Il y a quelques temps, en faisant quelques recherches sur internet pour préparer une intervention que je devais faire sur le thème du bonheur, j’étais tombé sur un document intéressant intitulé : « à la recherche du bonheur, une lecture du livre de Qohéleth. » J’ai été évidemment attiré par ce titre parce que n’est pas habituel d’associer le livre de Qohéleth à la recherche du bonheur. En effet, ces paroles qui ouvraient la lecture, « vanité des vanités, tout est vanité » ne nous semblent pas, à priori, être les meilleures pour soutenir une réflexion sur le Bonheur ! Et pourtant, ce n’est vraiment pas mal vu parce que, finalement, ce texte et de manière plus générale, le livre n nous invite, à vérifier si nous savons faire la différence entre ce qui tient, ce qui dure et qui peut donc être un appui solide dans notre recherche de bonheur et ce qui n’a aucune consistance, ce qui ressemble à ces mirages du désert et qui ne peut donc que nous décevoir.
Faisons d’abord une précision de vocabulaire : ce mot de vanité qui ouvrait le texte, quand on le lit en hébreu, la manière la plus juste de le traduire serait « buée » vous savez la buée que l’on a sur les lunettes ou sur les vitres dans des changements de température. La buée, par définition, elle ne dure pas, elle est éphémère, sans consistance. Du coup, nous qui cherchons tous à être heureux, cet enseignement fondamental du livre de Qohéleth peut nous aider à poser un diagnostic sur nos vies : suis-je vraiment heureux et si j’ai l’impression de ne pas l’être suffisamment, ne serait-ce pas parce que je suis trop attaché à ce qui n’est que buée ?
Pour que tout cela ne reste pas trop théorique, je voudrais, pour illustrer mon propos, en vous faisant un résumé de mon histoire, enfin d’une partie de mon histoire. Je suis issu d’une famille assez pauvre ; mon père étant malade de l’alcool, à la maison, c’était très compliqué et nous n’avions pas d’argent. Du coup, pour les 6 enfants de la famille, il n’y avait qu’un seul vélo, un vieux vélo et comme j’étais le dernier exæquo avec ma sœur jumelle, nous n’avions jamais droit au vélo, c’étaient toujours les grands qui le prenaient ! Alors, je me disais toujours, Roger, tu seras heureux quand tu auras un vélo à toi. En grandissant, j’ai eu un vélo, je ne sais plus si c’était mon parrain ou ma marraine qui me l’avait offert. J’ai sûrement été heureux quelque temps avec mon vélo ; mais, assez vite, je ne suis mis à regarder ceux qui avaient une mobylette ! Et je me disais : un vélo, c’est bien, mais la mobylette, c’est quand même mieux ; avec une mobylette, on doit être vraiment heureux ! Je n’en ai pas eu car nous n’avions pas d’argent, mais il arrivait qu’on prenne celle que ma mère avait été obligée de s’acheter pour aller au travail après le décès de mon père. En faisant de la mobylette, j’ai bien dû être heureux quelque temps, mais, assez vite, je me suis mis à regarder ceux qui possédaient une voiture et à les envier en pensant qu’avec leur voiture, ils devaient être bien plus heureux que moi ! J’ai eu plus tard une voiture, une très vieille 2cv et je me disais, le bonheur, c’est sans doute la voiture, mais pas celle-là qui me rend incapable de doubler qui que ce soit ! Et j’en ai eu une mieux et une autre encore mieux ! J’arrête là, mais vous voyez, on croit souvent qu’on va être plus heureux quand on pourra posséder ce qui nous fait rêver. Et ce n’est pas vrai puisque, dès que je possède ce qui me faisait rêver, je rêv d’autre chose !
C’est l’illustration parfaite de ce que dénonce le livre de Qohéleth, tout ce que l’on possède n’est finalement que de la buée, dès qu’on le possède, on rêve de plus et mieux, c’est-à-dire qu’on rêve d’un peu plus de buée qui nous empêchera un peu plus de bien voir, de bien discerner, de bien choisir ce qui pourrait vraiment nous rendre heureux. C’est donc en nous invitant à faire le tri entre tout ce qui n’a pas plus de consistance que de la buée et ce qui tient vraiment que le livre de Qohéleth peut être lu comme un guide du bonheur. Mais, attention, pas un bonheur hypothétique qui serait toujours reporté à demain, quand j’aurai un peu plus, quand je serai un peu mieux. Non ! D’ailleurs, c’est très beau, le mont bonheur est formé de 2 mots qui suggèrent que si nous ne nous fourvoyons pas dans notre recherche, ça peut toujours être la bonne heure pour le bonheur !
Ce que je viens de dire, nous en avons une illustration parfaite dans l’Evangile. Tout ce que Hérode entendait dire au sujet de Jésus l’obligeait à se poser des questions, rien d’étonnant puisqu’il y avait une telle sagesse qui émanait de Jésus. Seulement voilà, Hérode sentait bien qu’il était mis devant un choix : aller rencontrer Jésus pour approfondir ce qu’il percevait de lui ou continuer à vivre de ses plaisirs éphémères auxquels il était tant attaché. Autrement dit renoncer à la buée de sa vie superficielle pour appuyer sa vie sur le roc de la foi. Hélas, nous le savons, Hérode n’aura pas le courage de faire ce choix.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de ne pas finir comme Hérode, incapables de nous détacher de la buée d’une vie superficielle.