15 avril – puissance de Dieu entre nos mains … d’où viennent nos déceptions ?

« De l’or et de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » C’est une des paroles de l’Ecriture qui me marque beaucoup et cela pour deux raisons.

La 1° raison, c’est que j’aurais trop aimé être avec eux pour voir la tête de Jean et même la tête de Pierre quand cette parole a été prononcée ! Jean a dû se demander : mais qu’est-ce qui lui prend ? Et Pierre lui-même a dû se demander quelle mouche l’avait piqué pour oser dire un truc aussi énorme. Peut-être a-t-il pensé immédiatement au moment où, voulant fanfaronner devant les autres, il avait demandé à Jésus de pouvoir marcher sur les eaux du lac ! Oui, parce que vous assistez en direct au premier acte de puissance accompli par les apôtres en l’absence de Jésus … car dans ce texte nous sommes après l’Ascension et la Pentecôte. Seulement, là, Pierre ne fanfaronne plus, il s’appuie uniquement sur sa foi, cet acte de puissance, il le fait « au nom de Jésus Christ. »  Oui, la parole de Pierre est une parole complètement folle, il ose croire que, désormais, la puissance par laquelle Jésus accomplissait des miracles est entre leurs mains à eux les apôtres. C’est la fameuse parole de Paul que je vous citais à la veillée pascale et dont j’ai retrouvé la référence : « Dieu déploie pour nous les croyants une puissance incomparable : cette puissance incomparable, c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. » Eph 1,19-20 C’est bien parce que cette puissance est entre nos mains que Pierre peut oser cette parole. Mais du coup, nous sommes interrogés : Est-ce qu’il nous arrive de poser de vrais actes de foi ? Je ne dis pas que nous sommes tous obligés d’essayer de faire des miracles … même si, aujourd’hui, dans l’Eglise, on retrouve à ce niveau une belle audace. Si vous vous interrogez pour savoir si votre foi est assez audacieuse, je ne peux que vous inviter à lire le très beau livre du frère Baudouin Ardillier qui vient faire un camp aux Mandailles l’été et que j’espère pouvoir faire intervenir dans la retraite que je prêcherai cet été … si le coronavirus est rentré à sa niche ! Son livre s’appelle justement : « le temps des audaces » et nous invite à vivre une foi plus audacieuse. Lui qui était un frère de St Jean, bien rangé, bien classique a été mis au pied du mur et il a vu que c’était bien vrai : « Dieu déploie pour nous les croyants une puissance incomparable : cette puissance incomparable, c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. »

La 2° raison pour laquelle j’aime cette parole d’audace, c’est parce qu’elle m’a beaucoup accompagné dans mon ministère d’aumônier de prison. Quand j’allais voir les détenus, j’étais souvent confronté à des situations extrêmement compliquées. Certains se retrouvaient dans une solitude extrême, conséquence de leurs actes, un dénuement financier total, des soucis de santé … Il y avait tellement de problèmes que je me sentais totalement démuni. Et vous savez, quand on se sent démuni, il y a deux tentations qui peuvent nous guetter. La 1° tentation, c’est de fuir, de ne pas revenir, parce que c’est trop douloureux de se sentir impuissant. C’est ce que nous faisons parfois avec les personnes qui souffrent trop. La 2° tentation, c’est de dire : puisque je ne peux pas tout résoudre, je ne fais rien, je baisse les bras. Pour que je ne cède à aucune de ces deux tentations qui m’assaillaient si souvent, régulièrement, montait en moi cette parole de Pierre : « De l’or et de l’argent, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » 

Et j’accompagnais le détenu sur un chemin de foi, je l’aidais à mettre sa confiance en Jésus qui ne changerait pas sa situation d’un coup de baguette magique mais qui l’accompagnerait pour qu’il ne soit pas submergé par tous ses problèmes et j’en ai même vu qui, osant cette démarche, découvraient une joie qu’ils n’avaient jamais connu ! Quand nous sommes démunis, cette parole doit raisonner en nous. Dans son message pour le carême 2006, Benoit XVI avait dit une parole qui résume bien cela : « Celui qui ne donne pas Dieu, donne trop peu. » 

Quant à l’évangile des disciples d’Emmaüs que nous connaissons bien, il est tellement riche qu’on pourrait prêcher toute une retraite juste sur ce texte ! Je soulignerai juste deux points.

