Dimanche 30 octobre 31° dimanche ordinaire Venez comme vous êtes !

Ce genre de texte d’Evangile est la terreur des prédicateurs ! Il fait partie des textes les plus connus avec l’enfant prodigue. C’est au caté, que tout le monde, ou à peu près, a découvert ce texte et ensuite, il a dû faire partie des textes les plus souvent choisis pour les préparations au sacrement du pardon. Avec ça, il revient donc tous les 3 ans le dimanche et chaque année en semaine, nous le lirons dans une quinzaine de jours. Du coup, quand on est prédicateur, on se demande ce qu’on pourra dire de nouveau sur un texte si connu et si souvent commenté. Tant pis si vous avez déjà entendu, c’est que le St Esprit m’a inspiré de vous dire !

En allant à Jéricho, Jésus descend bien bas pour aller à la rencontre de quelqu’un qui est tombé bien bas ! Jéricho est, en effet, la ville la plus basse au monde, -300m en-dessous du niveau de la mer, elle est toute proche de la mer Morte qui si situe dans une faille extrêmement profonde. Venant de Jérusalem, la route n’est pas très longue, mais par contre elle est très pentue puisque Jérusalem se situe à plus 800 m. Et ce qui est extraordinaire, c’est de constater que Jésus a fait tout ce chemin uniquement pour rencontrer cette crapule de Zachée ! Oh certes, il a guéri Bartimée à l’entrée de la ville, mais ensuite, on a l’impression, que sa plus grande hâte, c’est de trouver le fameux Zachée. 

D’ailleurs, on en a la confirmation dans le début du texte où il est dit : « entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait. » Je ne sais pas comment vous entendez ces paroles, moi, j’ai l’impression que Jésus, entré dans la ville, la traverse à toute vitesse, il n’est pas venu faire du lèche-vitrine, il est venu rencontrer Zachée et il ne veut pas perdre de temps. St Paul résumera cette attitude par ces mots : la charité nous presse ! 2 Co 5,14. On peut encore entendre cette urgence dans la parole que Jésus adresse à Zachée : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Jésus lui demande de descendre le plus vite possible de son arbre, c’est comme une urgence chirurgicale, il n’y a plus de temps à perdre, la tumeur du mal a déjà fait trop de dégâts dans la vie de cet homme. Et Jésus rajoute, il me faut demeurer chez toi, un peu comme s’il lui disait : je ne sais pas si tu te rends compte, mais j’ai fait tout ce chemin pour toi, et ce chemin, rappelons-nous, c’est 1100 mètres de dénivelé ! Quand on dit que notre misère non seulement ne repousse pas le Seigneur mais l’attire, que notre misère est comme un paratonnerre qui attire la miséricorde du Seigneur, nous en avons une magnifique illustration dans ce texte. C’est sans doute pour cela que ce texte est si souvent choisi.

Pourtant Jésus aurait eu au moins deux bonnes raisons de ne pas se donner la peine de faire cette route avec un tel dénivelé et cette chaleur suffocante à l’approche de la mer Morte. 

  • 1° raison, Zachée en valait-il la peine ? C’était un homme qui avait la réputation d’être une véritable crapule ? Et puis, allait-il accueillir Jésus ? Il aurait bien pu faire comme celui qu’on appelle le jeune homme riche, qui dans l’Evangile de Luc est un notable et dont le récit se trouve juste quelques versets avant, il aurait pu descendre et courir chez lui tout triste par peur de changer de vie. Après tout, il n’était venu que pour voir Jésus, juste par curiosité.
  • 2° raison que Jésus aurait pu invoquer pour ne pas faire ce chemin éprouvant, c’est que la passion approche. Quand Jésus remonte de Jéricho à Jérusalem, c’est l’entrée triomphale qui marque le début de la passion. On aurait pu comprendre qu’il s’accorde quelques jours de repos ou de prière avant d’entrer dans cette grande épreuve.

Mais non, la charité le presse ! Il voulait sauver Zachée juste avant de commencer la grande opération Salut, comme pour bien montrer que le Salut qu’il était venu apporter et qui allait s’accomplir dans le don de sa vie, il était bien pour tous, y compris, les crapules et d’ailleurs il le montrera encore sur la croix en sauvant le larron qu’on appelle rapidement le bon larron, mais qui était, lui aussi, une crapule, c’est lui-même qui le dit ! Comme il nous est bon d’entendre cela, comme il nous est bon de dire cela à tous ceux qui doutent que l’amour miséricordieux du Seigneur puisse les rejoindre, eux qui sont tombés si bas. Cette rencontre avec Zachée est donc comme une anticipation de ce qui va se passer quelques jours plus tard quand Jésus acceptera de verser son sang pour la multitude, ce que nous rappelons dans la célébration de chaque eucharistie.

