partis, ils sont retournés en Galilée, nous savons par le témoignage des autres évangélistes que Jésus leur avait donné rendez-vous là-bas. Mais, vous l’avez entendu dans le texte d’aujourd’hui, au lieu d’aller en mission, ils vont à la pêche ! Et celui qui a eu cette excellente idée (enfin quand je dis excellente, j’espère que vous comprenez que c’est ironique !), celui qui a eu cette excellente idée, c’est Pierre. Vous vous rendez compte, le pape part à la pêche et, en plus, il emmène tous les cardinaux avec lui … alors que Jésus les a envoyés en mission ! On croit rêver ! Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner qu’ils passent toute la nuit sans rien prendre ! Quand on n’est pas là où Jésus nous a envoyés, nos actions ne peuvent pas porter de fruit !
Dans cet épisode, il y a un avertissement pour nous. Les apôtres viennent de vivre des jours qui ont totalement bouleversé leur vie et, maintenant, assistés par le Saint Esprit dont ils ont reçu comme un acompte quand Jésus est venu les visiter le soir du 1° jour, il leur faut inventer un nouvel avenir. Mais voilà que devant cette page blanche à écrire, ils ont peur et cèdent à la tentation de recommencer comme avant, de reprendre leur vie là où ils l’avaient laissée. Et c’est bien parce qu’ils n’osent pas inventer cet avenir, parce qu’ils retournent aux sécurités du passé, parce qu’ils n’osent encore pas vraiment faire confiance au St Esprit, qu’ils vont peiner une nuit sans rien prendre. C’est comme une leçon qui leur est donnée pour la suite : à chaque fois que vous aurez peur, à chaque fois que vous chercherez la sécurité, à chaque fois que vous ne compterez pas sur le St Esprit, vous vous donnerez beaucoup de peine, mais pour rien !
Ce que je trouve encore formidable dans cet Evangile, c’est l’attitude de Jésus. Parce que, moi, je sais ce que j’aurais dit aux apôtres si j’avais été à la place de Jésus ! Je peux vous dire qu’ils auraient pris un bon savon ! Eh bien, non seulement Jésus ne leur fait pas de reproches, non seulement il ne leur donne pas une leçon de morale, mais il va accomplir un miracle pour eux : une pêche miraculeuse. Et cette pêche miraculeuse, dans ce contexte, elle a un sens particulier. En effet, dans l’évangile de Luc, l’appel des 4 premiers disciples dont Pierre se fait après une pêche miraculeuse. Puisqu’ils retournaient à leurs anciennes amours au lieu de partir en mission comme Jésus le leur avait demandé, leur départ à la pêche peut être interprété comme une démission, au sens étymologique, c’est-à-dire une fuite de la mission. Que fait Jésus quand il les rejoint ? Il ne leur fait pas de reproches, il leur offre cette pêche miraculeuse, il les renouvelle dans leur vocation première, il les ramène à ce jour béni où ils avaient décidé de tout quitter pour le suivre. Jésus a compris que ce dont ils avaient le plus besoin après tous ces jours qui les avaient quand même bien chahuté, c’était de replonger dans leur vocation, de retrouver l’élan 1° de leur vocation, c’est pour cela que, comme au jour du 1° appel, il leur offre cette pêche miraculeuse.
Là encore, nous pouvons retenir la leçon ! Quand nous connaissons des coups de mou, quand nous ne savons plus bien où nous en sommes, ce dont nous avons le plus besoin, c’est de refaire une vraie rencontre avec Jésus et lui demander qu’il nous fasse la grâce d’être reconduits à la source de notre vocation.
Je termine en soulignant l’attitude de Pierre, si belle attitude de Pierre. Parce que si je sais ce que j’aurais dit si j’avais été à la place de Jésus, je sais aussi ce que j’aurais fait si j’avais été à la place de Pierre. C’est sûr que je ne me serai pas jeté à l’eau pour arriver le premier vers Jésus ! Parce que, en se jetant à l’eau et en arrivant 1°, c’est la 1° rencontre en tête-à-tête, entre Pierre et Jésus depuis le triple reniement. Moi, j’aurais plutôt envoyé Jean en éclaireur en lui disant : va lui parler de moi, et si tu te rends compte qu’il ne m’en veut pas trop, fais-moi un signe et je viendrai ! Non, Pierre, il est sans calcul, quand il comprend que c’est Jésus, alors, tout de suite, il se jette à l’eau et il retrouve ainsi spontanément sa place de premier de cordée.
Peut-être que ce qui l’a encouragé à se jeter à l’eau, ce les paroles que nous avons entendues, paroles qu’il prononcera dans le discours après la guérison du boiteux de la belle-porte, peut-être que ces mots, le Saint-Esprit, les a fait peut-être monter dans son cœur quand il a entendu Jean lui dire : c’est le Seigneur ! Oui peut-être qu’il a entendu le St Esprit lui susurrer ces mots qu’il reprendra, un mois ½ ou deux mois après, avec tant d’assurance devant les chefs du peuple, les anciens, les scribes, Hanne le grand prêtre, Caïphe et tous ceux qui appartenaient aux familles de grands prêtres. : « En nul autre que Jésus, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse les sauver. » S’il a pu dire ces paroles devant ce tribunal si hostile, c’est que ces paroles étaient déjà gravées dans son cœur. Et il me plait de penser que c’est dans la barque que le St Esprit lui a susurré ces paroles comme pour lui dire : vas-y, jette-toi à l’eau, va le rencontrer le plus vite possible pour être revêtu de sa miséricorde car « en nul autre que Jésus, il n’y a de salut, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse les sauver.
Alors, prions pour que, dans les moments difficiles de notre vie, quand nous aurons le sentiment d’avoir, nous aussi, renié Jésus, prions pour que ce ne soit pas une honte paralysante qui nous empêche de courir vers Jésus mais que ce soient ces mots-là que le Saint Esprit fasse monter dans nos cœurs et que ces mots nous donnent le courage et le désir de nous jeter à l’eau pour rejoindre les bras de Jésus déjà ouverts pour nous donner l’accolade de la miséricorde.