Dimanche 18 juillet : 16° dimanche B. Ce sont les bonnes brebis qui font les bons bergers … comme les bons veaux d’ailleurs !

« Ne tardez pas à vous occuper des jeunes, sinon ce sont eux qui ne tarderont pas à s’occuper de vous ! » C’est ce que disait Don Bosco, il y a environ 200 ans. Vous l’aurez bien compris, le verbe « s’occuper », n’a pas tout à fait le même sens dans les deux parties de la phrase. Dans la 2° partie, quand Don Bosco nous prévient que les jeunes risquent de s’occuper de nous, cet avertissement représente une menace. C’est ce que disent parfois des parents à un enfant qui fait une bêtise : si tu continues, je vais m’occuper de toi, sous-entendu, ça va chauffer pour toi ! Alors que dans la 1° partie de la parole, quand Don Bosco invite les adultes à s’occuper des jeunes sans tarder, il les invite à prendre soin d’eux. Remarquez peut-être bien que des parents qui s’occupent d’un enfant en lui passant un savon prennent aussi soin de lui, même si lui n’en est pas tout à fait convaincu !

« Ne tardez pas à vous occuper des jeunes, sinon ce sont eux qui ne tarderont pas à s’occuper de vous ! » Cette parole de Don Bosco est tout de suite remontée à mon esprit quand j’ai mu, dans la 1° lecture, l’avertissement de Dieu à l’égard des mauvais bergers : « C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple : Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Je vais m’occuper de vous, à cause de la malice de vos actes. » Vous n’avez pas pris soin de mon peuple, vous ne vous êtes pas occupés d’eux, eh bien moi, je vais m’occuper de vous, dit le Seigneur ! Alors, c’est vrai qu’au temps où Jérémie prononce ces paroles, les bergers, les pasteurs, ce sont le roi et tous ceux qui partagent son pouvoir, tous ceux qui ont reçu la mission de conduire le peuple de Dieu. Mais nous, aujourd’hui, quand nous entendons ces paroles, nous ne pouvons pas ne pas élargir notre compréhension en pensant à tous ceux qui ont reçu le ministère pastoral, c’est-à-dire précisément le ministère de berger.

C’est donc une invitation pour nous, sous la lumière que donne le Seigneur, à réviser notre manière d’exercer notre ministère. Est-ce que nous prenons assez soin de ceux qui nous sont confiés, de tous ceux qui nous sont confiés ? Est-ce que nous mettons tout en œuvre, en nous donnant totalement, pour que chaque brebis puisse, comme le disait le psaume, ne manquer de rien, reposer sur l’herbe fraiche, aller vers les eaux tranquilles, traverser sans crainte les ravins de la mort ? L’avertissement du Seigneur est sérieux : si nous ne nous occupons pas de vous, lui, s’occupera de nous ! Alors, si vous nous aimez ou plutôt puisque vous nous aimez, aidez-nous à bien accomplir cette mission. Parce que, j’en suis vraiment convaincu, ce sont aussi les bonnes brebis qui font les bons bergers.  

Je fais tout de suite une mise au point qui s’impose dans l’actualité douloureuse de l’Eglise, Oui, les bonnes brebis font les bons pasteurs, mais l’inverse n’est pas vrai ! Ce n’est pas à cause de mauvaises brebis que des bergers sont devenus mauvais, pervers. Tous ces scandales nous mettent en face du scandale du mal, et nous savons très bien qui en est l’instigateur caché. Du coup, c’est d’autant plus difficile à comprendre que des bergers aient été conduits à choisir de jouer contre leur camp en rejoignant le camp de l’Adversaire. Ce qui est sûr, c’est que des brebis fragiles ont été blessées, parfois détruites et tant d’autres effrayées, dispersées. Je l’ai mesuré encore cette semaine, quand une très jeune fille m’a partagé la difficulté qu’elle avait désormais à faire confiance aux prêtres. Cette parole a littéralement transpercé mon cœur, je réalisais l’ampleur des dégâts pour qu’une fille si jeune puisse se trouver si désorientée. Nous le savons, désormais la justice des hommes s’occupe des mauvais bergers, le Bon Dieu nous assure que, lui aussi, dans sa justice divine, il s’occupera de ces mauvais bergers, voilà de quoi aider les personnes blessées à se reconstruire. Mais il ne suffit pas d’éradiquer les mauvais bergers, il faut encore rendre vraiment bons tous ceux qui ne sont pas mauvais, et c’est un grand défi ! Pour relever ce défi, l’Eglise a besoin de vous ! 

