Je ne commenterai pas l’Evangile parce qu’il y a 10 jours, c’était l’Evangile du dimanche, un long évangile qui comprenait aussi celui d’hier dont je n’ai pas parlé non plus et même celui de mercredi que nous n’avons pas lu à cause de la fête d’Anne et Joachim. J’imagine que vous avez eu de très bonnes homélies sur le sujet, ce n’est donc pas gênant que je ne commente pas ! Par contre, j’aimerais m’arrêter sur la 1° lecture qui fait suite à celle d’hier que je n’ai pas commenté non plus pour m’adresser plus directement aux enfants qui participaient à la messe. Hier, nous avions été témoins de tous les signes grandioses qui préparaient le don de la Loi, texte entendu aujourd’hui. Ces signes grandioses annonçaient forcément quelque chose de grandiose.
Alors, ce texte, nous les chrétiens, nous avons pris l’habitude de l’appeler, les 10 commandements. Les juifs préfèrent parler des 10 Paroles de vie et ils ont raison. Vous connaissez tous ce très beau texte qu’on trouve dans le Deutéronome au chapitre 30, dans lequel Dieu dit : vois, je mets devant toi le bonheur et le malheur, la vie et la mort, choisis ! On aurait envie de dire qu’il faudrait être complétement fou pour choisir le malheur et la mort … oui, c’est vrai, mais c’est bien ce que nous faisons régulièrement. Ce texte est redoutable parce qu’il dit que chacun de nos actes ont des conséquences, soit ils nous font avancer sur le chemin de la vie, du bonheur, soit ils nous font régresser sur le chemin de la mort, du malheur. Chacun de nos actes a ce genre de conséquences, il ne peut pas y avoir d’actes qui nous maintienne sur la voie de la moyenneté !
Alors, Dieu a voulu nous aider à choisir la vie, le Bonheur parce que, évidemment, son grand désir, c’est que nous choisissions la vie. D’ailleurs le texte du Deutéronome le dit explicitement : vois, je mets devant toi le bonheur et le malheur, la vie et la mort, choisis … mais choisis donc la vie ! C’est donc pour nous aider à choisir la vie que Dieu nous a donné les 10 Paroles de Vie, elles balisent le chemin de la vie, du Bonheur. Tout autre choix nous conduirait à quitter ce chemin pour rejoindre le chemin du malheur et de la mort.
Ces 10 Paroles de Vie, vous aurez remarqué qu’elles n’ont pas une formulation homogène. Il y en a 8 qui sont formulées sous forme d’interdit et 2 qui sont formulées sous forme d’obligation. Aujourd’hui, les gens n’aiment pas beaucoup les interdits, il y en a pas mal qui pensent que ces interdits viennent contrecarrer leur désir de liberté. Ce sont des restes du fameux slogan de mai 68 : il est interdit d’interdire ! En fait, au moins dans les 10 Paroles de Vie, ces interdits ouvrent des espaces de liberté. En effet, l’interdit montre ce qu’il ne faut pas faire, mais il ne dit pas ce qu’il faut faire. Je le dis autrement : ce qu’il ne faut pas faire, Dieu nous le montre clairement pour que nous ne prenions pas le chemin du malheur et de la mort par contre, ce qu’il faut faire, Dieu nous fait confiance pour l’inventer avec la grâce du Saint-Esprit, c’est dire la liberté que nous donne son amour. Vraiment, la loi est un cadeau extrêmement précieux que Dieu nous fait !
Je voudrais tout de suite faire une précision. Si Jésus ferraille souvent avec les pharisiens au sujet de la Loi, ce n’est pas qu’il serait contre ! C’est impensable, nul autre que Jésus, ne sait mieux que la Loi est un cadeau d’amour de Dieu pour que l’homme ne se perde pas. C’est pour cela qu’il dira que, pas même un iota, ne sera supprimé de la Loi. Jésus n’est pas contre la Loi, mais il est contre le légalisme des pharisiens qui est une maladie, tout comme le laxisme qui est la maladie opposée. Même les meilleures choses peuvent être gâchées, ainsi en va-t-il aussi pour la liturgie où le rite est essentiel, mais il peut être gâché par les ritualistes coincés ou bien, là encore, les laxistes qui se mettent en avant par leurs innovations et ne laissent plus le rite conduire à Dieu.
J’aimerais maintenant m’intéresser aux deux paroles formulées sous forme d’obligation parce que, du coup, on comprend, avec ce que j’ai dit, qu’elles vont être beaucoup plus contraignantes. Il y a deux prescriptions pour lesquelles, nous sommes absolument contraints par la Loi que nous avons reçu des juifs et qui, comme je le disais n’a pas été abrogée par Jésus, même si, sur certains points, il faudra faire les adaptations nécessaires, c’est particulièrement le cas avec la 1° obligation qui concerne le sabbat et que je veux commenter tout de suite. Relisons-la pour commencer.
Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. Evidemment, nous, chrétiens, ce n’est pas le sabbat que nous devons sanctifier, mais le dimanche. Il faudrait beaucoup de temps pour bien commenter cette prescription, je souligne rapidement 2 points.
1° point : le sabbat et donc le dimanche, pour nous, consiste à mettre Dieu à la 1° place dans notre vie, à le remettre chaque semaine à la place qui lui revient. On ne fait rien ce jour-là pour que Dieu puisse avoir toute la place. Et alors, c’est ce que le texte montre bien, quand on met Dieu à sa juste place, tout trouve sa juste place dans nos vies et tout le monde trouve également sa place et une bonne place. C’est ce que suggère l’énumération des membres de la famille et même des serviteurs ou encore des bêtes. Quand Dieu est à la bonne place dans ma vie, tout et tous seront également à la bonne place, une place digne mais non-envahissante.
2° point : le sabbat marque une limite à la convoitise qui est à la racine de tous les problèmes. Le sabbat, et pour nous le dimanche, on ne travaille pas ce qui signifie qu’on accepte, ce jour-là de ne pas gagner d’argent pour montrer que ce n’est pas posséder toujours plus qui nous rendra heureux. Notre bonheur est en Dieu et vivre de ce bonheur se marie bien mal avec la soif d’avoir toujours plus. Le sabbat, le dimanche mettent un frein à la convoitise pour se tourner vers Dieu et lui redire qu’il est notre seule vraie richesse.
Deuxième parole d’obligation : Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie. Alors, là, il faudrait franchement bien plus de temps que je n’en ai pour la commenter car il est tellement important de bien la comprendre. D’abord cette parole qui nous oblige vis-à-vis de nos parents rappelle que la vie est un don et que, ceux qui nous ont fait ce don, même s’ils ont été très défaillants par la suite, ont été dans ce moment image de Dieu qui est la source de la vie, source de tout don. Très bien, mais, notamment quand les parents vieillissent, cette parole donne beaucoup de scrupules aux enfants qui ne savent comment honorer cette parole qui leur demande justement d’honorer leurs parents. Et la difficulté est décuplée pour ceux qui ont eu des parents maltraitants ou défaillants, non-aimants. Comment respecter le commandement qui demande d’honorer des parents qui nous ont tant blessés ?
La traduction littérale de l’hébreu peut nous aider à comprendre le sens de cette parole et nous ouvrir des pistes pour la mettre en œuvre. L’hébreu dit, littéralement : Alourdis ton père et ta mère. Comment comprendre cela ? Alourdis ton père et ta mère, ça signifie que tu ne dois pas chercher à alléger tout le poids qu’ils ont à porter. Certes, il est bien évident que lorsqu’ils sont devenus fragiles, tu dois chercher à alléger leurs misères physiques. Mais tu ne dois pas chercher à alléger leurs misères morales en prenant tout sur toi car toi, tu vas t’alourdir d’un poids considérable et eux, de toutes façons, n’auront pas été allégés. S’ils t’ont fait du mal à toi ou à d’autres, pour qu’ils puissent partir tranquillement, il faudra qu’ils reconnaissent ce mal et qu’ils en demandent pardon. Tant que ça ne sera pas fait, ils auront un gros poids sur la conscience. Or, ce poids, tu ne peux pas le porter à leur place, encore une fois, il alourdirait considérablement ta vie sans les décharger, eux. Alourdis ton père et ta mère, ça signifie donc : aide ton père et ta mère à porter ce poids qu’eux-seuls doivent porter et aide-les surtout, autant que tu le peux à se décharger de ce poids en faisant les démarches qui s’imposent. Avec plus de temps, je pourrai montrer que ce terme d’alourdir vient de l’histoire de Joseph et ses frères dans le livre de la Genèse. Dans cette histoire, le père, Jacob, n’est pas tout blanc et l’un de ses fils, Juda, va « alourdir » son père en l’invitant à porter le poids de sa responsabilité dans cette histoire sans refiler ce poids à ses fils qui n’ont pas à le porter. Ils ont un poids de responsabilité, eux aussi, mais ils n’ont pas à porter celui que, seul, leur père peut et doit porter s’il veut en être libéré.
Et cette attitude sera le plus beau cadeau que vous puissiez faire à vos parents car c’est ainsi qu’ils pourront partir en paix, le moment venu.
Merci pour ta Parole, Seigneur, qui nous aide si bien à vivre !
Merci à vous pour cette explication du « honore ton père et ta mère »
C’est la 1e fois que je trouve une explication opérationnelle et déculpabilisante à la fois.