Pour goûter comme il convient la 1° lecture, ce texte que nous connaissons si bien et que nous appelons « l’hymne à l’amour », il n’est peut-être pas inutile de dire quelques mots sur cette communauté des Corinthiens à laquelle Paul s’adresse. Corinthe était, à l’époque de Paul, une grande ville portuaire, ce qui signifie que c’était un lieu de brassage de population avec tous les navires qui chargeaient et déchargeaient leurs marchandises. Qui dit brassage de population, dit aussi, brassage des religions. Tous les cultes étaient représentés à Corinthe, certains proposant des expériences spirituelles hors-normes qui devaient donner des dons exceptionnels à ceux qui s’y risquaient, des expériences de transe, par exemple. Inutile de dire que ces cultes étaient très fréquentés par tous les amateurs de merveilleux et que ceux qui avaient fait le choix de devenir chrétiens avaient du mal à renoncer à l’attrait de ces expériences. Un peu comme aujourd’hui, des personnes chrétiennes refusent de rompre leurs relations avec des médiums de tout style, refusent de se détourner de pratiques qui vont à l’encontre de leur foi, sous prétexte qu’elles leur permettent de vivre des expériences tellement grandes qu’elles ne peuvent s’en passer.
C’est à ces chrétiens, d’hier et d’aujourd’hui, qui sont comme pris en tenaille entre leur foi et ces désirs si peu ajustés que Paul s’adresse de manière toute particulière dans le texte que nous venons d’entendre dans la 1° lecture. En effet, vous avez entendu le début, Paul dit : Frères, vous qui recherchez avec ardeur les dons les plus grands, je vais vous indiquer le chemin par excellence. Paul prend donc acte que certains chrétiens sont attirés par cette recherche de dons extraordinaires et c’est comme s’il leur disait : cette recherche est bonne à condition qu’elle soit bien orientée et qu’elle ne vous conduise pas dans des impasses ! Pour être sûr de bien être compris, il va énumérer un certain nombre de dons exceptionnels et, à chaque fois, il ajoutera : sans l’amour, ce don ne sert à rien et même pire, Paul ne le dit pas, mais je le rajoute, il peut être totalement contre-productif !
Ainsi donc, on comprend vite que le don le plus exceptionnel c’est l’amour. Mais le mot amour peut tellement être dévoyé que Paul va s’empresser de dire de quel amour il parle. Et c’est ainsi qu’il va décliner 16 qualités de l’amour, je les ai comptées ! Merveilleux, oui, mais en même temps, un peu déprimant ! En effet, qui oserait prétendre qu’il aime en permanence de cet amour avec ses 16 qualités ? Oui, c’est déprimant si nous imaginons que Paul nous invite à faire des efforts, toujours plus d’efforts pour parvenir à cet amour. Mais extraordinaire si nous arrivons à décrypter que derrière ce portrait de l’amour avec ses 16 qualités, c’est le portrait de Jésus que Paul a brossé. A chaque fois qu’il y a le mot amour, vous pouvez le remplacer par Jésus. Ainsi, au lieu de dire : L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas etc… Dites : Jésus prend patience ; Jésus rend service ; Jésus ne jalouse pas …
Parfois on regrette qu’aucun artiste n’ait eu l’idée de peindre le portrait de Jésus, mais dire cela, c’est oublier qu’il y a deux portraits absolument authentiques de Jésus qui nous permettent de le voir tel qu’il était : c’est le portait que brosse St Matthieu dans les Béatitudes et le portait que brosse Paul justement dans cette hymne à l’amour. Dire cela, c’est donc indiquer un chemin extrêmement sûr pour parvenir à vivre au quotidien un amour qui ait ces 16 qualités : il suffit de prendre Jésus chez nous, dans notre cœur, de le laisser déployer son amour en nous pour que nous en devenions capables. Plus je resterai uni à Jésus et plus mon amour s’approcher de cet amour aux 16 qualités, plus je m’éloignerai de Jésus, plus je compterai uniquement sur moi et mes efforts pour aimer et plus les qualités de mon amour vont diminuer.
Aujourd’hui, particulièrement dans cette Eucharistie, comme dans toutes les Eucharisties, Jésus nous demande : veux-tu m’accueillir dans ton cœur ? Veux-tu me laisser déployer mon amour dans ton cœur pour que tu puisses aimer d’un amour toujours plus grand, toujours plus fort ? A cette invitation de Jésus ne répondons pas à la manière de ces gamins dont Jésus fustige l’attitude dans l’Evangile ; ils ne sont jamais d’accord avec ce qu’on leur propose ! Répondons sans tarder et avec enthousiasme à cette invitation de Jésus qui veut, par sa présence en nos cœurs nous ouvrir la voie du grand amour. C’est la grâce que nous demandons par l’intercession de Notre Dame de Laghet.