Il y a quelques années, grâce à l’encyclique « Deus caritas est » de Benoit XVI, j’ai découvert l’existence de cette Sainte que nous célébrons aujourd’hui, Bafkhita ! En cherchant à mieux la connaître, je dois vous avouer que j’ai eu un véritable coup de foudre ! Un coup de foudre qui n’a fait qu’augmenter quand j’ai lu cette anecdote racontée par le même Benoît XVI, une anecdote qui campe tout de suite le personnage. Sainte Joséphine Bakhita, originaire du Soudan, dont je vais vous raconter brièvement le parcours de vie dans un instant est devenue religieuse en Italie. A la fin de sa vie, elle était dans un couvent, ne pouvant plus faire grand-chose. L’évêque du diocèse passe dans ce couvent pour le visiter et, à la fin de sa visite, il tombe sur la sœur Bakhita toute courbée, toute discrète et il lui demande : « et vous, ma sœur, que faites-vous dans ce couvent ? » Elle lui répond : « la même chose que vous, Monseigneur ! » L’évêque très étonné, et sans doute agacé d’un tel toupet, lui demande : « mais comment est-ce possible que vous fassiez la même chose que moi ? » Sous-entendu, vous êtes vieille et vous ne pouvez plus faire grand-chose alors que, moi, je suis très actif avec de grandes responsabilités ! C’est alors que la sœur Bakhita lui répond : « j’espère, Monseigneur, que vous cherchez à faire la volonté du Seigneur à longueur de journée, eh bien, c’est ce que je désire accomplir, moi aussi, vous voyez, nous faisons bien la même chose, vous et moi, Monseigneur ! » C’est magnifique !
Bakhita, c’est ainsi qu’on l’appelle, mais, en fait, personne ne sait comment elle s’appelait vraiment … même elle, elle ne s’en souvient plus ! Bakhita, ce nom, en arabe, signifie fortunée, ce qui est un nom bien étonnant pour une fille dont la 1° partie de la vie a été si compliquée. Mais pourquoi donc ne se souvenait-elle pas de son nom ? Tout simplement parce qu’elle a été enlevée à l’âge de 8 ans, environ, par des marchands d’esclaves. Et, à partir de ce jour, elle ne s’entendra plus jamais appeler par son nom ce qui explique qu’elle l’ait complètement oublié. Elle va vivre des années terribles, devenant esclave dans des familles aisées qui lui feront subir des châtiments corporels et des humiliations sans cesse répétées. Des années après, elle comprendra que si elle n’est pas morte avec tout ce qu’elle a subi, c’était parce que le Seigneur ne l’avait jamais lâchée … d’où ce nom de Fortunée-Bakhita qui, finalement, ne lui va pas si mal !
Son chemin de croix va se terminer quand elle sera achetée par le consul d’Italie à Khartoum qui la traitera avec beaucoup plus d’égards et, surtout, qui l’emmènera avec lui en Italie. A leur arrivée, le consul va offrir Bakhita à la femme d’un de ses amis et c’est le début d’une nouvelle vie qui commencera, certes, avec quelques péripéties encore, mais plus de souffrances infligées gratuitement. Elle deviendra la nounou de la fille de cette femme à qui elle avait été donnée et, quand cette dernière devra retourner en Afrique pour régler des affaires, Bakhita sera confiée à une institution de religieuses dont l’une des missions était de préparer des adultes au Baptême. Là, Bakhita qui n’avait plus reçu d’amour depuis son enlèvement, sinon par la petite fille qu’elle gardait dans ces dernières années, va recevoir beaucoup d’amour et de douceur de la part des religieuses.
