Je pense que lorsque nous allons arriver au paradis, nous allons trouver tout un tas de bornes inter-actives qui seront mises à notre disposition. J’espère que le Bon Dieu m’entend et que s’il ne les a pas prévues, il va vite les installer. Mais je suis à peu près sûr qu’il y en a … le père Clément est sûrement déjà affairé sur l’une de ces bornes. Oui, il y en aura une multitude et avec un réseau très performant, je me suis retenu pour ne pas dire qu’il y aura un réseau d’enfer ! Sur ces bornes, on trouvera tout parce qu’il va bien falloir s’occuper car l’éternité, par définition, ça sera long, surtout à la fin comme disait un humoriste ! Bien sûr, on va chanter les louanges de Dieu et ça sera notre activité principale, mais, justement, à la différence de la terre, on pourra se livrer à une activité sans jamais cesser de chanter les louanges de Dieu, nous serons en sa présence et cette présence, nous ne la quitterons jamais quoique nous fassions.
Je reviens à mes bornes inter-actives, je suis sûr qu’il y aura un programme absolument génial que tout le monde consultera parce qu’il permettra de visualiser notre vie, étape par étape. Mais ce qui sera très intéressant, c’est que nous pourrons enfin voir ce que nous ne pouvions pas voir quand nous étions dans notre vie. Je pense que vous ferez comme moi, vous irez tout de suite voir les étapes plus compliquées et là, il y aura, sur l’écran plusieurs propositions, vous pourrez découvrir combien de personnes ont prié pour vous, je ne suis pas sûr que les noms soient accessibles, ni la durée des prières qui ont été faites ! Vous verrez aussi tous les gestes de bienveillance, toutes les marques d’attention dont vous avez bénéficiés et que vous n’aviez pas vu dans le moment tellement vous étiez englués dans votre souffrance. Vous pourrez voir exactement ce que faisait votre ange gardien, tous les efforts qu’il a déployés, toutes ces allées et venues pour informer le bureau-chef de la situation ! Vous verrez comment la Vierge Marie vous a accompagné, comment elle vous a couvert de son manteau de protection et, bien sûr, vous verrez tout ce que le Seigneur lui-même a fait en votre faveur. Et là, nous serons vraiment scotchés de mesurer tout ce qui a été fait pour nous dans une union si impressionnante du ciel et de la terre.
Restera une question, mais dans l’éternité les questions auront cet avantage d’être réglées au moment où elles surgissent. Cette question, nous la poserons à l’ange informaticien chargé de nous guider dans cette recherche, j’espère que ça rassure les nuls en informatique et en borne inter-actives de savoir qu’il y aura un ange informaticien qui nous guidera, peut-être d’ailleurs que ça sera notre ange gardien ! La question que nous lui poserons risque bien d’être celle-là : comment se fait-il avec un tel déploiement de force autour de moi, j’en ai tellement bavé à certains moments ? Et là, l’ange nous répondra sans hésiter : Mt 11, 25-30 ! Et, comme dans l’éternité, nous n’aurons plus de difficulté pour trouver la référence quand nous aurons la Parole ou pour trouver la Parole quand nous aurons la référence, nous comprendrons tout de suite qu’il s’agit de l’Evangile de ce dimanche et plus précisément du passage où il est question du joug.
Les paysans de l’ancien temps qui travaillaient avec des bœufs savaient très bien qu’il ne fallait jamais atteler deux bœufs qui n’étaient pas de force égale sinon le plus fort risquait de s’épuiser tandis que le plus faible ne ferait pas grand-chose. Je n’ai pas de chiffre précis, mais on peut estimer que le plus fort devait déployer 75% des efforts quand le plus faible n’en fournirait que 25% ! Alors appliquons cela à l’Evangile d’aujourd’hui. Quand Jésus nous propose de prendre son joug, il nous propose donc de tirer avec nous, de porter avec nous pour que nous ne nous épuisions pas en restant seuls, pour ne pas être écrasés par le poids de ce que nous aurions à porter seuls. Mais il est bien évident que dans cet attelage, les forces ne sont absolument pas égales, le fort, c’est lui, Jésus, c’est donc lui qui va se payer le plus difficile, c’est lui qui va déployer 75% des efforts, et il le fera sans rechigner.
Du coup, devant la borne inter-active quand je vais revoir mes moments de plus grande souffrance où j’ai eu l’impression d’être au bout de ma vie tellement ce que j’endurais était insupportable, je comprendrai que pour Lui, Jésus, ça a dû être terrible. Si le poids de 25% des problèmes m’écrasait, je peux imaginer ce qu’il a souffert en portant les 75% restants d’autant plus que je n’étais pas seul, il faisait la même chose avec tous les autres.
