21 mai : mardi 7° semaine temps ordinaire. La convoitise à la racine de tous les maux.

Nous commençons la lecture de la lettre de St Jacques, et vous le savez sans doute, cette lettre est assez vigoureuse. Alors peut-être allez-vous penser que son style, son message ne vont pas très bien avec ce que je vous ai promis hier soir quand je vous disais, qu’avec le Seigneur, le message se fait massage. Mais, comme je le disais hier soir, parfois quand il y a quelque chose qui est coincé en nous, le massage doit être plus vigoureux pour décoincer, stimuler. C’est ce qu’accomplit la lettre de St Jacques, son message décapant produit un massage vigoureux. Ceci dit, il y a aussi quelques belles paroles d’encouragement et de consolation, aujourd’hui nous avons entendu cette Parole que St Jacques a tiré du Premier Testament et qu’il a un peu arrangé : Dieu veille jalousement

sur l’Esprit qu’il a fait habiter en nous ? Dieu veillera sur les grâces que vous recevrez car il y en a un que j’aime appeler le voleur de grâces qui s’y connait pour nous piquer ce que le Seigneur nous donne pour transformer nos cœurs.

Mais c’est quand même vrai que, globalement, cette épitre est vigoureuse. Ceci dit, ne nous plaignons pas trop face à ce message vigoureux, parce que nous n’avons pas commencé la lecture de cette lettre au début, nous la commençons au chapitre 4, c’est-à-dire que nous avons sauté le chapitre 3, vous allez me dire qu’on a aussi sauté le chapitre 1 et le chapitre 2, oui c’est vrai ! Mais le chapitre 3, c’est peut-être le plus vigoureux et sans doute celui qui peut tous nous rejoindre, tous, sans exception. Si vous manquez d’idées pour aller vous confesser, lisez le chapitre 3 de l’épître de St Jacques qui dit tout le mal qu’on peut faire avec sa langue.

Au passage, je fais remarquer que ce chapitre est un excellent moyen de faire réfléchir ceux qui pensent que communier sur la main, ce n’est pas bien parce que nos mains peuvent être impures. Nos langues le sont encore bien plus souvent, le chapitre 3 de l’épitre de St Jacques l’atteste clairement. Donc que chacun communie comme il pense devoir communier, sur la main, sur la langue, peu importe, mais, surtout que personne ne juge ceux qui ne font pas comme lui ! Nul ne peut penser que sa manière de communier lui permet de recevoir Jésus sur la partie la plus digne de son corps, notre corps est marqué, souillé par le péché. Cela, Jésus le sait et c’est pour que nous ne restions pas prisonniers de nos péchés qu’il accepte de se donner à nous, de venir en nous. En venant communier, soyons donc dans l’action de grâce et pas dans le jugement à l’égard des autres.

Dans le passage que nous avons entendu aujourd’hui, St Jacques veut nous faire réfléchir sur la convoitise et il le fait donc avec ce langage vigoureux qui nous oblige à nous interroger. Pour lui, pas de doute, tous les problèmes, tous les conflits entre nous, entre les peuples peuvent s’expliquer par la convoitise, il parle aussi de la jalousie, convoitise et jalousie sont très proches. St Paul confirmera cela en disant que la racine de tous les maux, de tous les malheurs, c’est l’amour de l’argent. 1 Tm 6,10. Paul ne dit pas que le problème, c’est l’argent mais l’amour de l’argent, ce désir d’avoir toujours plus alors qu’on a déjà largement ce qu’il nous faut. Oui, c’est un vrai problème pour celui qui est dans la convoitise car il ne sera jamais satisfait, il sera toujours malheureux en étant incapable de se réjouir de ce qu’il a et en ne voyant que ce qui lui manque et en souffrant de tout ce qui lui manque. Or comme il manquera toujours quelque chose, il souffrira de manière permanente. 

