Hier, je me suis longuement arrêté sur la lecture de la 1° lettre de Pierre en donnant pas mal d’éléments pour nous aider à lire les différents passages de cette lettre qui nous seront proposés ces jours. Aujourd’hui, je veux m’arrêter plus longuement sur l’Evangile.
Quand on entend cette page d’Evangile, on a envie de dire « Qu’est-ce qu’il a dû s’en voir Jésus avec ses apôtres ! » Seulement voilà, en les montrant du doigt, en les accusant, nous risquons bien d’oublier que nous sommes du même bois qu’eux ! D’ailleurs, vous savez que l’on dit fort justement que lorsque nous montrons quelqu’un du doigt, il y en a 3 autres qui nous accusent, regardez, je fais le geste, vous verrez que c’est vrai ! Hélas, vous voyez aussi qu’il y a un doigt pointé vers le ciel et c’est terrible. De fait, quand on prend l’habitude d’accuser les autres, non seulement, on ne se rend pas compte qu’on est comme eux, et parfois même, pire qu’eux, ce que montrent les 3 doigts qui sont pointés vers nous, mais en plus, on en vient très vite à accuser Dieu. Nous ne pouvons pas être heureux quand nous rendons Dieu ou les autres responsables de tout ce qui nous arrive. Mais revenons à l’Evangile !
Quand je dis que nous sommes du même bois que les apôtres, je ne pense pas d’abord à l’ambition démesurée des fils de Zébédée quand ils adressent cette folle demande à Jésus : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. » C’est vrai qu’ils sont gonflés de demander cela, et ils sont surtout gonflés de le demander au moment où ils l’ont demandé. En effet, dans les versets qui précèdent, Jésus vient juste d’annoncer sa mort et, eux, voilà qu’ils cherchent à se placer ! C’est indécent ! Pourtant, je vous avoue qu’ils me sont sympathiques ces fils de Zébédée parce que, après tout, ce qu’ils demandent, ce n’est pas mauvais du tout ! Vouloir être tout près de Jésus, à gauche et à droite de Jésus ce n’est pas mauvais ! Et, même si leurs intentions n’étaient pas tout à fait pures, je me dis que, eux, ils ont au moins eu le courage de demander tout haut ce dont tous les autres rêvaient peut-être tout bas !
Mais il y a autre demande qui est sûrement plus grave dans l’Evangile et c’est en pensant à cette demande que je dis que nous sommes du même bois que les apôtres, Jacques et Jean en l’occurrence. Ce qui est dommage, c’est que cette autre demande, elle passe souvent inaperçue dans cet évangile. C’est l’introduction que font Jacques et Jean quand ils demandent les meilleures places, ils disent : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande. » Je traduis autrement de manière plus explicite : « Maître, nous voudrions que tu fasses ce que nous avons décidé ; nous voudrions que tu fasses toutes choses selon ce que nous, nous avons décidé ; nous voudrions que notre volonté soit faite et comme nous n’avons pas les moyens de l’accomplir nous te demandons de mettre toute ta puissance divine à notre service, au service de la réalisation de nos projets, tels que nous les avons décidés ! » Evidemment, quand on dit les choses comme cela, nous n’avons pas de peine à comprendre qu’il est inutile de montrer ces deux apôtres du doigt. C’est trop clair, c’est bien de nous, de chacun de nous, que parle cet évangile.
A trop mettre l’accent sur l’ambition des apôtres, nous risquerions de ne pas tous nous sentir concernés si nous ne sommes pas ambitieux. Mais cette introduction de la demande telle qu’elle est formulée par Jacques et Jean, alors là, elle nous concerne tous. Elle pointe du doigt non pas un problème propre à Jacques et Jean, mais chez nous tous. Il y a donc, là, un énorme sujet de réflexion, une invitation permanente à la conversion.
Que de fois en priant le Notre Père, nous disons : « Que ta volonté soit faite », mais que de fois nous rajoutons en secret, plus ou moins consciemment : « Ta volonté Seigneur, elle est difficile à connaître ou à comprendre voire à accepter, alors comme avec toi, c’est trop compliqué, on va faire comme moi, je veux, ça sera plus simple ! Parce que moi, je sais bien ce que je veux, et toi comme tu es tout-puissant, tu peux réaliser ce que moi, je veux ! » Et c’est ainsi que tout se met à patiner dans notre vie ou même dans la vie de l’Église. Que de projets mis en œuvre dans notre vie ou dans la vie de l’Eglise qui sont des projets personnels, pas des projets mauvais, mais des projets qui sont les nôtres, reflets de notre volonté.
Vous savez, on dit souvent qu’on a lu à l’envers le récit de l’appel du petit Samuel au Temple. Eli apprend à Samuel qu’il faut dire : Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. Mais nous qui avons lu à l’envers, nous disons : écoute, Seigneur ton serviteur parle ! Alors aujourd’hui, comme hier, il nous faut entendre la réponse du Seigneur qui nous dit, comme il disait à Jaques et Jean : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. » On pourrait entendre cette réponse de Jésus en la transformant à peine, c’est comme si Jésus disait : « Vous ne savez pas ce qu’il faut demander ! »
Dans sa réponse, Jésus évoque le combat décisif dans lequel il va entrer prochainement qui le conduira à prononcer cette parole décisive : « Père, non pas ma volonté, mais ta volonté. » C’est dans ce même combat que nous avons à entrer et c’est pour nous soutenir dans ce combat que Jésus nous a donné les bons mots de la prière à formuler : « Notre Père, que ta volonté soit faite. »
Mais attention, nous avons souvent peur, nous pensons que la volonté de Dieu sera forcément contraire à la nôtre, qu’il exigera de nous ce qu’il y a de moins épanouissant, de plus difficile ! D’où nous vient cette conception de Dieu ? Nous avons toujours besoin de nous redire que Dieu n’est qu’amour, et qu’il ne peut donc que vouloir notre bonheur. D’ailleurs, nous pourrions prendre l’habitude de faire une faute d’orthographe, cette faute que les enfants font si souvent quand ils recopient les paroles de la prière du Notre Père et qu’ils écrivent : que ta volonté soit fête, une fête !
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de ne plus dicter nos 4 volontés à Dieu, mais d’accueillir avec joie sa volonté !