Dans ce passage de la 1° lettre de St Jean que nous avons entendu, nous quittons les consignes de vie données pour la vie communautaire, consignes distillées tout au long des jours précédents.
Avec la lecture d’aujourd’hui, nous sommes dans un autre registre. Pour s’en convaincre, il suffit de réécouter ces paroles : « C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. En effet, ils sont trois qui rendent témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois n’en font qu’un. » Je ne sais pas si en entendant ces paroles vous comprenez immédiatement ce qu’elles veulent dire, pour moi, elles sont restées ténébreuses assez longtemps et c’est d’ailleurs le commentaire d’un pasteur protestant qui m’a aidé à mieux comprendre.
Pour St Jean, devenir croyant, vivre dans la foi, ça exige une nouvelle naissance. Devenir chrétien, vivre en croyant, ce n’est pas seulement réaménager sa vie en essayant de faire en sorte qu’elle soit « plus propre » ! Non, devenir chrétien, c’est entrer dans une vie nouvelle, il faut renaître, quitter la vieille vie, ce que Jésus a expliqué à Nicodème. C’était ce qui était symbolisé dans la manière de célébrer les baptêmes dans l’Eglise primitive. Le catéchumène descendait dans la piscine baptismale en laissant ses vieux habits et, quand il remontait, après avoir reçu le baptême, il recevait le vêtement blanc, signe de cette vie nouvelle. Le baptême fait entrer dans cette vie nouvelle, plus précisément, c’est l’eau du Baptême préfigurée par cette eau qui coule du côté ouvert de Jésus. Et c’est là que le commentaire du pasteur a été lumineux pour moi.
En effet, contemplant l’eau qui s’écoule du côté ouvert de Jésus, ce pasteur disait avec audace que c’était comme si Jésus perdait les eaux. Comme une femme, juste avant d’accoucher, perd les eaux, Jésus a perdu les eaux, l’eau s’est écoulée de son côté ouvert. En donnant sa vie pour nous, Jésus a voulu nous enfanter à la vie nouvelle, c’est pour cela qu’on le voit comme perdre les eaux. Cette eau qui s’écoule du côté ouvert de Jésus, elle est donc promesse d’un enfantement, par sa mort, Jésus offre cette vie nouvelle.
Maintenant, il n’y a pas que l’eau, St Jean insiste aussi pour parler du sang qui s’écoule de la plaie du côté ouvert. Oui, parce que, pour que nous puissions entrer dans cette vie nouvelle, Jésus a payé le prix fort, il a donné sa vie … et de quelle manière ! L’angoisse lui avait déjà fait transpirer du sang à Gethsémani, la flagellation et la couronne d’épines en ont fait couler encore, les chutes et rechutes sur le chemin de croix continuaient à le vider de son sang sans parler des clous qui ont été plantés dans sa chair jusqu’à ce coup de lance qui lui fait verser ce qui lui restait de son sang.
Et tout cela, il l’a fait pour nous et jusqu’au dernier des vauriens qui ne le mérite pas. D’ailleurs, ni vous, ni moi, nous le méritons puisqu’entrés dans la vie nouvelle nous gaspillons si souvent les grâces du Salut. Peu importe, il a voulu verser jusqu’à la dernière goute de son sang comme preuve de son amour, afin que tous ceux qui le voudront puissent vivre de sa vie. Nous venons de méditer sur l’eau et le sang, il reste enfin l’Esprit. Parce que pour vivre de cette vie nouvelle, pour nous tenir dans la vie nouvelle, nous avons besoin de la force de l’Esprit. Et l’Esprit-Saint, c’est justement celui qui va nous aider, nous les gaspilleurs de grâce, à vivre de sa vie et à repartir quand nous sommes tombés.
« C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. En effet, ils sont trois qui rendent témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois n’en font qu’un. » Je pense que cette parole devient plus parlante maintenant !
Venons-en à l’Evangile qui va mettre sous nos yeux un magnifique récit montrant un homme, lépreux, accéder, comme par anticipation, à la vie nouvelle. Je dis « par anticipation » car nous sommes encore au début du ministère de Jésus, l’eau et le sang qui enfantent à la vie nouvelle n’ont pas encore été versés. Pourtant cet enfantement à la vie nouvelle par l’eau et le sang est déjà annoncé dans ce miracle.
Nous le savons, les lépreux étaient traités de manière très dure parce que les bien-portants voulaient légitimement se protéger de la contamination de cette terrible maladie qu’on ne savait évidemment pas soigner à l’époque. La loi ne pouvait pas guérir la lèpre, elle protégeait juste les personnes saines, Jésus, lui, il peut et il veut s’occuper des malades. Cet homme avait sûrement entendu parler de Jésus, de ce qu’il était capable de faire, c’est pourquoi, il lui dit : « Si tu veux, tu peux me purifier. » Il sait que Jésus peut, mais ce qui lui fait peur, c’est que, peut-être, Jésus ne le voudrait pas ! Et vous aurez remarqué que cet homme ne demande pas d’être guéri, mais d’être purifié. Il désire donc bien plus que retrouver une peau normale, il veut retrouver son intégrité perdue, car ayant perdu cette intégrité, il a été exclu de la communauté des hommes et même empêché de se présenter devant Dieu au Temple. Nous le savons, par la suite, la lèpre sera vue comme une image du péché : la lèpre défigure, le péché aussi. Alors n’hésitons pas, nous aussi à nous approcher de Jésus en lui disant : si tu le veux, tu peux me purifier de la lèpre du péché.
Que Notre Dame de Laghet nous obtienne ce grand désir et l’audace de nous approcher avec foi de Jésus, son Fils, Lui qui, sur la croix, a comme perdu les eaux pour nous enfanter à la vie nouvelle.