C’est ainsi que des milliardaires se paient des voyages dans l’espace, et en quelques minutes, ils vont dépenser ce qui pourrait régler le problème de la faim pendant des années dans un pays. D’ailleurs les sommes sont tellement exorbitantes qu’elles sont tenues secrètes pour ne pas provoquer des émeutes. Le plus triste, c’est que cette folie ne calmera pas leur convoitise car ils voudront encore plus, encore mieux, chercheront d’autres sensations encore plus fortes, encore plus chères. Et c’est ainsi que leur folie finira par exacerber la rancune des pauvres, de ceux qui, chaque jour, se lèvent en se demandant ce qu’ils pourront manger et s’ils pourront manger et donner à manger à leurs enfants. St Jacques a bien raison, la convoitise est à l’origine de beaucoup trop de dérèglements. Il serait grand temps que nous nous laissions réveiller parce que, en plus, cette folie de la consommation nous conduit droit dans le mur, les réserves de la planète n’étant pas inépuisable, on le dit et le redit, mais il n’y a pas grand-chose qui change dans les pays riches.

Alors, dans cette retraite, n’hésitons pas à nous présenter au Seigneur tels que nous sommes, avec cette convoitise qui nous habite tous et demandons au Seigneur de venir nous visiter profondément. Laissons résonner en nous cette parole de St Augustin : Tu nous as fait pour Toi, Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi. Notre cœur est fait pour l’amour, le grand amour, le véritable amour et ce n’est pas chez Amazon qu’on va trouver ce qui pourra combler nos désirs !

Ce n’est pas tous les jours que ça marche aussi bien, mais aujourd’hui, l’Evangile vient très bien compléter le message vigoureux de la 1° lecture puisqu’il nous fait entendre cette querelle des apôtres pour savoir qui, parmi eux, était le plus grand. Et vous avez entendu que cette querelle a lieu dans un moment dramatique puisque Jésus vient juste d’annoncer sa mort. C’est un peu comme si des enfants se disputaient pour l’héritage au moment où leur père leur annonce qu’il a une maladie grave. C’est donc encore la convoitise qui est à l’œuvre car la convoitise ne nous fait pas seulement rêver de posséder toujours plus, elle nous fait aussi rêver de dominer, de nous servir du pouvoir pour nous servir des autres, de les utiliser comme des moyens pour réaliser nos rêves, même les plus insensés.

Jésus va tout de suite rectifier le tir, quand on est chrétien, à fortiori disciple, la convoitise, de quelque nature qu’elle soit, doit être combattue. En effet, dans le registre de la foi, tout s’accueille gratuitement, tout est donné, rien n’est à prendre encore moins à acheter ! Et c’est pour cela que Jésus va donner en modèle un enfant car un enfant, surtout quand il est petit, dépend totalement de ce qui lui est donné. Si on ne lui donne pas à manger, il mourra, si on ne lui donne pas d’amour, il en souffrira et en restera marqué. Pour ne pas succomber à la convoitise et tous es méfaits, Jésus propose donc un remède radical : chercher la dernière place et se faire serviteur de tous. 

Il y en a un qui a pris cette consigne au pied de la lettre, c’est Charles de Foucauld. Après sa conversion, sa vie sera une quête perpétuelle de la dernière place, du monastère le plus pauvre. Dans la sagesse qu’il a fini par acquérir après une première partie de vie si peu exemplaire, il faisait cette confidence : Je ne veux pas traverser la vie en première classe pendant que Celui que j’aime l’a traversée dans la dernière. Alors, bien sûr, tout le monde n’est pas appelé à la même radicalité que Charles de Foucauld, mais nous pouvons quand même nous interroger sur tout ce qui finit par prendre trop de place dans nos vies, tellement de place que le Seigneur se trouve relégué sur un strapontin dans un coin de notre cœur. Par l’intercession de St Charles de Foucauld, demandons la grâce de trouver le chemin d’une sobriété heureuse qui nous permettra de donner au Seigneur la seule vraie place qui lui revienne, c’est-à-dire la première !

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