16 avril : le pape à la pêche !

Je vous l’ai déjà dit plusieurs fois, l’intonation est très importante dans un texte, et, jusqu’à maintenant, j’ai surtout insisté sur celle de Jésus qu’il nous fallait souvent imaginer. Mais l’intonation du lecteur de l’Evangile peut aussi avoir son importance … je me rappellerai toujours cette session nationale sur les vocations, l’un des responsables nationaux de l’époque était marseillais et c’est lui qui présidait la messe ce jour-là, je l’entends encore lire cet évangile avec son accent : « Je m’en vais à la pêche » … ou « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » On se sentait plus sur le vieux port que sur les bords du lac de Galilée !

Revenons au texte sans accent ! Hier, je vous disais que pour mesurer ce qu’avait d’extraordinaire l’attitude de Jésus, il fallait savoir que c’était sa 1° rencontre avec les apôtres et aujourd’hui, je vais vous expliquer que pour comprendre ce qu’avait d’extraordinaire l’attitude de Jésus, il fallait savoir que ce n’était pas sa 1° rencontre avec ses apôtres ! Vous voyez l’Evangile est vraiment inépuisable.

Nous sommes donc dans l’Evangile de Jean, je vous retrace rapidement la chronologie post-pascale chez St Jean : Marie-Madeleine va au tombeau, voyant la pierre roulée, elle ne va pas plus loin et court prévenir les apôtres, Pierre et Jean se rendent vite au tombeau, Jean arrivé le 1° laisse entrer Pierre qui ne voit rien, quant à Jean, devant cette absence réelle, il nous est dit : il vit et il crut… mais, ni l’un ni l’autre, ne voient Jésus. Marie-Madeleine retourne au tombeau et là, elle va rencontrer Jésus qui l’envoie annoncer la bonne nouvelle de sa résurrection aux apôtres, il ne nous est rien dit sur la manière dont les apôtres ont reçu cette annonce. Mais le soir venu, Jésus vient, alors que les portes étaient fermées et il donne un acompte de Saint-Esprit en les envoyant en mission. Problème, Thomas n’était pas là, la belle aubaine pour les 10 autres, ils ne sont pas obligés de partir en mission, ça leur fait tellement peur ! Ils attendent donc car Thomas veut rencontrer Jésus. La semaine suivante, Jésus vient, ça sera l’Evangile de dimanche. Donc plus rien ne les empêche de partir en mission. 

Ils partent donc, c’est vrai, mais au lieu d’aller en mission, ils vont à la pêche. Etr celui qui a eu cette excellente idée (enfin quand je dis excellente, j’espère que vous comprenez que c’est ironique !), celui qui a eu cette excellente idée, c’est Pierre. Vous vous rendez compte, le pape part à la pêche et, en plus, il emmène les cardinaux avec lui … alors que Jésus les a envoyés en mission. On croit rêver !

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner qu’ils passent toute la nuit sans rien prendre ! Quand on n’est pas là où Jésus nous a envoyés, il ne faut pas s’étonner que nos actions ne portent aucun fruit ! Mais il y a aussi, dans cet épisode, un avertissement pour nous et un avertissement qui nous rejoint dans la situation que nous vivons. Les apôtres viennent de vivre des jours qui ont totalement bouleversé leur vie et au moment où, assistés par le Saint Esprit, bien sûr, il leur faut inventer un nouvel avenir, ils cèdent à la tentation de recommencer comme avant, de reprendre leur vie là où il l’avait laissée. Et c’est justement parce qu’ils n’osent pas inventer un avenir différent qu’ils vont peiner une nuit sans rien prendre.

Entendons bien cet avertissement ! Parce qu’il n’est pas impossible que nous commencions à imaginer les jours d’après confinement. Et qu’est-ce que nous imaginons ? Je ne donne qu’un exemple, à chacun de compléter !

Il n’est pas impossible que nous ayons déjà programmé d’aller faire telles et telles courses que nous n’avons pas pu faire. Mais ce qui est étonnant, c’est que, quand on y regarde de près, ce que nous n’avons pas pu acheter ne nous manque pas plus que ça. J’ai pris l’exemple de la consommation, mais on pourrait s’interroger à propos de la vie communautaire : quelle mauvaise habitude d’avant le confinement ne faudrait-il surtout pas réinstaller après le confinement ? Oui, que chacun commence à s’examiner à ce sujet : qu’est-ce qu’il serait tenté de réinstaller assez vite dans sa vie qui manifesterait que, finalement rien n’a changé ! Nous ne pouvons pas vouloir que le monde change en tirant toutes les leçons de ce que nous avons vécu, si nous, nous ne changeons pas ! Ne tombons pas dans le piège des apôtres de revenir ou de rêver de revenir très vite à nos activités d’avant, à nos habitudes d’avant.

