Avant de commenter ces lectures, quelques mots pour situer ces deux apôtres que nous fêtons aujourd’hui. Pour Philippe, il n’y a pas de problème, nous voyons bien de qui il s’agit. Il était de Bethsaïde, comme André et Pierre et, comme eux, il fera partie de ceux que Jésus a appelés en premier. Pour Jacques, ça se complique singulièrement puisque le Nouveau Testament parle de 3 personnes qui portent le prénom de Jacques. Il y a d’abord Jacques, le frère de Jean qu’on l’appelle Jacques le Majeur ; ce sont ses reliques que les pèlerins vont vénérer à Compostelle. Et puis, il y a Jacques, dit le Mineur, qui est mentionné dans les 4 évangiles comme étant fils d’Alphée, mais nous ne savons rien sur Alphée ! Et puis il y a encore un Jacques qu’on nomme, à la manière sémite, frère de Jésus alors qu’il n’est que son cousin ou éventuellement demi-frère, fils d’un premier mariage de Joseph comme l’indiquent les Evangiles apocryphes. En tout cas, il est mentionné par 2 fois quand les gens s’interrogent sur Jésus disant qu’ils le connaissent bien, il est fils du charpentier, fils de Marie et frère de Jacques, José, Jude et Simon. Ce Jacques aura un rôle de premier plan dans la 1° communauté chrétienne puisqu’il deviendra l’évêque de Jérusalem et l’auteur de cette lettre qui nous pousse à vivre un christianisme bien incarné.
Il y a tout un débat parmi les spécialistes pour savoir si Jacques, fils d’Alphée et Jacques, le cousin de Jésus sont une seule et même personne. Rien ne permet de le dire formellement, mais rien ne l’interdit non plus ! Il semblerait que la liturgie ait fait ce choix d’une seule et même personne puisque la 1° lecture nous parlait de cette apparition de Jésus ressuscité à Jacques et, le Jacques dont il est question ici, c’est sûr, c’est le cousin de Jésus. Si jamais vous aviez du mal à croire en l’existence de ces 3 Jacques, je tiens à me mettre sous une autorité incontestable puisque toutes les informations que je vous ai données, je les ai tirées de cette passionnante série de catéchèses que Benoit XVI a faite sur les apôtres, les grandes figures des Actes des Apôtres et les Pères de l’Eglise et si vous avez été perdu, vous pouvez relire cette catéchèse.
Quoiqu’il en soit, il est clair que Philippe et Jacques font partie de ces apôtres qu’on pourrait qualifier de discrets. De Philippe, on a retenu 4 mentions : Il est allé trouver Nathanaël après avoir été appelé ; il était là quand des Grecs ont cherché à voir Jésus ; il a répondu à une question de Jésus au moment de la multiplication des pains ; et bien sûr, on a retenu cette magnifique question : Montre-nous le Père et cela nous suffit. L’Evangile nous a fait entendre cette question et nous l’avions déjà entendue dans l’Evangile de samedi.
De Jacques, je l’ai dit, on n’a rien retenu. Voilà pourquoi je parle d’apôtres discrets, ce qui explique que nous les fêtions ensemble. Ils font partie de ces apôtres pour lesquels j’aime souligner que leur plus grand mérite aura été d’avoir tenu la place qui leur avait été confiée. En cela, on peut dire qu’ils nous sont proches car il est bien probable que dans une centaine d’années, il ne restera de nous que nos noms gravés sur une tombe ! Mais nous aurons tenu notre place en permettant à d’autres de prendre la leur. Finalement, c’est bien le plus grand titre de gloire auquel nous pouvons aspirer : bien tenir notre place pour permettre à d’autres de prendre et de tenir la leur. Je voudrais maintenant dire quelques mots sur chacune des deux lectures.
La 1° lecture nous faisait entendre par la bouche de Paul le nom de ceux qui ont bénéficié d’une apparition du ressuscité : Pierre, puis les 12 ; ensuite 500 frères à la fois, puis Jacques, et Paul mentionne encore les Apôtres. Et en tout dernier lieu, Paul rappelle qu’il lui est apparu et il se nomme avec ce nom terrible d’avorton pour mieux souligner qu’il ne méritait rien ! Dans cette liste, évidemment, celui qui nous intéresse le plus aujourd’hui, c’est Jacques.
Nous savons que Paul et Jacques ont eu des discussions viriles car Jacques était à la tête de ceux qu’on a appelés « les judaïsants » partisans d’un christianisme le plus fidèle possible aux principes de la loi juive. Paul, lui qui, jusqu’à sa conversion, était un juif qu’on pourrait qualifier d’intégriste, était devenu plus libéral pour permettre aux païens, auprès de qui il avait été envoyés, d’accueillir la Bonne Nouvelle et d’intégrer la communauté chrétienne.
C’est intéressant de voir que Paul, alors qu’il a été souvent en conflit avec Jacques, tient à mentionner que Jacques a vu le Christ ressuscité, tout comme lui. Leurs désaccords ne les ont jamais fait s’exclure, se mépriser. Paul le dit clairement : Jacques est autant légitime que lui. On peut d’ailleurs penser que c’est cette apparition du Christ ressuscité dont il a bénéficié, seul, qui a fait de Jacques le premier évêque de Jérusalem. Rappelons-nous cette parole de Jésus : « à qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. » S’il nous arrive parfois de penser qu’on nous en demande beaucoup et même trop, avant de nous plaindre, vérifions si nous n’avons pas aussi beaucoup reçu auquel cas, il ne faut pas nous étonner ! Car à qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup !
Quant à Philippe, dans l’Evangile, il fait cette demande à Jésus : Montre-nous le Père et cela nous suffit ! Cette demande est vraiment très belle, mais Jésus, lui, il ne semble l’apprécier qu’à moitié puisqu’il répond à Philippe : Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Dans sa réaction, Jésus va nous livrer un principe théologique qu’il nous faudra toujours garder en mémoire quand nous nous interrogeons sur Dieu : Celui qui m’a vu a vu le Père. En effet, il peut nous arriver, à certains moments de notre vie de nous interroger parce que nous sommes, par exemple, confrontés à trop de souffrance. Dans ces moments-là, nous nous demandons : est-ce Dieu qui veut cette souffrance ? La mienne ou celle du monde ?
C’est alors qu’il faut nous rappeler la parole de Jésus : Celui qui m’a vu a vu le Père. Tu veux savoir comment le Père du ciel réagit face à ce que tu vis ? Eh bien, cherche, dans l’Evangile, une situation semblable et regarde comment Jésus a réagi, c’est ainsi que tu pourras comprendre Dieu, ce qu’il pense, ce qu’il veut faire pour toi.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de pouvoir bien tenir notre place comme Jacques et Philippe l’ont fait !