Et, nous, les bergers, nous avons besoin de vous parce que, je le redis, ce sont aussi les bonnes brebis qui font les bons bergers. Et, de manière encore plus fondamentale, ce sont les bonnes bergeries qui façonnent dans un même mouvement les bons bergers et les bonnes brebis ou qui font que les bonnes brebis permettent aux bergers de devenir de bons bergers.

Du coup, il va devenir très intéressant de lire comme en stéréo la 1° lecture et l’Evangile car, depuis la belle réforme liturgique du concile Vatican II, nous le savons, l’Evangile et la 1° lecture se répondent toujours. Dans l’Evangile, nous voyons comment Jésus accomplit la promesse, le rêve que Dieu faisait pour ses brebis, écoutons-le : « Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées. Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront. Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue. » Eh bien, fermez les yeux et essayez de visualiser le mouvement de foule qui nous était décrit dans l’Evangile : « Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. » Une foule nombreuse, un beau troupeau se met en route parce que les gens ont du flair, ils ont donc bien compris qu’ils ont trouvé en Jésus le bon berger qui accomplit les promesses de Dieu. Alors, maintenant qu’ils l’ont trouvé, ils ne veulent plus le lâcher, c’est pourquoi ils ont dû vraiment allonger le pas pour arriver avant Jésus au lieu où il voulait se rendre pour prendre un peu de repos et offrir un peu de repos à ses apôtres. 

C’est clair, il faut renoncer à ce projet pourtant si légitime de vacances apostoliques ! Comment ne pas répondre à la demande de cette foule, demande non-formulée mais exprimée si clairement par cette marche qui devient une démarche où la foule grossit de plus en plus parce que la rumeur se répand, partout où l’on passe, que Dieu a enfin envoyé un bon berger, le bon berger selon son cœur, Celui que toutes les Ecritures annonçaient. Alors Jésus craque : « Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. » C’est vraiment très beau de voir comment c’est la foule qui va aider Jésus et ses apôtres à donner le meilleur d’eux-mêmes, à devenir ces bons bergers dont ils ont besoin.

Tout cela m’a rappelé une homélie du pape François et que j’ai pu retrouver parce que je me rappelais l’avoir citée dans une retraite que j’avais prêchée pour des prêtres. Elle date un peu puisqu’elle est de 2014, voilà ce qu’il disait : « Une fois j’ai lu une très belle chose sur la façon dont le peuple de Dieu aide les évêques et les prêtres à être de bons pasteurs. C’est un texte de saint Césaire d’Arles, un père des premiers siècles de l’Église. Il expliquait comment le peuple de Dieu doit aider le pasteur, et il donnait cet exemple : quand le petit veau a faim il va vers la vache, vers la mère, pour prendre le lait. Mais la vache ne le donne pas tout de suite, comme si elle le gardait pour elle. Et que fait le veau ? Il frappe sur le pis de la vache avec son museau, pour que le lait sorte. C’est une belle image ! « Vous – dit ce saint – vous devez être ainsi avec les pasteurs : frapper toujours à leur porte, à leur cœur, pour qu’ils vous donnent le lait de la doctrine, le lait de la grâce et le lait de la conduite ». Et je vous demande, s’il-vous plaît, d’importuner les pasteurs, de déranger les pasteurs, nous tous pasteurs, pour que nous puissions vous donner le lait de la grâce, de la doctrine et vous conduire. Importuner ! Pensez à cette belle image du veau, qui importune sa maman pour qu’elle lui donne à manger. » Peut-être que certains trouvent cela bien beau mais n’apprécient pas de se retrouver comparés à un troupeau de moutons ou à des veaux ! Ça leur gâche le plaisir ! Eh bien faites des recherches pour savoir si les coccinelles ou les gazelles pourraient avoir le même comportement ! Mais l’essentiel, c’est de ne jamais oublier, en transposant si nécessaire, que ce sont les bonnes brebis dans une bonne bergerie qui feront les bons bergers !

Laisser un commentaire