1/ C’est d’abord la déception des deux disciples qui a retenu mon attention. J’aime beaucoup découvrir que Jésus ne les fait pas taire. « Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. » On sent bien toute la déception qui les habite dans cette petite phrase. Jésus les écoute et ne les reprend pas, il les laisse vider leur sac. Je l’avais déjà évoqué en parlant de Jérémie, mais je veux le redire aujourd’hui encore : jamais Jésus ne nous fera taire quand nous lui confierons notre déception sur tel ou tel sujet. Il nous écoutera toujours jusqu’au bout ! 

Après quand il nous aura bien écouté, il nous posera une seule question : dis-moi, est-ce à cause de moi que tu es déçu ou à cause de toi ? C’est une intervention du pape François pour les prêtres de Rome qui m’a ouvert à cette interrogation si importante. Le pape invitait les prêtres à réfléchir loyalement, lucidement sur leurs déceptions dans le ministère, déceptions qui les plongent dans l’amertume. C’était pour des prêtres, mais ça peut facilement s’adresser à chacun de nous. Je le cite : « Il faut bien réfléchir : est-ce le Seigneur qui nous a déçus ou bien est-ce nous qui avons confondu l’espérance avec nos attentes ? L’espérance chrétienne, en réalité, ne déçoit pas et n’échoue pas. Espérer, ce n’est  pas se convaincre que les choses iront mieux, mais que tout ce qui arrive a un sens à la lumière de Pâques… Quelle différence y a-t-il entre attente et espérance ? L’attente naît quand nous passons notre vie à sauver notre vie : nous nous donnons du mal à chercher des sécurités, des récompenses, des promotions… Quand nous recevons ce que nous voulons, nous avons presque l’impression que nous ne mourrons jamais, que ce sera toujours ainsi ! Parce que c’est nous qui sommes le point de référence. L’espérance, c’est quelque chose qui naît dans le cœur quand il se décide à ne plus se défendre. Quand je reconnais mes limites, et que tout ne commence pas et ne finit pas avec moi, alors je reconnais combien il est important d’avoir confiance… J’espère non pas lorsqu’il n’y a plus rien à faire, mais quand je cesse de me donner du mal uniquement pour moi. L’espérance s’appuie sur une alliance : Dieu m’a parlé et m’a promis, le jour de mon ordination, que ma vie serait pleine et avec le goût des Béatitudes ; certes avec des tribulations, mais belle. Ma vie a de la saveur si je vis Pâques, pas si les choses vont comme je le dis ! »

Et, voyez-vous, cette analyse du Pape nous invite à nous interroger : n’est-ce pas la même chose quand nous sommes déçus vis à vis de certaines personnes ? Ce n’est pas forcément l’autre qui est décevant, ce sont mes attentes projetées sur l’autre qui sont déçues. Et donc, bien souvent, je suis déçu parce que, en fait, l’autre ne pouvait pas m’apporter ce que j’espérais… parce que, la plupart du temps j’espère tellement que, Dieu seul pourrait m’apporter ce que j’espère ! Peut-être même qu’on pourrait dire la même chose vis-à-vis d’une communauté et des déceptions que nous pouvons éprouver. Alors, il ne faudrait pas que ces déceptions nous détournent des autres, de la communauté et nous fassent nous replier sur nous-mêmes, il faudrait, au contraire que ces déceptions nous nous permettent d’arrêter d’idolâtrer les personnes, les relations, les communautés et nous tournent plus vers Dieu. Et, d’ailleurs, peut-être, deviendrons-nous ainsi plus lucides aussi sur nous-mêmes, comprenant que nous ne pouvons pas tout apporter aux autres, Dieu seul peut tout en se donnant totalement. C’est donc à lui qu’il faut conduire ceux qui nous demandent trop ou ceux qui demandent trop à une communauté.

2/ Le 2° point que je retiens c’est « le cœur brûlant », brûlure qui provient de cette rencontre avec le ressuscité venu nous rejoindre précisément au cœur de nos déceptions provoquant l’amertume dans nos cœurs. Mais ce point, je ne veux pas le développer, je voudrais que chacun, nous puissions demander maintenant au St Esprit de faire remonter à notre mémoire un de ces moments où nous avons fait l’expérience du cœur brûlant.

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