Un geste avait eu une grande importance pour elle, c’était le cadeau que lui avait fait un ami de la famille chez qui elle accomplissait son service, un homme profondément chrétien. Il lui avait glissé dans sa main un crucifix en priant pour que cette jeune fille puisse, un jour, découvrir Jésus. Bakhita n’avait pas bien compris le sens de ce symbole, mais c’était le 1° cadeau qu’on lui faisait depuis son enlèvement. Elle le gardera donc très précieusement, le serrant souvent très fort dans ses mains. Lorsqu’elle sera chez les religieuses, elle comprendra la portée de ce symbole. En effet, le 1° jour, dans ce couvent, entendant les chants des religieuses à la chapelle ; par curiosité, elle s’y rend. Et quel n’est pas son étonnement : elle voit en grand ce que représentait son cadeau en miniature. Il y a un grand crucifix dans cette chapelle et là, immédiatement, elle se demande : mais pourquoi exposent-ils, comme ça, un esclave cloué ? L’expression vous semble sûrement étonnante.
Pour la comprendre et comprendre le choc de Bakhita, il faut savoir que dans les longues marches qu’on l’a obligée à faire avec les caravanes d’esclaves qu’on étaient conduisait sans ménagement aux différents marchés pour les revendre, elle a vu des dizaines et des dizaines de ces esclaves qu’on clouait aux arbres.
En effet, dès qu’un esclave ralentissait la marche à cause d’une maladie ou de sa fatigue, on ne l’abandonnait pas au bord du chemin, quelqu’un aurait pu le récupérer et en profiter sans l’avoir payé, on préférait le clouer à un arbre et le laisser mourir dans d’horribles souffrances. Alors, on comprend l’étonnement de Bakhita : pourquoi ces religieuses, si bonnes avec elle, ont-elles un esclave cloué dans leur chapelle ? Evidemment, elle va leur poser la question et elles auront, dans un 1° temps, bien du mal à comprendre et donc à expliquer. Elles essaient quand même de le faire en utilisant des mots que Bakhita peut comprendre.
Elles expliquent que Dieu est le « patron » ! C’est un mot que Bakhita utilisait souvent car des patrons, des maîtres, elle en avait eu pas mal. Bakhita comprend qu’en utilisant ce mot, les sœurs veulent lui faire comprendre que Dieu est tout-puissant, comme ses patrons étaient tout-puissants, décidant ce qu’ils voulaient. Mais, comme elles peuvent, les sœurs expliquent que ce patron, qu’est Dieu, utilise sa toute-puissance pour aimer, pour réconforter. C’est justement pour manifester son amour aux hommes, à tous les hommes sans exception qu’il a envoyé son fils sur terre. Et, son fils acceptera de mourir de cette terrible mort, sur la croix, pour que personne ne puisse penser qu’il est abandonné de Dieu quand il vit de telles épreuves. Peu à peu, elle comprend que le Fils du Patron a choisi, par amour, la dernière place, celle de l’esclave cloué. Du coup tout s’éclaire pour elle qui s’était demandé si souvent comment elle avait pu résister à tant de mauvais traitements. Elle comprend que c’est grâce au Fils du Patron qui l’a toujours accompagnée, qui a souffert avec elle pour porter sur lui une partie de ses souffrances à elle.
Evidemment dès qu’elle comprend cela, elle manifeste son désir de devenir chrétienne et elle comprend aussi la portée de son nom : elle n’est pas Fortunée à cause de ses épreuves, mais en raison de la présence du Seigneur qui a toujours veillé sur elle, même dans les pires moments de sa vie. Et, très vite après son Baptême, elle demandera à rester dans ce couvent pour devenir religieuse. Finalement son itinéraire chez les sœurs peut être résumé par cette merveilleuse déclaration que fit Charles de Foucauld : « quand je sus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pourrais vivre autrement qu’en le servant. » Si vous voulez plus de détails, lisez le merveilleux livre de Véronique OLMI qui s’appelle simplement « Bakhita ». Il y a aussi un film en deux parties qui a été tourné sur la vie de Bakhita, on le trouve en DVD. Film et livre sont un peu romancés car Bakhita n’a accepté, qu’après de nombreuses demandes pressantes de ses supérieures, d’écrire son histoire. Mais elle n’écrira qu’une trentaine de pages … avec ça, il faut imaginer le reste !
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet et de Sainte Joséphine Bakhita, demandons que la grâce nous soit largement accordée de croire que, jamais le « Patron » ne nous abandonnera, même quand nous traverserons les pires épreuves.