Bon, c’est dit, mais c’est presque une parenthèse dans le texte ! Ce que je trouve encore formidable dans cet Evangile, c’est l’attitude de Jésus. Parce que, comme hier, moi je sais ce que j’aurais dit aux apôtres si j’avais été à la place de Jésus ! Ce n’est pas la peine que je vous le dise, maintenant, vous me connaissez, vous savez donc ce que je leur aurais dit ! Eh bien, non seulement Jésus ne leur fait pas de reproches, non seulement il ne leur donne pas une leçon de morale, mais il va accomplir un miracle pour eux : une pêche miraculeuse. Et cette pêche miraculeuse, dans ce contexte, elle a un sens particulier. En effet, dans l’évangile de Luc, l’appel des 4 premiers disciples dont Pierre se fait après une pêche miraculeuse. Puisqu’ils retournaient à leurs anciennes amours au lieu de partir en mission comme Jésus le leur avait demandé, leur départ à la pêche peut être interprété comme une démission, au sens étymologique, c’est-à-dire une fuite de la mission. Que fait Jésus quand il les rejoint ? Il ne leur fait pas une séance de reproches, il ne se transforme pas en coach pour organiser une séance de re-motivation en utilisant les meilleures techniques de développement personnel ! Il fait bien mieux que tout cela ! En leur donnant cette pêche miraculeuse, il les renouvelle dans leur vocation première, il les ramène à ce jour béni où ils avaient décidé de tout quitter pour le suivre.

Là encore, nous pouvons retenir la leçon ! Quand nous connaissons des coups de mou, quand nous ne savons plus bien où nous en sommes, ce dont nous avons le plus besoin, c’est de refaire une vraie rencontre avec Jésus et lui demander qu’il nous fasse la grâce d’être reconduits à la source de notre vocation.

Je termine en soulignant l’attitude de Pierre, si belle attitude de Pierre. Parce que si je sais ce que j’aurais dit si j’avais été à la place de Jésus, je sais aussi ce que j’aurais fait si j’avais été à la place de Pierre. Eh bien, c’est sûr, je ne me serai pas jeté à l’eau pour arriver le premier vers Jésus ! Parce que, là, ça va être la 1° rencontre en tête-à-tête, entre Pierre et Jésus depuis le triple reniement. Moi, j’aurais plutôt envoyé Jean en éclaireur en lui disant : va lui parler de moi, et si tu te rends compte qu’il ne m’en veut pas trop, fais-moi un signe et je viendrai ! Non, Pierre, il est sans calcul, quand il comprend et qu’il entend que c’est Jésus, alors, tout de suite, sans réfléchir, il se jette à l’eau, il retrouve spontanément sa place de premier de cordée.

Peut-être que ce qui l’a encouragé à se jeter à l’eau, ce les paroles que nous avons entendues, paroles qu’il prononcera dans le discours après la guérison du boiteux de la belle-porte, peut-être que ces mots, le Saint-Esprit, les a fait peut-être monter dans son cœur quand il a entendu Jean lui dire : c’est le Seigneur !

Oui peut-être qu’il a entendu le St Esprit lui susurrer : « En nul autre que Jésus, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse les sauver. » Alors, ces paroles se sont gravées à tout jamais dans son cœur !

Prions pour que, dans les moments difficiles de notre vie, ce soient ces mots-là que le Saint Esprit fasse monter de nos cœurs et que ces mots nous donnent le courage et le désir de nous jeter à l’eau pour rejoindre les bras de Jésus déjà ouverts pour nous donner l’accolade de la miséricorde. Il me plait de croire que ce sont ces mots que le St Esprit a fait monter dans le cœur de Micheline, ce matin, au moment de son passage où il lui a bien fallu accepter de se jeter à l’eau pour rejoindre son Seigneur. « En nul autre que Jésus, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. »

Cette publication a un commentaire

  1. wilhelm richard

    Je constate que votre homélie en ce jour a des accents plutôt graves voire aigus. Heureusement que le Fils de Dieu s’appelle Jésus et non Roger H.
    Mais avec « rêver, apôtres, pêche, empêche, tête et être », et encore je me dépêche pour ne pas tout mettre dans la boîte, le circonflexe est vainqueur car cette Octave est un jour de fête !

Laisser un commentaire