Et le texte va mettre en scène de manière extrêmement symbolique ce qui se joue et qui se rejoue de manière permanente dans l’histoire du Salut. Jésus est descendu dans cette ville si basse pour rencontrer cet homme tombé si bas et lui, qu’est-ce qu’il fait ? Il monte sur un arbre ! Je vous l’accorde, il était petit et n’avait aucune chance de voir Jésus coincé dans la foule. En plus, avec la sale réputation qu’il avait, il ne tenait pas être dans la foule, un mauvais coup est si vite parti et la foule permet à l’agresseur de se cacher. Oui, il y a cela, mais n’empêche que ce que je viens de dire est vrai : Jésus est descendu et Zachée est monté. On pourrait presque représenter le drame de l’histoire du Salut comme une histoire de funiculaires qui ne font que se croiser sans jamais se rencontrer ! Jésus est le funiculaire qui descend et qui accepte de descendre très bas et nous, nous sommes souvent, comme Zachée, ce funiculaire qui monte parce que nous n’aimons pas notre petitesse, parce que nous croyons que Dieu nous aime plus quand nous réussissons, quand tout est « cleen » chez nous ! Avec ce scénario pas possible de laisser Jésus nous rencontrer, nous pouvons juste le croiser, lui faire un petit coucou de temps en temps, mais nous ratons le rendez-vous.

Jésus demande explicitement à Zachée de descendre, c’est la condition sine qua non pour que la rencontre du Salut puisse avoir lieu. Il faudra que le fils prodigue entre en lui-même, accepte de descendre jusque dans les profondeurs abyssales de son péché pour que la miséricorde du Père puisse le rejoindre. Je crois que ce texte nous pose cette question : Quand accepterons-nous de ne plus jouer aux grands pour être au rendez-vous du Salut ? Zachée va être au rendez-vous, non seulement, il va descendre, mais il va accepter d’accueillir Jésus chez lui. Cette mention m’a beaucoup touché dans ma méditation. En effet, Zachée n’a pas eu peur d’ouvrir sa maison à Jésus pourtant sa maison, elle devait, je m’excuse, « puer le fric » ! Dans sa maison, il y avait peut-être des personnes pas très fréquentables. Zachée ne dit pas à Jésus, je vais à la maison, je préparer tout et viens dans 2 heures ! En 2 heures, il aurait eu le temps de faire disparaitre quelques preuves gênantes de son péché. Non, il a accepté que Jésus entre chez lui sans rien chercher à cacher. C’est le fameux slogan de Mac Do qui devrait être écrit en gros sur la porte de nos églises, dans les lieux où l’on donne le sacrement du pardon : Venez comme vous êtes ! Demandons de recevoir cette grâce d’accueillir le Seigneur tels que nous sommes et, plus encore, demandons la grâce qu’a reçue Zachée de l’accueillir avec joie !

Alors, évidemment, tout cela ne plait pas aux bien-pensants, aux fils ainés de la parabole du père prodigue. Ils manifestent leur mécontentement parce que Jésus est allé manger chez un homme pécheur. Jésus ne relève pas cette parole méprisante, il ne la relève pas parce qu’il en voit un qui s’est relevé, c’est Zachée, le texte nous dit : Zachée, debout, s’adressa au Seigneur. Debout, c’est le mot de la résurrection ; grâce à la venue de Jésus, il est ressuscité, sa vie est transformée. Et il va le montrer concrètement en se détachant de cet argent qui l’avait complètement attaché, il décide immédiatement de faire du bien, beaucoup de bien. Nous le savons, dans le sacrement du pardon, il y a une dimension essentielle qui est la réparation. Pour que la miséricorde soit opérante, fructueuse, il faut que je m’engage, autant que faire se peut, à réparer les désordres de mon péché, c’est l’une des fonctions de la pénitence donnée en fin de célébration du pardon, une pénitence qu’on ne donne plus assez souvent, moi, le premier ! 

Au terme de tout ce processus, Jésus peut prononcer cette magnifique parole de récapitulation pour justifier ce qu’il vient de faire : le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Dans l’Evangile de Matthieu, Jésus prononcera une parole semblable, mais encore plus explicite au moment de l’appel de Matthieu, le frère jumeau de Zachée : Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Mt 9,12. Cette parole me rappelle toujours cette extraordinaire parole du curé d’Ars qu’il adressait à ceux qui n’osaient pas venir communier en disant : nous n’en sommes pas dignes. Il leur disait : c’est vrai, vous n’en êtres pas dignes, mais vous en avez besoin ! Et il rajoutait malicieusement : c’est comme si vous ne disiez que vous n’allez pas voir le médecin parce que vous êtes trop malades ! Sois béni, Seigneur d’être descendu pour nous sauver, pour me sauver, donne-moi de ne jamais fuir le rendez-vous du Salut.

Cet article a 2 commentaires

  1. Franchellin Jean Marc

    Le Sycomore est un petit figuier d’Égypte. Et tout ce qui vient d’Égypte pour les israélites de l’époque ça ne valait pas grand chose.
    Zachée, petit homme qui monte sur un petit arbre dans la ville la plus basse de terre…
    Ne sommes nous pas une société de Zachée ? Qui au bout de sa petitesse va se rendre compte que la richesse financière n »est pas une garantie… Oui, il y a de l’ espoir pour notre société… Jésus ne condamne pas, il invite… C’est possible à un riche de rentrer dans le royaume de Dieu ! À nous, Église d’accueillir de cette même façon que jésus les Zachées de notre époque(les mariés divorcés, les homosexuelsl etc..
    Heureux les hommes perdus, car ils ont une chance de s’en sortir…
    L’impossible devient possible.
    L’abaissement c’est l’élévation..
    En communion de « Zachées »

  2. Adéline

    Amen !
    « Jésus n’est pas venu faire du lèche-vitrine… » : Ah ah!!!
    Merci pour tout ce qui est éclairé par vous pour nous.

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