Alors nous comprendrons mieux pourquoi il est tombé, à 3 reprises, sur le chemin de croix. Il ne voulait pas que nous soyons écrasés, il a préféré que ce soit lui. Ce que je suis en train de dire là n’est pas destiné à nous faire taire quand nous nous plaignons, le Seigneur ne nous fera jamais taire, il comprend bien que 25% ça soit déjà énorme, et même trop. Non, ce que je dis là est juste destiné à nous aider quand nous n’en pouvons plus, à nous aider à tenir. Dans ces moments-là, rappelons-nous du joug et croyons qu’il est là, à nos côtés, qu’il prend 75% de la charge et qu’il fait ce qu’il faut pour que nous ne soyons pas submergés.
Du coup, au cœur de nos difficultés pourra jaillir l’expression de notre gratitude et nous pourrons nous mettre à chanter : que serai-je sans toi ? C’est un peu le sens de la 1° lecture que nous avons entendue : Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Quand le prophète Zacharie écrit ces mots de la part du Seigneur, il n’y avait vraiment aucune raison objective à pousser des cris de joie. Nous sommes au moment où les Grecs, avec leur empereur Alexandre, s’imposent comme les maîtres du monde et donc de ce tout petit pays qu’est Israël. C’est le début d’une période extrêmement troublée qui conduira l’occupant à vouloir helléniser tous les pays, toutes les cultures sous sa domination. Les jeux du stade seront installés un peu partout avec des hommes se livrant des combats complètement nus, choc terrible pour les hébreux si pudiques. Et ça, ce n’est encore rien puisque viendra le jour où c’est le Temple lui-même qui sera hellénisé avec l’arrivée de la statue de Zeus dans le Saint des Saints, le lieu le plus sacré du Temple. Manifestement, le temps n’est pas à la jubilation et pour tant Dieu inspire ces paroles à son prophète Zacharie : Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! En plus, il lui annonce déjà la victoire finale : les chars de guerre et les chevaux de combat disparaitront, l’arc de guerre et toutes les armes seront brisées pour que la paix s’impose à toutes les nations et, merveille suprême, l’amour victorieux du Seigneur s’étendra d’une mer à l’autre, de l’Euphrate à l’autre bout du pays, c’est-à-dire que personne n’en sera exclu.
Dieu révélait déjà à Zacharie que dans les heures les plus sombres de son histoire, le peuple choisi pouvait être certain que la présence et l’assistance de son Dieu ne lui ferait jamais défaut. Et tout ça, le peuple de la promesse pourra aussi le vérifier sur les bornes inter-actives du paradis. Il pourra vérifier que Dieu a tenu parole alors que, pour les juifs, la question de la Shoah reste encore une terrible question posée à Dieu : où étais-tu ? Delphine Horvilleur, cette femme rabbin, raconte cette histoire de deux juifs, rescapés des camps de l’horreur, qui parlent ensemble et se racontent leurs souvenirs si douloureux. A ce moment, Dieu s’approche d’eux et veut prendre la parole, alors, en chœur, les deux juifs lui disant : toi tu n’as rien à dire, tu ne sais pas ce qui a été vécu, tu n’y étais pas ! Eh bien, eux aussi, sur les bornes inter-actives, ils découvriront que Dieu a pris au moins 75% des horreurs de ce drame sur lui. Alors, se rappelant de ce qu’ils ont souffert, ils comprendront ce que Dieu a accepté de souffrir pour eux.
J’imagine que depuis un moment vous vous dites que ce que je raconte est peut-être bien beau, mais pourquoi n’a-t-il pas pris 100% ? Pourquoi Dieu n’a-t-il pas supprimé toute souffrance pour que nous ne la connaissions jamais ? Il serait bien prétentieux de ma part de laisser croire que j’ai la réponse. Le mal, la souffrance resteront un grand mystère et j’espère que sur la borne inter-active, quand on aura fait tout le parcours le voile sera levé ! Le livre de Zacharie esquisse le début d’une réponse : ton roi juste et victorieux, sera aussi pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Dieu n’est pas pour les manifestations de puissance qui écraseraient les violents avec la violence, le péché avec les pécheurs. Dieu vient à nous dans une vraie pauvreté, le symbole de l’âne essaie de le dire. Et c’est vrai que pour la grande opération Salut, la plus grande opération de tous les temps, Jésus entrera à Jérusalem monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Il entrera totalement désarmé pour que, par la seule force de l’amour, un amour qui le conduira à donner sa vie, le péché soit vaincu, la victoire soit acquise, et elle l’a été. Mais vous savez, c’est comme quand on coupe la tête à un canard, il continue à courir pendant quelques temps avant de s’effondrer. Eh bien le Malin, responsable du mal, la tête lui a été coupée, mais il continue à courir, ça ne va pas durer, il finira par s’effondrer ! Peut-être que c’est une explication des 25%, mais peut-être aussi qu’il ne faut pas en chercher et qu’il faut juste croire qu’il s’est mis sous le même joug que nous.